Grosse colère, donc, exprimée le 30 Janvier dernier, avec leur boycott de la cérémonie d’inauguration (finalement reportée par les responsables de la BP) de l’aire de débarquement et du hangar de transformations. « Nous ne pouvons venir assister, comme des pantins à une telle cérémonie, alors que nous n’avons pas été associés au départ à ces projets.
Par cet acte, nous tenons à faire part de notre mécontentement. La population de N’Diago et surtout la communauté des pêcheurs sont dans leur rôle d’alerte et de sauvegarde des intérêts des gens. Au lieu de tirer profit de ces exploitations, le village risque de tout perdre », alerte Yaali N’Diaye, conseiller municipal et leader local.
« N’diago fait déjà face à des problèmes récurrents d’eau impropre à la consommation, en raison du taux élevé de salinité. Les animaux n’ont plus où paître, en raison de la dégradation du couvert végétal.
Les aménagements agricoles sont aussi touchés par cette dégradation continue. Les populations souffrent cruellement. Aujourd’hui, il importe de mettre en place une nouvelle adduction d’eau pour approvisionner le village en eau potable. […] Certes, les gisements de pétrole et de gaz sont d’une importance particulière pour la Mauritanie.
Mais les conséquences de cette exploitation sont dramatiques pour N’Diago », note Yaali par ailleurs président de l’Union des coopératives Le Mol.
Constitué à 90% de pêcheurs, ce village voit son avenir assombri. Les recherches minières ont fait fuir plusieurs espèces de poissons, devenues aujourd’hui denrées rares. « En 2011, on comptait trois cents pirogues. Aujourd’hui, plus que sept », déplore Yaali. « C’est très grave.
Les conséquences se font déjà ressentir. Les pélagiques qu’on retrouvait entre Mamghar et PK93 fuient vers le Sénégal, en raison des recherches pétrolières et gazières et de la forte présence de navires étrangers.
Les poissons de fonds sont menacés ». Yaali Ndiaye a appuyé matériellement, sur fonds propres, les sept propriétaires de pirogues afin qu’ils restent dans la localité pour approvisionner les populations en poissons.
Atténuer les effets
Il préconise que la société BP indemnise les communautés des pêcheurs et les habitants du village pour le préjudice subi. « Des solutions alternatives sont aussi à rechercher », avance-t-il, « des activités parallèles menées, notamment le développement de la pisciculture et de la pêche continentale.
Avec des efforts notables en direction des infrastructures : extension du réseau électrique, construction de locaux sanitaires et éducatives dignes de ce nom. Et suppression du taux élevé d’intérêt (15%). Cela dit, nous saluons la mise sur pied de la caisse Djiké qui soulage les populations dans le domaine de la microfinance.
Les autorités n’ont pas tiré les leçons du passé avec les aménagements de l’OMVS qui ont déséquilibré le cadre de vie de N’Diago. Nous réclamons l’édification d’une route goudronnée reliant Keur Macène à N’Diago et un château d’eau. Il est indispensable de mettre sur pied un canal d’irrigation pour développer l’agriculture et l’élevage.
Il est aussi nécessaire de revoir la conception de l’aire de débarquement et du hangar de transformations. Les travaux exécutés par l’ONG ECODEV ne sont pas aux normes et les pêcheurs refusent d’y travailler. Lors de la visite d’échanges-études menée au Sénégal où ont été édifiées de similaires infrastructures, les communautés se sont rendus compte des anomalies ».
Yaali N’Diaye souligne qu’il est important que les communautés de N’Diago portent elles-mêmes leurs préoccupations aux autorités en charge des décisions liées à leur quotidien et à tous les impacts que ces opérations pourraient avoir sur elles. « Les villageois souhaitent que les actions entreprises à leur profit soient effectuées avec transparence et toujours précédées d’une concertation.
Enfin, il est nécessaire de réfléchir sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour atténuer les effets négatifs de toute exploitation de l’environnement. »
THIAM Mamadou
Source : Le Calame (Mauritanie)