Le 5 décembre 1955, Rosa Parks ou le boycott des bus de Montgomery

Le boycott des bus de Montgomery est une campagne antiraciste entamée en Alabama pour s’opposer à la politique de ségrégation dans les transports publics. L’arrestation de Rosa Parks déclenchera l’un des mouvements majeurs de droits civiques aux États-Unis.

Aux États-Unis, dès 1896 la ségrégation raciale dans les transports publics fut rendue officielle par une décision de la Cour suprême. Ainsi, le règlement des bus de Montgomery organisait de façon détaillée la ségrégation entre passagers noirs (75 % des usagers) et blancs, en les répartissant selon trois sections à l’intérieur du bus : à l’avant, une section « white » réservée aux Blancs de dix sièges ; à l’arrière, une section « colored » réservée aux Noirs de dix sièges ; et au milieu, une section pour Blancs et Noirs de seize sièges (un Noir n’ayant pas le droit de s’assoir à côté d’un Blanc). Aussi, lorsqu’une personne noire ne trouvait pas de place autorisée elle devait rester debout, ou quitter le bus. Inversement, dans la même situation, si une personne blanche cherchait à s’assoir, les Noirs de la première rangée « colored » devaient leur laisser la place. Au reste, après avoir acheté un billet au chauffeur, la traversée de la section avant leur étant interdite, les Noirs devaient ressortir du bus pour y rentrer par la porte arrière.

Rosa Parks devint célèbre lorsque, le 1er décembre 1955, elle refusera d’obéir au conducteur de bus (James Blake) lui demandant de laisser sa place à un passager blanc et d’aller s’asseoir au fond du bus. Peu après elle dira :

« Ma résistance à ces mauvais traitements dans le bus n’a pas commencé avec cette arrestation. J’ai fait beaucoup de marche à pied à Montgomery. »

En effet, un jour pluvieux de novembre 1943, le chauffeur de bus — le même James Blake — demandera à Rosa Parks, comme à son habitude, de payer sa course à l’avant puis de redescendre pour remonter par la porte arrière. Voyant du monde gêner l’accès arrière, elle décidera d’aller directement vers le fond. Blake furieux, la main sur son revolver, l’empoignera pour la ramener vers l’avant. Laissant tomber intentionnellement son sac à main, Rosa s’assiéra un instant sur un siège réservé aux Blancs pour le récupérer. Lui laissant à peine le temps de descendre du bus, Blake redémarre ; laissant Rosa Parks marcher plus de huit kilomètres sous la pluie.

S’affirmer pour trouver sa place

Le 1er décembre 1955, après son travail, alors qu’elle est assise au milieu du bus, quatre personnes blanches montent alors qu’il n’y a de places assises que pour trois passagers. Le quatrième le signale à Blake qui demande aux Noirs d’une rangée du milieu de la zone du milieu d’aller à l’arrière. Alors que les trois hommes noirs obtempèrent, Rosa Parks restera dans sa rangée, n’acceptant que de se déplacer à droite près de la fenêtre. Blake, furieux qu’elle refuse de se déplacer dans la « colored » section, descend du bus et appelle son chef qui lui demande de faire venir la police.

Elle sera arrêtée, emmenée au poste de police de l’hôtel de ville puis transférée en prison. Elle prend contact avec l’avocat Edgar Nixon, membre du NAACP, une des principales associations de défense des droits des Noirs américains. Celui-ci appellera Clifford Durr, un avocat blanc, qui acceptera de contester la loi sur la ségrégation dans les bus ; elle sera libérée le lendemain soir.

 

La mobilisation comme outil

Martin Luther King parlant aux membre de la Montgomery Improvement Association.

La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine, emmenés par Martin Luther King Jr., encore peu connu, se réunissent pour discuter des actions à mener suite de l’arrestation, et fondent la « Montgomery Improvement Association« , dont King sera le président, autour de la non-violence et de la désobéissance civile. Le mouvement aura trois revendications : « que les Blancs et les Noirs puissent s’asseoir où ils veulent dans l’autobus » ; « que les chauffeurs soient plus courtois à l’égard de toutes les personnes » ; « que des chauffeurs noirs soient engagés ».

Avant le refus de Rosa Parks, Claudette Colvin, une adolescente âgée de quinze ans avait été arrêtée, le 2 mars 1955, pour avoir dérogé à ce règlement, et d’autres personnes l’avaient payé durement, parfois de leur vie.

La veille du procès, 35 000 tracts seront distribués pour inviter les Noirs à ne plus emprunter les bus le lundi 5 décembre ; le mot d’ordre fut repris le lundi par The Montgomery Advertiser, le journal noir local. C’est le début du boycott des bus de Montgomery (il se prolongera 381 jours) ; des douzaines de bus publics resteront au dépôt plusieurs mois jusqu’à ce que la loi sur la ségrégation dans les bus publics soit levée. La plupart marchèrent à pied ; des taxis conduits par des Noirs firent des trajets au tarif du bus (10 cents). Quelques Blancs les rejoignirent, soit par idéologie, soit parce qu’ils avaient besoin que leurs employés viennent travailler. Peu à peu, notamment grâce à l’écho international qu’eut le mouvement, des fonds arriveront, permettant de mettre en place un service d’autobus parallèle. En représailles, des actes violents furent perpétrés (violence physique et dynamitage des domiciles de Martin Luther King et de l’avocat Edgar Nixon).

À travers son rôle initiateur, Rosa Parks participera à la prise de conscience des Américains dans la lutte pour les droits civiques. Martin Luther King écrit dans son livre paru en 1958, Stride Toward Freedom: The Montgomery Story :

« L’arrestation de Mme Parks fut l’élément déclencheur plutôt que la cause des protestations… »

Le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statura par l’arrêt Browder v. Gayle, que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle. La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 décembre ; le boycott cessa le lendemain.

La violence continuera toutefois, avec quelques tirs contre les bus et le domicile de Luther King, ainsi que des explosions visant les églises fréquentées par les Noirs. Aussi, si la ségrégation avait été abolie dans les bus de l’État, ce ne fut pas le cas pour les liaisons inter-étatiques. Un groupe de jeunes fonda le Freedom ride, mais après quelques jours un des bus fut stoppé par le Ku Klux Klan ; ses occupants furent battus, et le car brûlé.

Ce ne sera cependant qu’en 1964 que les lois ségrégationnistes furent abrogées par le Civil Rights Act, interdisant toute forme de ségrégation dans les lieux publics, puis en 1965 par le Voting Rights Act, qui supprimera les tests et les taxes pour devenir électeur.

Le bus dans lequel Rosa Parks est montée le 1er décembre 1955 est maintenant exposé au musée Henry Ford (Dearborn, Michigan).

 

 

Source: Licra