L’un des secteurs les plus corrompus en Mauritanie : Les Infrastructures

La corruption est un phénomène persistant en Mauritanie. La dernière décennie de notre Aziz (2009-2019) était sans précèdent, notre pays aurait perdu plus de 7 milliards de dollars à cause de la corruption du système. La montée en puissance de l’administration des militaires, le boom minier et la découverte de gaz naturel sont deux événements majeurs qui auraient entraîné une augmentation soutenue de l’incidence des pratiques de corruption dans le pays. Le gouvernement ne fait pas des efforts pour minimiser la corruption et l’application de systèmes d’intégrité en place n’a pas eu de succès. La cupidité, le style de vie ostentatoire, les coutumes et les attitudes des gens auraient peut-être conduit à la décadence de la société. Une autre cause profonde en Mauritanie est certainement le tribalisme et encore la famille au sens large du terme. Les amis et les parents cherchant la faveur des officiels peuvent imposer des contraintes à la disposition éthique du fonctionnaire car ces parents voient les responsables gouvernementaux comme des voies de survie. La corruption, bien que répandue, a été maintenue à des niveaux gérables pendant les Républiques de Daddah et de Maaouya. Cependant, les cas de corruption au cours de la période avant 2000 ont parfois été assombris par des luttes intestines politiques et aussi que tout le monde ou presque se sucrait dans la répartition des revenus.

De nouvelles allégations de corruption ont commencé à émerger depuis le départ du Président, sans doute Aziz n’était pas seul.

En 2019, l’administration de Ghazouani devrait faire des changements réformistes tant attendues. Après qu’un coup d’État démocratique l’a porté au pouvoir, le nouveau gouvernement devrait limoger un grand nombre d’hommes d’affaires et fonctionnaires du gouvernement, dont beaucoup sont critiqués et accusés pour le détournement de fonds publics et trafic d’influence. La population attendait même des poursuites pour déposséder ces personnes des biens mal acquis ou volés durant cette décennie. Un échantillon représentatif de politiciens, hommes d’affaires et de la famille du président Aziz ont été cités et reconnus fautifs de pratiques de corruption sous les différents gouvernements en particulier celui de Ould Hademine. Après la publication du rapport de la Cour des comptes, le peuple attendait une reddition des comptes, il a cependant été déterminé que près de plusieurs milliards de dollars étaient effectivement manquants ou détournés ou dépensés sans crédits ou motifs valables. En plus de cela, le gouvernement d’Aziz a eu plusieurs scandales en cours, notamment l’achat des avions, des millions de dollars de contrats militaires, de sécurité, une corruption massive et des pots-de-vin au ministère du Pétrole et des Mines. Scandale international de Tasiast et plusieurs scandales impliquant les ministères de tous les secteurs, y compris des accusations de relations passionnées avec certains fronts et hommes d’affaires pour détourner la richesse publique. Comme le scandale des faux billets de la Banque centrale, le blanchissement des biens mal acquis dans le circuit de la drogue, les 8 milliards d’ouguiyas qui avaient été volés directement par des fonctionnaires de bas niveau du Trésor public. Cette révélation a exclu un crime qui est soupçonné d’avoir duré des années et n’a pas été détecté jusqu’à ce qu’il soit révélé par un dénonciateur. Le Trésor public a affirmé que ce cambriolage a sapé sa politique budgétaire et financière. Tous les secteurs de la vie économique ne sont pas épargnés, ça se compte par milliers, les scandales, mais les secteurs le plus touchés par la mauvaise gestion et la corruption sont sans équivoque ceux de l’extractif et celui des infrastructures.

La Mauritanie est un pays riche avec d’énormes revenus du secteur extractif avec des résultats négatifs pour le développement socio-économique à cause de la corruption et de sa mauvaise gestion. Tous les indices sont alarmants et reflètent la situation d’un pays fragile comme la Somalie ou la Syrie, le pays obtient de très mauvais résultats au niveau des indices de développement. Alors que des fonds publics sont apparemment détournés par la famille présidentielle et une poignée d’hommes, la moitié de la population Mauritanienne vit en dessous du seuil de pauvreté et les citoyens sont sans emplois et sans revenus. Le secteur des infrastructures aurait vraisemblablement extorqué des centaines de milliards d’ouguiyas au Trésor Mauritanien, en mettant en place une structure d’entreprise complexe et opaque dans le pays et au Maroc. Avant de revenir sur cette entreprise d’association de mal fauteurs, il est essentiel de voir le volume du gâteau qui est en jeu pour faire rouler la machine de blanchissement des fonds et des recettes tirées pour les contributeurs au jeu où le ‘’croupier’’ était bien notre bien cher Aziz et sa famille.  Le style de vie somptueux de la famille Aziz et les réponses offensives durant son interview  ne font plus de doute sur sa richesse et son origine. Quasiment au pouvoir depuis quinze ans, Aziz et sa famille ont été accusés d’utiliser leurs positions de pouvoir pour s’enrichir et sans honte, ils possèdent des propriétés d’une valeur de plusieurs millions de dollars dans le monde entier.

Travaux surfacturés

Le Gouvernement mauritanien a mis en place au cours des dix dernières années une politique volontariste en matière d’Investissement Public. Cette politique s’est traduite par une très forte croissance des ressources allouées à l’investissement, notamment les ressources domestiques. La part du Budget d’Investissement financé par des ressources nationales est passée de 66 milliards UM en 2009 à plus de 130 milliards UM en 2019. Cette évolution montre que les budgets d’investissements financés sur les fonds propres de l’Etat ont pratiquement doublé entre 2009 et 2019. En termes de pourcentage, cette part est passée de 34% en 2009 à 47% du total Budget consolidé d’investissement (BCI) incluant les financements extérieurs. Cette augmentation profitant pour les infrastructures urbaines et interurbaines évinçant ainsi les secteurs sociaux et ruraux, est motivée et justifiée par la facilitation de la corruption dans ce secteur. Ces derniers secteurs demeurent encore marqués par la précarité et la pauvreté ; une pauvreté accentuée par le déficit en matière d’infrastructures et de services sociaux de base. Hormis les efforts considérables fournis par les bailleurs de fonds en vue de surveiller l’exécution de leur financement et le développement dans les zones rurales, seuls les bailleurs arabes étaient parfois moins vigilants. Toutes les infrastructures n’ont pas été épargnées y compris les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Parmi les principaux projets d’investissement public programmés au niveau des routes et qui sont la source de corruption et de mauvaise gestion, pendant la période 2009-2019, nous pouvons citer : -Travaux de réhabilitation du tronçon Kiffa-Tintane de la route de l’espoir financés à hauteur de 12,75 milliards d’UM (2009) ;-Travaux de construction et de la route Kiffa-Kankossa, 7,95 milliards d’UM (2011) ; -Exécution des travaux de construction de la route bitumée reliant Mederdra à R’kiz : 9 milliards d’UM (2013) ; -Exécution des travaux de construction de la route Kiffa – Boumdeid : 13, 66 milliards d’UM (2014) ; -Travaux de construction de la route Atar – Zouerate Lot 3 : 13, 67 milliards d’UM (2015) ; -Construction de la route Atar-Tidjikja lot 2 : 9,66 milliards d’UM (2015) ;- et enfin des dizaines de milliards pour l’inoubliable voirie de Nouakchott et l’entretien des routes.

Le rapport économique du fonds Monétaire et de la banque Mondiale en 2018 avait pointé la faiblesse du taux d’exécution des financements extérieurs avec moins de 40% d’exécution alors que le financement de l’Etat s’exécute à plus de 100%. Il est clair que la capacite d’exécution des projets d’investissement est faible et l’amélioration de la capacité d’absorption ces dernières années était restée au même niveau. Le dépassement des taux d’exécution durant la période 2012-2016 pourrait être expliqué par des paiements de décomptes fictifs et des travaux surfacturés par des méthodes de sous-traitance non surveillées.

 

Klepocrates

Revenons maintenant sommairement sur le montage, c’est un secret de polichinelle, découvert par tous les citoyens, il opère sur le même modèle et la même structure que celui mis en place simultanément par Ould Hademine l’ancien premier ministre. Comme révélé par l’inspection Générale de l’Etat dans ses rapports  sur la SNAAT et L’ENER,  le modèle  est de passer par l’entreprise publique donc l’Etat comme l’ENER ou ATTM avec une convention de délégation de maitrise d’ouvrage pour éviter de lancer la commande publique par l’autre passoire du système des marchés publics, ici on fait appel à la Direction Générale des Infrastructures qui est gérée par toute une mafia structurée de chefs de services, de directeurs avec toute la connivence avec le directeur de l’ATTM et avant 2016 avec la complicité des services de l’ENER. M. Wone était le martyr du système avant la liquidation de l’ENER.  La DGIT et ATTM se trouvent au cœur de l’apparente stratégie de blanchiment d’argent de M. Aziz. Le DGIT est un fonctionnaire célèbre par son passage à la SNAAT, il est connu pour être un homme de main de la famille présidentielle pour ce qui concerne les camions et les gros engins de travaux publics. Il fait l’objet d’un dossier colossal à l’IGE pour son implication présumée dans la corruption et la mauvaise gestion de la société d’Etat. C’est tout à fait sans surprise pour l’IGE quand les délais d’exécution ne sont pas respectés ou que les prix des opérations de BTP ne sont pas analogues pour une opération de terrain semblable de construction ou d’entretien. Le directeur d’ATTM est connu pour être un intermédiaire  pour l’ancien premier ministre Ould Hademine, homme pour lequel il était responsable de l’obtention de contrats de travaux publics avec le gouvernement pour les entreprises et cousins du président Aziz. Selon certaines entreprises du secteur privé qui ont voulu garder encore l’anonymat, les deux hommes ont imposé des frais surévalués et irréguliers pour certains contrats et ils ont passé outre la loi 2000-05 sur la  délégation de la maitrise des ouvrage et ses décrets d’applications de 2017 à tel point que M. Moctar ould Djay a jugé inacceptable la situation lorsqu’il était ministre de l’Economie et des Finances. Finalement il semble qu’il a bien cédé sous l’impulsion de la famille présidentielle, nous ne comprenons pas toujours pourquoi il n’a pas encore réagi sur l’entreprise qui est détenue par la SNIM.

Les accords conclus par ATTM et le Ministère de l’Equipement étaient de réaliser des ouvrages de Travaux Publics comme un intermédiaire au-dessus de tout soupçon. La société ATTM sous-traite les travaux à une société ciblée par la DGIT, généralement cette société n’a aucune expérience évidente, ni de capital financier ou même d’employés, et avait été mise en place seulement quelques jours avant la signature de l’accord avec ATTM. Les termes du contrat stipulent que ATTM recevra le montant pour payer le projet surévalué et surdimensionné à l’entreprise ciblée. Dans  le cas des appels d’offres ouverts, les soumissions sont truquées.

Au total sans les affaires liées à l’aéroport de Nouakchott, pour une période de trois ans, les entreprises appartenant à ce système DGIT/ATTM  avec tout dernièrement la STAM pour le projet du barrage de Seguelil et la route de Benichab, ont reçu plus d’une centaine de milliards d’ouguiyas, des fonds qui sembleraient avoir été volés au Trésor Mauritanien. Nous sommes encore en train de continuer nos recherches sur cette mafia pour avoir plus de détails et demander une inculpation au moment opportun. Cependant, ce qui est clair, c’est que la mauvaise gestion est de culture dans ce secteur et les familles de ces fonctionnaires en charge de ce dossier allant du premier ministre aux directeurs en passant par les ministres vivent à des rythmes de pachas dans des villas somptueuses, véhicules de luxe, donc il est fort probable que l’argent utilisé pour ces dépenses extravagantes provienne, au moins en partie, de fonds publics pillés. Nous sommes en train d’adresser des questions rédigées aux entreprises pour en savoir plus sur les transactions conclues entre l’Etat et ATTM qui présentent un risque de corruption ou qui peuvent potentiellement utiliser des pouvoirs politiques et leurs connexions pour leur profit personnel. Les kleptocrates de la Mauritanie seront tous punis pour avoir détourné l’argent public et siphonner  tout avec des trains de vie fastueux au détriment  du peuple, qui meurt sur des routes mal faites et sans signalisation.

Mohamed Lemine ould El Mokhtar