L’interview accordée le 20 novembre à Jeune Afrique par Emmanuel Macron s’inscrit dans le prolongement de son discours de Ouagadougou. Le président y dit sa conviction que la refondation des relations entre la France et l’Afrique sera l’œuvre des nouvelles générations. Il y défend une nouvelle approche, fondée sur la centralité du rôle des diasporas – érigées avant-gardes de ce nouveau partenariat -, débarrassée des pesanteurs du passé, en phase avec son temps, et tournée vers l’avenir.
On peut regretter que certains commentateurs acerbes n’aient pas saisi, ou n’aient pas voulu mesurer toute la portée de cette reconnaissance symbolique.
Institué en juillet 2017, consulté sur les sujets au cœur de la relation entre la France et l’Afrique, le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) incarne cette vision renouvelée du partenariat avec le continent, qui place en première ligne les sociétés civiles. La France est riche de sa part d’Afrique, le président Emmanuel Macron l’a répété dans son interview le 4 décembre au média social Brut : « l’histoire individuelle de chacun des Français issus de la diaspora africaine est une partie de notre histoire collective et doit être reconnue ».
L’examen critique du passé permettra la réconciliation des mémoires. L’idée que les diasporas sont une chance pour notre avenir, et que cet avenir s’écrira avec l’Afrique, est ce qui nous réunit. L’empreinte des diasporas africaines de France est profonde, leur apport est évident. Sur le plan culturel – la Saison Africa 2020, qui s’ouvrira mi-décembre, nous le rappellera -, sur le plan sportif, ou dans le domaine de la santé.
Relation équilibrée
Nous avons la ferme conviction que le nouveau partenariat avec l’Afrique doit avoir une dimension économique. L’entrepreneuriat des diasporas africaines crée des passerelles entre la France et l’Afrique. Il crée des « solidarités de fait » et représente la meilleure des réponses aux logiques de repli et d’affrontement attisées par les convulsions de l’actualité. Cet entrepreneuriat des diasporas peut impulser une nouvelle dynamique à notre relation avec le continent et représente un vecteur de transformation profonde.
Nous croyons à la valeur de l’exemple. Nous militons pour une meilleure visibilité des succès des Français issus des diasporas africaines, et tout spécialement ceux des entrepreneurs. Ils peuvent devenir à la fois des modèles inspirants, à l’intérieur de nos frontières, et les porte-drapeaux d’une relation avec l’Afrique que nous souhaitons plus équilibrée, et plus équitable.
Les diasporas, acteurs incontournables
Depuis septembre 2020, le CPA a engagé une vaste consultation pour promouvoir l’entrepreneuriat de la diversité et des diasporas. Cette initiative a rencontré un très fort écho et débouchera sur un ensemble de propositions qui seront bientôt remises au président de la République et à la ministre de l’Égalité des chances. Les « remontées du terrain », que nous avons pu enregistrer à l’occasion de ce cycle de débats sur l’entrepreneuriat des diasporas montrent qu’il existait une attente forte et partagée à ce sujet. Notamment auprès des plus jeunes.
Ici, une mise au point s’impose. Elle vise certains intellectuels qui semblent – sciemment ? – se tromper d’époque et de logiciel en assimilant l’entrepreneuriat à l’affairisme, à la course aux rentes, à la prédation des ressources du continent. Cette vision, anachronique et éculée, est un contresens majeur.
En France, comme dans les pays d’Afrique, les diasporas sont des acteurs incontournables du développement économique. Et les entreprises sont le moteur de la création de richesses ! Nous assistons, depuis environ deux décennies, à un phénomène remarquable : l’émergence d’une société civile africaine, consciente, dynamique, entreprenante, disruptive et résiliente, qui s’est autonomisée de l’État et agit comme un moteur du changement.
Il ne pourra y avoir de réduction de la pauvreté sans création massive d’emplois, et cela, seuls les entrepreneurs sont à même de le faire. Ce mouvement doit être accompagné, nos entreprises, à travers les partenariats qu’elles développent avec le continent, doivent y prendre part, sans nourrir aucun complexe, ni regarder dans le rétroviseur. C’est ainsi, et seulement ainsi, qu’elles répondront aux attentes des Africains, qui veulent plus de partenariats, et qui ont pu parfois critiquer les entreprises françaises pour leur frilosité.
Financement du secteur privé africain
Ne nous méprenons pas sur le sens de l’Histoire. L’Afrique vit un moment charnière. Elle est aujourd’hui durement éprouvée par les conséquences de la crise du Covid-19, qui a entraîné une contraction inédite de l’activité. L’heure est à la relance économique. Oui, il faut traiter le sujet de la dette, qui asphyxie certains États dans le contexte actuel, mais les allégements – déjà consentis ou à venir -, ne sont pas la panacée. En se focalisant sur la dette, nous laissons entièrement de côté le débat sur le financement du secteur privé africain, sur les mécanismes financiers adaptés au secteur informel, qui est une part dominante du secteur privé sur le continent. Les bailleurs de fonds et les partenaires au développement doivent s’en emparer, car c’est le levier qui permet d’avoir le plus d’impact.
La France a su se montrer pionnière, en organisant, début novembre, à l’initiative de l’Agence française de développement (AFD), le sommet « Finance en Commun », largement consacré à cette thématique du renforcement de l’appui au secteur privé africain. Les pouvoirs publics ont montré le chemin. Il appartient maintenant au secteur privé français, et notamment les banques, d’accompagner et d’amplifier cette dynamique au service d’un partenariat rénové avec l’Afrique à la hauteur des enjeux du moment.
Par Wilfrid Lauriano Do Rego
Coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA)
Source : Jeune Afrique