Le combat politique en Mauritanie n’oppose pas en réalité le régime politique en place en Mauritanie aux innombrables partis dits radicaux qui forment la Coordination de l’opposition démocratique, mais deux hommes, le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz et un défenseur des droits de l’homme, Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA).
L’un dispose de l’appareil de l’Etat, de ses forces armées et de sécurité, de sa justice, de ses médias, mais aussi d’un bataillon d’érudits, d’hommes d’affaires, de tribus, avec tout ce qu’ils traînent comme force de pression et de coercition, de moyens matériels et financiers, et même de pouvoirs idéologiques et claniques.
L’autre est un singleton devenu foule, depuis la dernière présidentielle où il est arrivé juste derrière le président sortant, battant à plate-couture deux leaders politiques d’envergure.
Il n’est armé que de son discours, de son culot et d’une force de conviction pour la défense de sa communauté, les esclaves et les anciens esclaves, soumise et dominée depuis des siècles par un système qui régénère de générations en générations et qui reste réfractaires aux lois, au progrès et aux pressions internationales.
Convaincu que Birame Dah Abeid est irrécupérable, car refusant comme ses prédécesseurs de se faire acheter, crachant sur les privilèges des nominations et l’argent du Trésor public dans lequel le système l’invite à puiser à satiété à condition qu’il arrête de « l’emmerder », Mohamed Abdel Aziz n’a plus qu’une alternative, l’écraser puis l’éliminer.
Si le procès fomenté contre lui, et les militants qui le suivent, ne parvient pas à l’envoyer au trou pendant des années, d’autres recours pourraient être envisagés. Birame n’a-t-il pas déclaré récemment, que le nouveau Directeur général de la Police qui vient d’être nommé, aurait fait de lui et de son groupe, sa première priorité ? Il aurait même menacé de le liquider physiquement, selon lui.
Si Mohamed Ould Abdel Aziz et le système ont juré de faire taire Birame par tous les moyens, y compris en instrumentalisant les médias pour qu’il soit banni des radios, des télévisions, des journaux et des sites d’information, Birame a juré lui aussi d’éliminer le système de domination dont Ould Abdel Aziz s’est érigé en protecteur.
Il a en effet fait de la lutte pacifique contre la domination de classe et le racisme, sous-tendue par un ordre religieux omnipotent et des ouvrages religieux qui la justifient, son sacerdoce.
Ce qui lui a valu une reconnaissance internationale jamais égalée, son chemin de croix étant parsemé d’un Prix des Nations Unies, de deux prestigieux prix, celui de Weimar et de Fontline Defender, toute distinction qui fait dire à ses détracteurs qu’il est un pion du sionisme international.
Une accusation que les régimes totalitaires et leurs thuriféraires ont l’habitude de coller à leurs adversaires. Reste que le combat Aziz-Birame est le seul qui secoue aujourd’hui la Mauritanie.
Celui d’un homme, le plus diabolisé par la République, contre un ordre inique et désuet, qui faute du tribunal pour crimes esclavagistes qu’il a promis de créer, a décidé de transformer en attendant tous les tribunaux de la République en cours de répression contre les antiesclavagistes.
Réduire les abolitionnistes en silence pour l’épanouissement serein de l’esclavagisme, telle est la Feuille de route que la Mauritanie semble défendre, à l’heure où il s’expose à la communauté internationale comme le chantre de l’abolitionnisme.
Entre le système et Birame Dah Abeid, le combat sera long, car la soif de liberté ressentie aujourd’hui par toutes les communautés asservies, a germé depuis belle lurette et rien ne pourra plus l’arrêter. Ce combat-là, ce ne sera pas celui du pot de terre contre le pot de fer.
Cheikh Aïdara
Source : L’Authentique (Mauritanie)