Collectif des Avocats de l’Etat mauritanien, partie civile : Mise au point

Collectif des Avocats de l’Etat mauritanien, partie civile : Mise au pointLes Avocats de l’ancien Président de la République dans la procédure ci-dessus indiquée ont, dans diverses sorties, médiatiques :

– soutenu, de nouveau, allègrement, l’irrégularité des poursuites engagées à l’égard de leur client

– invoqué le droit de celui –ci à l’observation du silence muet devant les officiers et agents de la police judiciaire en charge de l’enquête préliminaire – allégué que la constitution par l’Assemblée nationale de commissions parlementaires d’enquête a été illégale

– affirmé que la mesure tendant à interdire à leur client de sortir en dehors des limites du territoire de la Wilaya de Nouakchott Ouest est attentatoire à sa liberté.

En vue d’éclairer l’opinion publique sur ces différents points, notre collectif tient à apporter les précisions suivantes.

1– Nos confrères brandissent l’art 93 de la constitution comme un bouclier censé conférer à l’ancien Président de la République une immunité absolue et une impunité totale même pour les délits et crimes de droit commun. Pourtant, ce texte dispose : « le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison ».

Il en ressort que cette immunité est bien confinée dans une limite matérielle claire : elle est conférée au Président de la République durant son mandat et pour les seuls actes rentrant dans l’exercice de ses fonctions. Or, les actes de corruption ainsi que les nombreuses infractions assimilées ou les crimes et délits de blanchiment objet de l’enquête en cours ne peuvent nullement être rattachés à l’exercice normal des fonctions du Président de la République telles que définies à l’article 30 et suivants de la Constitution. Est-il-utile, par ailleurs, de rappeler que l’auteur de ces actes n’est plus Président de la République ?

De surcroit, l’irresponsabilité absolue d’une personne pour les faits répréhensibles au regard de la loi ne peut que heurter la conscience collective de notre peuple et ses valeurs religieuses culturelles et morales. Elle serait par ailleurs en porte à faux par rapport à l’évolution des mentalités sociales, aux nouvelles exigences portées par les progrès de la démocratie et aux engagements internationaux de notre pays qui ne peuvent s’accommoder de l’impunité.

Quant au juge naturel de l’ancien Chef d’Etat, redevenu simple citoyen, il ne peut être que le juge ordinaire, la Haute Cour de Justice n’étant compétente, comme le précise l’article 93 de la Constitution, que pour le seul cas de Haute Trahison ; l’ancien président de la République pourra bien être soumis aux deux juridictions, parallèlement, chacune selon sa compétence légale propre.

2-Certes, le refus obstiné de Monsieur Mohamed Ould Abdelaziz de répondre à toutes les questions que lui pose la police judiciaire sur des faits précis relève de son droit de citoyen et de la ligne de défense qu’il s’est choisi , à ses risques et périls . Mais cette attitude dénote de son mépris pour les institutions de l’Etat et la volonté de couvrir d’opacité sa gestion de la chose publique.

3-Le débat soulevé autour de la légalité des commissions d’enquête parlementaires est, quant à lui, aussi artificiel que puéril dès lors que le contrôle de l’action du Gouvernement dans son ensemble est consacré par la Constitution et qu’une loi organique, texte de valeur normative supérieure aux lois ordinaires, est venue approuver le Règlement de l’Assemblée Nationale prévoyant la constitution de telles commissions.

Ce débat est par ailleurs sans intérêt sur le plan pratique dans la mesure où l’action judiciaire est déclenchée sur la base des conclusions de l’enquête de la police judiciaire et non sur celles de la commission d’enquête parlementaire.

4- Dans ses interventions faites ici et là, le Groupe d’avocats de Monsieur l’ancien président de la République oublie aussi que si l’article 10 de la Constitution consacre la liberté de circulation des personnes, il prévoit aussi qu’elle peut être limitée par la loi et que c’est précisément la loi qui donne au Procureur de la République, la faculté de restreindre la liberté de mouvement de toute personne suspectée d’avoir commis une grave infraction.

Nos confrères ont-ils perdu de vue que le recours par le ministère public à cette mesure au lieu du maintien en garde à vue, dans les locaux de la police, de leur client constitue plutôt un régime de faveur ?

Le 1ER octobre 2020

Le Coordinateur du Collectif

Le Bâtonnier, Maitre Brahim Ould Ebetty