En Afrique de l’Ouest, les mouvements jihadistes armés avancent comme le désert, du nord vers le sud, gagnant aujourd’hui le Burkina Faso? Ce qui inquiète à juste titre les Etats côtiers d’Afrique de l’Ouest.
Voici un excellent rapport de Crisis Group, tout juste publié.
Si quasiment aucune attaque n’a eu lieu dans ces pays d’Afrique de l’Ouest, leurs dirigeants craignent que les militants utilisent le Burkina Faso comme une rampe de lancement pour des opérations plus au sud. La région envisage, via la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de lancer des opérations militaires de grande envergure. Mais celles-ci pourraient se révéler contre-productives face à un problème qui nécessite des outils plus pointus ; elles risquent d’aggraver les tensions communautaires dans ces zones fragiles. Les pays côtiers devraient plutôt se concentrer sur des mesures moins onéreuses et sans doute plus efficaces : la collecte et le partage de renseignements, des arrestations ciblées, et l’amélioration des relations avec des communautés négligées du Nord. La Cedeao devrait par ailleurs œuvrer à limiter le risque de crise électorale dans plusieurs Etats côtiers, qui détourneraient des efforts contre les jihadistes. Le spectre de la contagion du jihadisme au Golfe de Guinée hante l’Afrique de l’Ouest.
Le spectre de la contagion du jihadisme au Golfe de Guinée hante l’Afrique de l’Ouest. L’expansion rapide du militantisme islamiste au Burkina Faso a considérablement accentué cette inquiétude. Ce pays occupe en effet une position centrale, reliant le Sahel aux pays côtiers et partageant des frontières avec quatre d’entre eux : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Le Burkina entretient aussi des relations historiques, humaines, économiques et politiques particulières avec ses voisins méridionaux. Tout ceci en fait une porte ouverte sur le Golfe de Guinée. Désormais implantés au Burkina, les groupes jihadistes occupent une position idéale pour se projeter vers le sud.
Les groupes jihadistes ont indiqué à plusieurs reprises vouloir étendre leurs activités à la côte de l’Afrique de l’Ouest. Certes, il n’est pas certain qu’ils en aient immédiatement les moyens : ils n’ont encore commis aucune attaque dans le septentrion des pays côtiers ; et n’ont frappé le Sud qu’une seule fois, en Côte d’Ivoire en mars 2016. Mais les militants agissent souvent plus par opportunisme ou en exploitant les désordres qu’en suivant une stratégie élaborée. La force de ces groupes armés pourrait donc naître de la fragilité même des Etats côtiers.
Dans ce contexte, les faiblesses des pays du Golfe de Guinée, souvent similaires à celles de leurs voisins du Nord, sont d’autant plus inquiétantes. Plus riches que les pays sahéliens, ils sont néanmoins rongés par le même sous-développement des périphéries éloignées du pouvoir central, le désenchantement d’une partie de la population vis-à-vis d’Etats absents ou brutaux, et des services de sécurité et de renseignement dysfonctionnels. Dans plusieurs pays du Golfe de Guinée, des élections qui s’annoncent litigieuses auront lieu en 2020, faisant planer la menace de violences politiques. Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Togo, pourraient créer des divisions et s’avérer particulièrement dangereuses.
La fragilité de la région tient aussi à l’incapacité des Etats à travailler ensemble. Ils ont peiné à trouver une réponse commune à la menace jihadiste. La création de plusieurs structures ayant une même mission de sécurité et de développement a dispersé les efforts. La Cedeao tente désormais de les coordonner, de ramener un certain ordre et de monter des opérations militaires conjointes entre ses Etats membres. Mais l’organisation sous-régionale n’a pas de chef de file, et le milliard de dollars nécessaire à ces opérations conjointes, que la Cedeao entend trouver parmi ses Etats membres, est sans doute hors de portée pour des pays en difficulté économique. Au lieu d’accélérer les opérations militaires, les Etats côtiers devraient se concentrer sur le partage de renseignements et le renforcement des contrôles aux frontières.
Une option plus efficace et moins onéreuse existe. Au lieu d’accélérer les opérations militaires, les Etats côtiers devraient se concentrer sur le partage de renseignements et le renforcement des contrôles aux frontières. Ils devraient redoubler d’efforts pour regagner la confiance des communautés locales et ralentir l’infiltration jihadiste dans leurs septentrions. A ce stade de la menace, les autorités devraient privilégier des opérations ciblées, sur la base de renseignements fiables, plutôt que des opérations de grande envergure qui risquent d’engendrer des abus contre des civils, en particulier au sein de communautés souvent suspectées d’être proche des jihadistes. Il importe aussi que la Cedeao et ses partenaires internationaux, en particulier l’Union européenne et la France, intensifient leurs efforts diplomatiques pour prévenir les crises électorales potentiellement violentes, qui pourraient menacer la stabilité de ces pays au même titre que les groupes jihadistes, et créer pour ces derniers un terrain fertile.
La porte burkinabè
La crise sahélienne s’est étendue au Burkina Faso. Apparus au Nord du Mali en 2012, des groupes armés qui se réclament du jihad ont ensuite essaimé au centre du Mali puis à la frontière entre le Mali et le Niger. Depuis l’été 2015, le Burkina a enregistré des centaines d’attaques de groupes jihadistes ou d’autres groupes armés, y compris des milices d’autodéfense.
La contagion de la crise sahélienne au Burkina représente un facteur potentiel de régionalisation de la violence car elle facilite considérablement la progression des groupes armés vers le sud côtier. Le Burkina occupe en effet une position géographique centrale en Afrique de l’Ouest. Partageant des frontières avec le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo, le pays fait la jonction entre le Sahel et le Golfe de Guinée. Sa relation avec ses quatre voisins méridionaux est aussi ancrée dans l’histoire, la démographie, l’économie et la politique. La proximité est enfin religieuse : comme de nombreux pays côtiers, le Burkina compte une proportion importante de chrétiens et d’animistes, ce qui en fait un pays unique au Sahel, où l’écrasante majorité de la population est de confession musulmane. Il constitue donc une porte ouverte sur le Golfe de Guinée ou, selon une terminologie actuellement en vogue, un « verrou ». L’implantation de groupes jihadistes au Burkina leur permet d’occuper une position géographique idéale pour se projeter vers le sud côtier.
L’implantation de groupes jihadistes au Burkina leur permet d’occuper une position géographique idéale pour se projeter vers le sud côtier, et de bénéficier, pour ce faire, de l’appui de réseaux humains, religieux, routiers, commerciaux et criminels très denses et établis de longue date. Les groupes armés jihadistes trouvent par exemple dans les nombreuses mines d’or artisanales du Burkina une source de financement potentielle. Ces sites sont reliés aux pays côtiers, principale voie de commercialisation de leur production. Dans les sites aurifères, artisanaux ou industriels, des pays du Golfe de Guinée, ces groupes peuvent notamment se procurer des détonateurs pour leurs bombes artisanales.
Depuis début 2019, la majorité des incidents survenus aux frontières des pays côtiers et impliquant, directement ou indirectement, des groupes armés jihadistes ont été reliés au Burkina. Deux touristes français enlevés au Bénin le 1er mai, à priori par des bandits qui auraient cherché à les revendre à des groupes jihadistes, ont été libérés quelques jours plus tard dans le Nord du Burkina. Fin avril, le président togolais Faure Gnassingbé annonçait l’arrestation de membres présumés de groupes armés en provenance du voisin du Nord. Ce même mois, les services de renseignement burkinabè ont prévenu leurs voisins que plusieurs militants jihadistes armés avaient quitté le pays pour se réfugier au Bénin et au Ghana. Quelques jours plus tard, le Bénin lançait l’opération militaire Djidjoho à la frontière avec le Burkina. Koury, une localité malienne proche du Burkina où des individus armés non identifiés ont attaqué un poste de contrôle frontalier, faisant sept morts le 19 mai, constitue un important point de passage routier vers la deuxième ville du pays, Bobo-Dioulasso.
Le Burkina n’est pas le seul point de passage possible pour des groupes qui cherchent à étendre leur influence en Afrique de l’Ouest. Plusieurs incidents ont eu lieu à la frontière malo-ivoirienne, comme l’enlèvement d’une nonne colombienne dans la région de Sikasso en février 2017.Depuis plusieurs mois, des membres du groupe jihadiste Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) s’efforceraient d’ouvrir un corridor allant du Nord du Mali au Nord-Ouest du Nigéria et au Nord du Bénin, en passant notamment par la ville nigérienne de Dogondoutchi. De son côté, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO ou ISWAP en anglais), une ramification de Boko Haram, tente de profiter du chaos provoqué par une vague de criminalité sans précédent dans l’Etat nigérian de Zamfara, frontalier du Niger, pour y vendre des armes et faciliter l’accès de ses membres au Sud-Ouest du Niger.
Les groupes jihadistes semblent actuellement progresser vers le sud et l’est du Burkina, se rapprochant des pays du Golfe de Guinée. L’attaque contre un convoi de travailleurs de la mine d’or de Boungou, qui a fait au moins 38 morts le 7 novembre 2019, est venu confirmer leur implantation dans l’Est du pays, frontalier du Bénin et du Togo, en dépit de l’opération militaire Otapuanu, lancée le 7 mars 2019 et présentée jusqu’alors par les autorités comme un succès. Cette attaque a renforcé les inquiétudes des entreprises minières en montrant que des groupes armés étaient actifs dans un espace géographique relativement proche des sites qu’elles exploitent, notamment dans le Nord du Ghana. On peut relier ce constat à la récente intervention des forces de sécurité burkinabè dans la région de Pô, une ville frontalière du Ghana, dans le Sud-Est du pays, qui a tué six individus suspectés de terrorisme.
La stabilité du Burkina n’est pas seulement liée à la situation sécuritaire de régions comme le Nord et l’Est, où des groupes armés sont présents. Dans un pays où deux insurrections populaires (1966 et 2014) ont déjà conduit à la démission du chef de l’Etat, les tensions sociales, liées aux conditions de vie, constituent une véritable menace pour le pouvoir sorti des urnes en 2015. En plus de l’aider à rendre plus performant son appareil sécuritaire, les partenaires du Burkina devraient contribuer à désamorcer la colère publique en soutenant financièrement le gouvernement du président Roch Marc Christian Kaboré, mais aussi en facilitant le dialogue entre celui-ci, l’opposition et la société civile. Plus la « porte burkinabè » sera ouverte, plus le risque de régionalisation de la violence au Sahel central sera élevé.
Les pays partenaires et les institutions régionales et internationales devraient aussi accorder une attention accrue à la fragilité politique du Burkina. L’élection présidentielle prévue en 2020 est cruciale pour le pays, mais rien ne garantit un processus pacifique et crédible. Pour la première fois depuis des décennies, ce scrutin est ouvert et le vainqueur n’est pas connu à l’avance. Cela aiguise les appétits des responsables politiques. Dans un contexte sécuritaire marqué par le militantisme de groupes armés jihadistes, mais aussi de groupes d’autodéfense, et l’engagement de volontaires civils aux côtés des forces armées, l’un ou l’autre des candidats pourrait être tenté d’utiliser ces forces contre ses adversaires. Enfin, pour la première fois dans l’histoire du pays, la diaspora, qui compte plusieurs millions d’individus dans la sous-région, pourra voter. Elle est en mesure de faire basculer l’élection. L’opération de recensement de ces électeurs doit être irréprochable afin d’éviter toute contestation crédible. En d’autres termes, l’élection devra aussi se préparer dans les pays côtiers, notamment la Côte d’Ivoire.
Le Burkina Faso ne peut se permettre une nouvelle crise politique ou une nouvelle période de transition comme celle qui a suivi le départ de Compaoré en 2014. Les acteurs de cette transition ont instrumentalisé l’armée à des fins politiques, pour faire avancer ou défendre leur propre intérêt, et l’ont dévoyée de sa mission de défense du territoire. Une nouvelle phase d’instabilité politique marquée par l’absence d’un exécutif fort et légitime produirait des effets similaires et entamerait un peu plus encore les capacités des forces de sécurité à combattre les groupes armés. De fait, plus la « porte burkinabè » sera ouverte, plus le risque de régionalisation de la violence au Sahel central sera élevé. Les mois qui viennent sont importants pour le pays et la région. S’il était confronté à la double pression des groupes armés jihadistes et d’une crise institutionnelle, l’Etat burkinabè menacerait rapidement de s’effondrer, perdant ainsi toute capacité à limiter la descente des groupes armés jihadistes vers le sud.
Velléités jihadistes d’expansion au Golfe de Guinée
Depuis plusieurs années, les groupes armés actifs au Sahel évoquent dans leurs discours la déstabilisation de pays du Golfe de Guinée. Dans une vidéo en date du 8 novembre 2018, trois responsables du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) – Iyad Ag Ghali, Djamel Okacha et Hamadoun Koufa –, une coalition de groupes jihadistes formée en 2017 et affiliée à Al-Qaïda, ont appelé les Peul à « poursuivre le jihad » dans d’autres pays, citant notamment le Sénégal, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun.
Aucune figure d’Al-Qaïda ou de l’Etat islamique n’a encore exposé publiquement et dans le détail un projet visant à déstabiliser le Burkina Faso pour en faire une sorte de corridor jihadiste menant aux pays côtiers, mais plusieurs incidents signalent une collaboration entre différents groupes armés jihadistes sur le sol burkinabè. En 2014 et 2015, des combattants non identifiés venant du Mali auraient mené des opérations de reconnaissance au Bénin et au Burkina, dans le parc du W, non loin du parc de la Pendjari où deux touristes français ont été enlevés et leur guide béninois tué en mai dernier. Interpellé en avril 2019 au Burkina, Oumarou Diallo, le commandant d’un groupe jihadiste local dit « groupe de Diawo », possédait une liste de contacts au Bénin, au Togo et au Ghana, démontrant des liens avec ces pays. Plusieurs analystes interprètent cette collaboration comme le signe d’un projet concerté visant à l’effondrement du Burkina, pour ensuite atteindre le Togo, le Bénin, le Ghana ou la Côte d’Ivoire. L’extension et la dispersion géographique des attaques permettent aux groupes jihadistes de mettre les forces régionales et internationales à l’épreuve en les poussant à s’éparpiller.
Pour ces groupes, l’ouverture de nouveaux fronts méridionaux dans le Nord des pays côtiers offre bien des avantages. Prolongement du Sahel, ces zones frontalières ont d’abord un intérêt pratique, pouvant servir de base arrière pour le repos et la logistique. Plusieurs sources ont signalé à Crisis Group la circulation régulière de militants armés en provenance du Burkina le long des frontières ghanéenne et togolaise pour rejoindre des « zones de repos » dans ces pays.
L’extension et la dispersion géographique des attaques permettent par ailleurs aux groupes jihadistes de mettre les forces régionales et internationales à l’épreuve en les poussant à s’éparpiller. Cela s’inscrit dans la stratégie de déconcentration qu’ils ont adoptée en 2013, lorsque l’opération française Serval les a chassés des villes maliennes qu’ils occupaient. Ils ont depuis lors cherché à investir les espaces ruraux abandonnés par les Etats et fragilisés par les tensions locales, en particulier ceux situés dans les zones frontalières. La poussée actuelle vers le Golfe de Guinée semble s’inscrire dans le prolongement de ce mouvement de dispersion de l’ennemi et de pression sur des espaces frontaliers fragiles.
Enfin, un ancrage dans le Nord des pays côtiers permettrait très certainement aux groupes jihadistes de la région d’établir des relais utiles pour se rapprocher des cibles de choix que sont les grandes villes du littoral. Répéter un coup d’éclat comme l’attentat contre la cité balnéaire ivoirienne de Grand-Bassam en mars 2016 ajouterait aux désordres dont ils se nourrissent et leur permettrait de punir des pays comme le Togo ou la Côte d’Ivoire, qui participent à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Les autorités ivoiriennes, appuyées par les services de renseignement français, auraient déjoué plusieurs attentats programmés à Abidjan au mois de mai 2019. Ceci permettrait aux groupes jihadistes d’étendre le corridor allant du Nord du Mali au Nord-Ouest du Nigéria et au Nord du Bénin.
Sahel central et Golfe de Guinée : des faiblesses similaires
Il est difficile d’identifier les pays du Golfe de Guinée les plus susceptibles d’être touchés par l’expansion de la violence jihadiste dans les mois ou les années à venir. Ce vaste espace comprend non seulement les voisins immédiats du Burkina mais aussi la Guinée, qui semble pour l’instant imperméable aux attaques jihadistes, et même le Sénégal, qui, ces dernières années, a renforcé la sécurité à ses frontières afin d’éviter notamment une attaque à Dakar, la capitale.
Le Nord des pays côtiers frontaliers du Burkina est relativement méconnu. A l’exception du Nord ivoirien, les zones septentrionales du Bénin, du Togo et du Ghana sont restées, jusqu’à une date récente, en marge de l’actualité et des travaux de recherche, du moins dans une perspective sécuritaire. Cette zone géographique a été épargnée par les grandes crises ouest-africaines des dernières décennies, tant les guerres du fleuve Mano que les premières années de la crise sahélienne.
En outre, il n’existe pas de fragilités communes évidentes que les groupes armés pourraient exploiter. Le Nord de ces pays est constitué de terroirs extrêmement divers d’un point de vue humain, politique et économique. Dans cet espace long de plusieurs centaines de kilomètres, les dynamiques locales détermineront où les tensions communautaires et les frustrations de la population resteront en l’état et où elles se transformeront en mouvements violents, qu’ils soient animés par des groupes jihadistes ou par d’autres acteurs violents. De même, les équilibres religieux de chaque pays sont complexes. L’idée que les pays côtiers se structurent autour d’un Nord musulman et d’un Sud chrétien est simpliste. Elle ne prend pas en compte l’immigration massive au Sud de ressortissants du Nord ; le nombre élevé de mariages intercommunautaires, qui a augmenté avec l’urbanisation ; ou encore la présence d’importantes communautés animistes dans ces pays. Le fossé se creuse entre les zones septentrionales et l’Etat central, tandis que le littoral, au Sud, tend à aimanter l’essentiel du développement et de la modernité économique.
Une tendance générale se dessine néanmoins depuis plusieurs années : le fossé se creuse entre ces zones septentrionales et l’Etat central, tandis que le littoral, au Sud, tend à aimanter l’essentiel du développement et de la modernité économique. Ce phénomène est par exemple flagrant au Ghana. Environ un quart de la population de ce pays vit sous le seuil de pauvreté. Mais la pauvreté touche 70 pour cent de la population au Nord, en dépit d’efforts entrepris par l’Etat ghanéen dans les années 2000, comme la construction d’infrastructures, notamment de santé, à Tamélé et ses environs. Selon la Banque mondiale, la situation est similaire en Côte d’Ivoire, où « le Nord et le Nord-Ouest du pays sont plus pauvres (plus de 60 pour cent) que le littoral et le Sud-Ouest (moins de 40 pour cent) ».
L’existence dans les pays du Golfe de Guinée de périphéries délaissées par l’Etat, à proximité immédiate d’une région sahélienne en crise, est particulièrement préoccupante. Au Sahel central, la rupture avec l’Etat a constitué un facteur déterminant dans le basculement de certaines régions périphériques dans la violence. A l’image de ce qui se passe de l’autre côté de la frontière, au Burkina, au Mali et au Niger, de nombreuses zones du Nord des pays du Golfe de Guinée connaissent aussi des problèmes d’accès aux ressources naturelles, générateurs de conflits entre pasteurs et éleveurs, qui ont largement contribué à la montée des périls au centre du Mali et au Nord du Burkina Faso.
Pour réduire le risque que le Nord excentré des pays côtiers bascule dans un conflit armé, il est urgent d’élaborer des solutions politiques. Les Etats du Golfe de Guinée devraient cesser de lier dépense publique et calculs électoraux en investissant en priorité dans les zones les plus peuplées en électeurs ou favorables au parti au pouvoir, comme ils le font aujourd’hui. Les partenaires internationaux devraient quant à eux rompre avec un des dogmes du développement, qui consiste à établir les infrastructures dans les zones les plus densément peuplées afin de rentabiliser l’investissement. L’intensification des violences au Burkina Faso a largement contribué à diffuser un sentiment d’insécurité.
Evaluer l’étendue de la menace jihadiste n’est pas chose aisée. Les pays du Golfe de Guinée et leurs partenaires sont passés en quelques mois de l’anxiété à l’état d’alerte.Une mission de reconnaissance de l’armée française dans le Nord du Bénin en avril 2019 témoignait déjà d’un certain degré d’inquiétude. En juillet dernier, le chef d’état-major français des armées, François Lecointre, répondait à la question, « la contagion jihadiste menace-t-elle l’Afrique de l’Ouest jusqu’à la côte ? », en disant, « on n’en est pas là ». Fin novembre, il estimait pourtant que la présence française avait entre autres pour but « d’éviter que cette hydre [jihadiste] continue de produire un effet de contagion dans d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest ».L’intensification des violences au Burkina Faso a largement contribué à diffuser ce sentiment d’insécurité.
La rente que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale tirent de leur engagement dans la lutte antiterroriste a pu conduire certains d’entre eux à exagérer une menace dont le degré de gravité fait débat. Aucun groupe armé jihadiste n’a encore attaqué le Nord d’un pays du Golfe de Guinée. Plusieurs incidents aux frontières de ces pays ont été attribuées à des jihadistes mais n’ont jamais été revendiquées. C’est le cas notamment du meurtre d’un prêtre espagnol et de quatre douaniers burkinabè le 15 février 2019 près de la frontière du Burkina avec le Togo. Par ailleurs, des bandits auraient enlevé deux Français dans le parc du W, au Bénin, en mai 2019, puis essayé de les vendre à l’Etat islamique dans le Grand Sahara ou à la Katiba Macina, un groupe jihadiste principalement actif au centre du Mali. Si l’implication des jihadistes semble indirecte, cet incident a renforcé les craintes des pays de l’Afrique de l’Ouest et de leurs partenaires et ajouté un argument supplémentaire à l’idée que l’architecture régionale de sécurité en place au moment des faits était insuffisante et devait être repensée.
L’introuvable réponse régionale
Faute d’englober l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble, la force du G5 Sahel, qui réunit des troupes du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, semble inadéquate pour répondre aux risques de contagion régionale de la violence jihadiste. Le G5 Sahel s’est bâti sur le constat que celle-ci suivait une expansion horizontale, traversant le Sahel occidental d’est en ouest. La possibilité d’une expansion verticale de la crise n’a pas été assez prise en compte, en dépit des mises en garde de plusieurs personnalités. Dès 2017, un haut représentant de la Cedeao s’inquiétait des lacunes du maillage sécuritaire de la force du G5, avançant l’hypothèse d’attaques sur les pays côtiers, notamment au Bénin.
La collaboration entre le G5 et les autres pays d’Afrique de l’Ouest n’a jamais vraiment fonctionné. Ses détracteurs soulignent que le G5 repose sur une division artificielle de l’Afrique de l’Ouest en deux espaces distincts, faisant fi de l’imbrication humaine et politique entre les pays du Nord et du Sud. La construction d’un Sahel réduit à quatre pays francophones plus la Mauritanie a d’ailleurs été source de division dans la région, ravivant de vieilles rivalités entre francophones et anglophones, et des suspicions sur les velléités néocoloniales de la France. Le président ivoirien Alassane Ouattara, patriarche de l’Afrique de l’Ouest et sans doute le plus fidèle allié de la France dans la région, parrain du G5, a publiquement souligné les limites de cette organisation en juin dernier : « la Minusma et le G5 Sahel ne suffisent pas. Nous devons trouver des moyens de coordination plus élargis et plus efficaces pour aider ces pays voisins à combattre le terrorisme ». La Cedeao est l’organisation la mieux placée pour coordonner la lutte contre la violence jihadiste à l’échelle régionale.
C’est la Cedeao qui va s’essayer, dans les prochains mois, à cette mission de coordination élargie. Lors de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement à Ouagadougou le 14 septembre dernier, l’organisation régionale a adopté un plan d’action pour coordonner et rendre plus efficace la lutte antiterroriste, et fait le pari de mobiliser à cette fin un milliard de dollars auprès de ses Etats membres entre 2020 et 2024. Cette lutte est actuellement répartie entre plusieurs organisations, dont les trois principales sont le G5, la Force multinationale mixte qui associe le Nigéria, le Tchad, le Cameroun et le Niger dans la lutte contre Boko Haram, et l’Initiative d’Accra qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo dans des actions ponctuelles de lutte contre le crime organisé et l’extrémisme violent aux frontières des pays membres.
La Cedeao est l’organisation la mieux placée pour coordonner la lutte contre la violence jihadiste à l’échelle régionale. Elle est la seule plateforme où l’ensemble des chefs d’Etat des pays membres peuvent se rencontrer régulièrement, se concerter et tenter de trouver des positions communes. La plupart des pays de la région étant dotés d’un système présidentiel et leurs chefs d’Etat d’un pouvoir étendu, c’est un atout crucial pour la prise de décision.
Mais comme le G5, la Cedeao souffre d’un manque de vision et aucun président des pays qui la composent n’arrive à s’imposer comme chef de file incontesté. L’organisation peine à s’exprimer d’une seule voix sur les grandes problématiques de paix et de sécurité. La mission de coordination des efforts de lutte contre le terrorisme qu’elle s’est fixée à Ouagadougou aura du mal à porter ses fruits sans une locomotive forte engagée en faveur d’une plus grande intégration régionale, englobant les questions de sécurité collective. Première puissance économique et démographique régionale, le Nigéria devrait jouer ce rôle. Mais le pays est actuellement concentré sur ses problèmes intérieurs et se trouve parfois même en porte-à-faux avec la Cedeao. Le Nigéria devrait faire de la restauration de son influence régionale une priorité et jouer ce rôle de chef de file.
Le point le plus prometteur du plan d’action présenté à Ouagadougou tient à la volonté d’autofinancement de la lutte antiterroriste de 2020 à 2024. Le G5 a montré à quel point la dépendance financière pouvait être paralysante. Sa force armée est, depuis sa création, handicapée par des problèmes financiers, liés au fait qu’elle n’a pas la maîtrise de son propre budget : ses financements extérieurs sont restés au stade des promesses ou ne sont pas gérés par les pays membres mais par les bailleurs.
Le budget d’un milliard de dollars évoqué par la Cedeao s’annonce néanmoins difficile à mobiliser dans son intégralité. Comme de nombreuses organisations régionales, la Cedeao se heurte à la prédominance des logiques et des intérêts nationaux. Elle est aussi confrontée à un contexte particulier : plus du tiers de ses membres préparent une élection présidentielle en 2020. Cela va certainement peser sur la capacité de mobilisation des fonds annoncés à Ouagadougou, ces pays préférant sans doute concentrer leurs ressources sur leurs processus électoraux, voire sur la réélection des chefs d’Etat sortants. La Cedeao devra aussi compter avec l’insolvabilité de certains membres, comme les pays sahéliens qui n’arrivent pas à financer le G5 sur leurs fonds propres. Enfin, son contributeur le plus riche, le Nigéria, couvre déjà 70 pour cent de son budget, et il est difficile de lui demander de faire plus. Les pays de la région devraient mettre en place des plans de lutte antiterroriste fondés sur des budgets qu’ils sont capables de renouveler sur le long terme.
L’opportunité, pour un groupe de pays pauvres et endettés, de consacrer une somme aussi importante à la lutte antiterroriste peut par ailleurs être débattue. L’expérience montre que l’argent n’offre aucune garantie de résultat. Le Nigéria a consacré deux milliards de dollars à la défense en 2018 mais ne parvient toujours pas à vaincre l’insurrection de Boko Haram, qui compte seulement quelques milliers d’hommes. Le pays a été contraint d’appeler à l’aide le Tchad, dont les dépenses de défense, bien moindres, s’élevaient à 233 millions de dollars en 2018.
La région doit trouver des moyens plus raisonnables et plus efficaces de contenir la menace jihadiste : une coordination accrue des efforts, une amélioration de la collecte et du partage de renseignements, des contrôles aux frontières plus efficaces, ce qui passe par une réduction de la corruption, endémique dans de nombreux services de douanes et de police. Il s’agit désormais, pour la Cedeao, de diriger ses investissements en priorité vers ce qui manque plutôt que de financer des opérations militaires lourdes qui n’ont, jusqu’à présent, pas apporté le résultat escompté. Dans le cadre de l’Initiative d’Accra, trois grandes opérations conjointes transfrontalières ont été conduites en mai et novembre 2018, et en novembre 2019. S’il est difficile de déterminer le degré d’implication réel des centaines de personnes interpellées dans ce cadre, la surreprésentation de Peul parmi elles interroge. Céder à la stigmatisation communautaire aurait pour effet – déjà observé au Sahel – de faciliter le recrutement des jihadistes.
Les pays de la région devraient mettre en place des plans de lutte antiterroriste fondés sur des budgets qu’ils sont capables de renouveler sur le long terme et éviter de privilégier des solutions hors de portée au regard de leurs moyens réels. Ceci est d’autant plus important que les observateurs sont d’accord sur un point : la guerre contre les mouvements jihadistes actifs en Afrique de l’Ouest s’inscrit dans la très longue durée.
Le sommet de Ouagadougou n’a pas réussi à lever le doute sur les capacités de la Cedeao à collaborer plus efficacement avec son voisinage, notamment les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique centrale. Cela fait pourtant partie de sa mission de coordination. Les crises au Sahel et dans le bassin du lac Tchad ont montré la continuité géographique et l’internationalisation des activités des groupes armés. Des Etats membres de regroupements régionaux différents doivent donc élaborer des réponses coordonnées. Dans cette perspective, le reproche fait au G5 d’être trop limité géographiquement pour lutter efficacement contre le terrorisme peut aussi être fait à la Cedeao. Le jihadisme armé dépasse les frontières de l’Afrique de l’Ouest et touche par exemple un pays comme le Tchad. Pour faire une différence notable, la Cedeao devrait endosser un rôle plus politique que sécuritaire.
La Cedeao n’a pas dit, pour le moment, comment elle entend articuler son plan d’action présenté à Ouagadougou avec les initiatives européennes en matière de sécurité et de développement du Sahel. Comment va-t-elle, par exemple, composer avec le nouveau « Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel » ou P3S, annoncé à Biarritz en août 2019 par la France et l’Allemagne ? Pour l’instant, le P3S n’intègre pas la Cedeao en tant que telle – le premier point du communiqué annonçant sa création ne cite pas l’organisation régionale ouest-africaine alors qu’il mentionne explicitement l’Union africaine, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), et le G5 Sahel – mais accueillerait éventuellement certains de ses membres. Comme la Cedeao, le P3S, dont le contenu n’est pas finalisé, entend améliorer la coordination des actions de sécurité et de développement dans la région, notamment celles des partenaires européens
Plus fondamentalement, la lutte contre la violence jihadiste a dominé le sommet de la Cedeao à Ouagadougou, au détriment des questions politiques. Ce faisant, cette réunion a perpétué une lecture simpliste qui veut que les violences survenues depuis six ans au Sahel soient uniquement le résultat d’actes terroristes, et pas d’autres phénomènes, comme les insurrections rurales. Pour faire une différence notable, la Cedeao devrait endosser un rôle plus politique que sécuritaire, en commençant par faire la distinction entre des actions qui peuvent être qualifiées de terroristes, comme l’attentat de Grand-Bassam en 2016, et la rébellion armée d’une partie des populations des campagnes sahéliennes. Si elle continue de qualifier systématiquement les violences de terroristes, elle risque de passer à côté de l’essentiel : le caractère très politique d’une crise qui se traduit par le rejet parfois brutal de l’Etat, et pose la question de sa capacité à réguler les conflits autour de l’accès aux ressources naturelles.
La menace de crises politiques
La Cedeao devra jouer un rôle politique accru pour prévenir un autre danger dans la région, lié aux processus électoraux. Dans plusieurs pays côtiers, où des élections doivent avoir lieu l’an prochain, des acteurs politiques s’emploient « à créer de nouveau les conditions de la polarisation, et donc de la tension et de la violence ». Dans un futur très proche, plusieurs pays membres pourraient être considérablement affaiblis par ces tensions politiques. La concentration actuelle sur les questions sécuritaires liées au terrorisme ne doit pas faire oublier que les crises politiques sont souvent aussi meurtrières que les conflits avec les groupes armés. Elles ont aussi tendance à affaiblir les forces armées en les déchirant selon des lignes partisanes ou ethniques. Elles ruinent des années d’investissement en formation et poussent les Etats à utiliser les appareils de sécurité pour surveiller et punir les opposants. Tout cela les rend beaucoup moins aptes à faire face à des groupes armés bien renseignés et bien entrainés.
Le Bénin, par exemple, connait depuis plusieurs mois de sérieuses tensions. Celles-ci sont nées d’une manœuvre du pouvoir exécutif visant à ce que seules les deux formations qui soutiennent le président Patrice Talon prennent part aux élections législatives d’avril 2019. Des violences ont éclaté dans plusieurs localités, faisant au moins sept morts dans la capitale Cotonou en mai. Le dialogue politique ouvert par le président Talon le 10 octobre dernier reste une coquille vide car aucun des ténors de l’opposition n’y participe. Au Togo voisin, la crise politique qui oppose depuis quatre décennies une opposition fragmentée à un pouvoir dynastique ne trouve pas d’issue, alors qu’une élection présidentielle est prévue l’an prochain.
En Côte d’Ivoire, les obstacles sont multiples à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue en octobre 2020. Aucun consensus n’a encore émergé sur le cadre électoral, le principal parti d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), refusant de siéger à la Commission électorale indépendante. Le désaccord des protagonistes sur les règles du jeu laisse augurer un vote tendu et une éventuelle contestation des résultats. La tension actuelle pourrait même déboucher sur des manifestations violentes et une crise pré-électorale. Par ailleurs, le gouvernement a lancé depuis quelques mois une campagne d’intimidation et de pression sur les opposants, y compris les plus éminents, qui limite les possibilités de dialogue politique et attise la rancœur.
En Guinée, le président Alpha Condé envisage de briguer un troisième mandat en 2020. Sa volonté de modifier la Constitution pour pouvoir se présenter a d’ores et déjà entrainé d’importantes manifestations, faisant plusieurs morts en octobre et en novembre 2019. Sa détermination à rester au pouvoir pourrait à terme générer des affrontements ethniques entre sa communauté, les Malinké, et la population peul, majoritaire dans le pays et acquise à l’opposition.
Dans certains des pays du Golfe de Guinée, la sincérité de l’engagement dans la lutte antiterroriste est sujette à caution. Les gouvernements utilisent une partie des ressources sécuritaires pour surveiller ou réprimer l’opposition et non pour lutter contre la menace des groupes armés. De même, certains dirigeants ont compris l’intérêt qu’ils avaient à proclamer leur engagement dans la lutte antiterroriste, puisque celle-ci est désormais récompensée par les bailleurs, soit par des financements, soit par une tolérance marquée face aux comportements autoritaires.
Le risque réside dans la combinaison de l’extension de la menace jihadiste aux pays du Golfe de Guinée et du développement de crises politiques violentes dans les villes du Sud de ces pays. Si de telles crises venaient à éclater dans un ou plusieurs pays côtiers, cela mobiliserait une partie de l’appareil de sécurité au Sud et éloignerait un peu plus les Etats du Nord de leur territoire, facilitant considérablement la pénétration et l’implantation des groupes jihadistes armés. La Cedeao, avec le soutien de partenaires d’expérience, en particulier le Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, devrait s’employer au plus vite à limiter l’ampleur des crises politiques qui se profilent.
L’organisation régionale devrait condamner les atteintes aux droits fondamentaux qui ont lieu dans certains pays membres, comme l’expulsion et l’intimidation d’opposants et la répression violentes des manifestations. Elle devrait aussi faire preuve de fermeté et rappeler aux pays concernés les règles communes concernant la loi électorale et l’indépendance des institutions encadrant les élections. Conformément au Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance que les membres de la Cedeao ont adopté le 21 décembre 2001, les gouvernements devraient s’abstenir de toute « réforme substantielle de la loi électorale […] dans les six mois précédant les élections » et s’assurer que « les organes chargés des élections soient indépendants et/ou neutres et aient la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique ».
VII.Conclusion
Pour la première fois de son histoire post-indépendance, l’Afrique de l’Ouest pourrait être confrontée, en 2020, à une crise globale : politique au Sud et sécuritaire au Nord. La jonction de ces deux foyers de tension serait catastrophique pour la région. Pour éviter un tel scénario, une prise de conscience doit avoir lieu au plus haut niveau. Les dirigeants doivent reconnaitre que le terrorisme n’est pas la seule menace qui pèse sur la région et que les intérêts régionaux doivent primer sur les calculs personnels et nationaux. Sans cela, de nombreux chefs d’Etat dirigeront bientôt des pays en pleine tourmente.