Les autorités mauritaniennes constatent, dans une récente lettre circulaire, la « dégradation accélérée des forêts, engendrée par des coupes abusives d’arbres et une carbonisation illicites ». Ce qui sape, à leurs yeux, « les efforts de reboisement et de restauration de milliers d’hectares de terres ». Et le ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) de donner des chiffres : navrant résultat du déboisement de quelque 11.600 hectares de forêts, sans aucun effort de repeuplement compensatoire, environ 91 000 tonnes de charbon ont été transportées par 456 camions vers Nouakchott entre 2010 et 2019.
De surcroît, d’énormes quantités de charbon sont utilisées par la population en milieu rural – énergie de cuisson alimentaire… – au titre du droit d’usage mais ordinairement sans autorisation ni même concertation des services forestiers. Toujours selon les chiffres effarants du MEDD, plus de 2000 procès-verbaux ont été dressés au niveau national, entre 2010 et 2018, par les Délégations régionales du MEDD pour des infractions d’exploitation forestière frauduleuse. 19 758 tonnes de charbon ont été saisies et vendues aux enchères, surtout au Trarza, au Hodh El Gharbi et en Assaba.
La désertification et la dégradation de terres touchent environ 83 % du territoire mauritanien. Les zones forestières, terres boisées comprises, ne représentent guère plus, estime-t-on, de 9 % de la superficie du pays. Selon l’évaluation des ressources forestières (FAO 2019), les forêts mauritaniennes ne couvrent qu’environ 0,2% du territoire national. « Les défrichements non réglementés et l’exploitation forestière anarchique et illicite constituent les principales causes de la dégradation de ces zones. Cette situation nous exige de promouvoir, tous ensemble, une gestion intégrée et durable des ressources naturelles. Si « l’État a mis en place, depuis 1970, beaucoup de mesures politiques, réglementaires et institutionnelles pour lutter contre la désertification, la déforestation et le changement climatique », il reste beaucoup à faire pour éduquer la conscience citoyenne des impératifs environnementaux.
Sévir contre les coupeurs
Face à l’ampleur des dégâts, le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation ainsi que celui de l’Environnement alarment leurs délégations et autorités régionales. Dans leur lettre circulaire conjointe en date du 4 Décembre 2019, ils leur enjoignent « d’entamer des actions de sensibilisation des populations sur l’importance de la préservation et la gestion durable des forêts ; […] de prendre, sous le sceau de l’urgence, toutes les mesures nécessaires pour dissuader et réprimer sévèrement l’exploitation frauduleuse des ressources forestières du pays […] tous les produits forestiers délictueux ou les moyens d’exploitation ou le transport de produits délictueux seront saisis et confisqués au profit de l’État […] ».
Des mesures dissuasives à l’effet de décourager les promoteurs de ce business d’un autre genre ont été prises. Des amendes de 50.000 MRU sont infligées au transporteur coupable d’avoir transporté du charbon sans avoir exigé un permis de circulation de son propriétaire ; 50 000 MRU au propriétaire du charbon, si celui-ci a été exploité sans autorisation. […] En outre, le produit saisi et confisqué ne sera vendu qu’aux enchères », prévient la lettre circulaire, « par une commission composée de l’autorité administrative (préfet), du service chargé des forêts (DREDD), de la perception du Trésor et des services de sécurité territorialement compétents. Il est interdit de vendre, de par gré à gré à une tierce personne, le charbon saisi et confisqué à son propriétaire. Le prix minimum de vente du quintal métrique (100 kg) aux enchères ne sera pas inférieur à 300 MRU. Après la vente, « il est strictement interdit de faire circuler ce charbon par le même moyen de transport dans lequel il a été saisi ». Cet arsenal freinera-t-il le trafic et la coupe abusive des forêts ?
Synthèse THIAM Mamadou