Le 24 août 2021 – Centre 4s
Surprise ou signe des temps ? Au-delà des énormes dissemblances – géographiques, historiques et militaires – qui séparent les deux régions, le retrait des troupes américaines de l’Afghanistan devant le succès des Talibans, sont aussi suivis au Sahel que dans des pays plus directement concernés.
Les divers groupes armés, liés ou non à AQMI, ou Al Qaeda au Maghreb, ne peuvent y contenir leurs exaltations. Leur moral est au zénith et la certitude que celui de leurs ennemis est au niveau des talons les revigore davantage.
La démoralisation et, au mieux, le doute au sein des cercles officiels, civils et militaires, est patente. Avec le retrait précipité et chaotique des troupes américaines et alliées d’Afghanistan, un nouvel élan émerge au profit des groupes armés au pire moment pour le Sahel et toute la région.
Comme si la victoire des rebellions y est déjà actée avant sa concrétisation sur le terrain. Se préparer à gérer cette tendance lourde offrirait une meilleure approche pour le succès des gouvernements et de leurs alliés extérieurs.
Se lamenter n’est pas une option.
En cours depuis de nombreuses années, la déferlante terroriste sur l’Afrique – de la Somalie au Sahel et du Mozambique au Mali, en passant par le pourtour Libyen – est aujourd’hui, partout revigorée. Y compris dans les pays où ses alliés politiques, déjà infiltrés dans les systemes, participent, placidement, au jeu politique national.
Le Sahel n’est certes pas l’Afghanistan, une terre de combattants déterminés. Comme le rappellent les grands échecs du « Great Game » britannique du XIX siècle, de l’intervention de la Russie soviétique dans les années 1980/90 et aujourd’hui, le retrait désorganisé et précipité des troupes américaines présentes sur le terrain depuis vingt ans.
Dans ce contexte international, totalement bouleversé, la priorité du Sahel et sans doute aussi celle de ses alliés – concernés et pas que par un désastre humanitaire et ses conséquences en particulier migratoires – ne devrait plus être de se lamenter. Ou de se blâmer mutuellement. Il serait plus stratégique de mieux gérer la multitude des conflits armés avant qu’ils ne deviennent, plus que par le passé, les foyers d’attraction et de formation de nouveaux combattants boostés par le succès des Talibans.
Zone de fortes et fréquentes violences meurtrières, le Liptako Gourma ou triangle des trois frontières, n’est pas la seule zone concernée. Tout le Sahel et une partie du Maghreb ainsi que le pourtour du Golfe de Guinée le sont autant. Il en est aussi de même de la région du pourtour du lac Tchad, affectée depuis plus de dix ans, par une instabilité meurtrière due aux attaques de Boko Haram. Et dans ce contexte, où ira la Lybie riche et vaste et non gouvernée depuis des décennies ?
Contenir les dégâts.
La victoire médiatisée des Talibans à Kaboul constitue un puissant stimulant en particulier pour les islamistes sahéliens. Se voulant comme ces Talibans victorieux, ou les endurants Shebabs de Somalie, les radicaux du Sahel ne veulent ou ne savent pas négocier. Ils visent la victoire totale comme la leur prédisent leurs chefs et telle que la démontre l’actualité à Kaboul.
Le contexte sécuritaire d’aujourd’hui constitue un véritable dilemme pour les gouvernements sahéliens. Sans succès militaire rapide et décisif, ou une nouvelle dissuasion crédible, le risque de figer les positions actuelles et de développer les possibilités d’anarchie dans les pays est réel. « Soft ou hard », ouvertes ou de fait, la discussion avec les groupes armés n’est pas un objectif en soi. Celui-ci doit viser l’arrêt de l’expansion et de l’enracinement de la violence terroriste dans la région. Eviter de faire de nouvelles victimes ou de nouveaux héros constituerait des gains pour tous. Le but ultime est de ne pas figer les positions en perpétuant le conflit avec le risque de créer des conditions d’anarchie bien plus destructrices et plus difficiles à résoudre. Lutter contre la corruption endémique et en faveur des droits en particulier des femmes et des minorités consolidera les bases de sociétés stables.
Atteindre ces objectifs exige une reprise en main pour la reconstruction des relations entre toutes les parties nationales afin de consolider et de conforter ceux qui ne veulent pas de violence armée. En fait, obtenir un gain pour tous, appelle à différencier et à séparer les questions liées aux problèmes posés par les parties de celles liées aux leaders des rebellions.
In fine, le signe des temps serait, avec la tragique actualité de ces jours, de consolider des approches capables d’éviter au Sahel la tragédie de guerres sans fin et leurs cohortes de morts, destructions ou de pertes de puissance. Comme celles d’Afghanistan.
Centre 4s
Centre for Strategies and Security for the Sahel Sahara (Nouakchott)