Des attaques sanglantes à l’arme blanche ont eu lieu dans le quartier Boukhalef à Tanger, où vivent majoritairement des Noirs subsahariens sans-papiers, candidats à l’immigration en Europe. Témoignages de migrants sous le choc…
Vidéo publiée sur le compte Youtube de TVCHOT montrant une partie des heurts à Boukhalef de la soirée du 29 aout.
Les attaques sont survenues vendredi 29 août, dans quartier Boukhalef à la sortie de Tanger, expliquent plusieurs témoins contactés par France 24. Si les assaillants n’ont pas été identifiés, les personnes ciblées sont toutes des Noirs africains, la plupart sans papiers. Quatorze d’entre eux ont été blessés, selon les rapports de la police de Tanger. Un Sénégalais a par ailleurs été retrouvé égorgé à proximité des lieux de l’attaque. Sur une vidéo amateur publiée sur Facebook, on le voit allongé par terre sans vie, dans une flaque de sang.
Une vidéo diffusée sur Facebook montre le ressortissant sénégalais sans vie baignant dans une flaque de sang. Photo Yassine Lachiri pour Tanja24.com
« Ils ont brûlé mon argent et mes affaires : je n’ai plus rien et j’ai peur de retourner à Boukhalef »
Daouda (pseudonyme) est un Ivoirien sans-papiers, qui cherche à partir en Espagne. Il a été blessé à la tête lors de l’attaque de vendredi soir. En convalescence à l’hôpital Mohamed V de Tanger, il a accepté de témoigner.
J’ai fui la Côte d’Ivoire il y a quatre ans, et ça fait trois mois que je suis à Tanger. Des amis m’avaient proposé de venir habiter à Boukhalef avec eux. Je n’ai pas eu d’alternative : ailleurs, c’était soit trop cher, soit les locataires noirs n’étaient pas les bienvenus.
Hier, mes amis m’ont appelé pour me dire que les assaillants étaient entrés chez nous et avaient tout saccagé. Je n’avais pas grand-chose : juste quelques vêtements, des photos et un peu d’argent gagné en faisant des petits boulots de maçon. Tout est parti en fumée. J’ai peur d’y retourner, car je sais que ça va recommencer et que la prochaine fois, ils ne me rateront pas.
Des Noirs africains de Tanger se dirigent vers le centre-ville pour se rendre au siège du conseil régional des droits de l’homme de Tanger. Vidéo Babacar N’diaye.
« Les assaillants accusent les Noirs d’être des squatteurs, des alcooliques »
Ce sont des groupes organisés avec un chef qui donne des ordres. Ils sortent le plus souvent le vendredi, après la prière du soir, et visent à la tête, ce qui laisse penser qu’ils veulent blesser mortellement. Ils entonnent des chants racistes en arabe tels que « on ne veut plus voir ces singes ici « ou « c’est notre guerre sainte ! « .
Le plus grave, c’est que cela se passe souvent sous l’œil des policiers qui n’interviennent pas. Vendredi, le Sénégalais a été tué à quelques mètres du commissariat de Boukhalef. Des personnes dont on a détruit les appartements ou qui ont été blessées ont attendu des heures pour déposer plainte. Tout est fait pour dissuader les Noirs africains de rester ici.
En réaction à ces attaques, une centaine de Noirs africains ont défilé dans les rues de Tanger pour dénoncer les violences dont ils sont régulièrement victimes, avant d’être dispersés par la police. Ces épisodes haineux se sont multipliés ces six derniers mois. Il y a quinze jours, dans le même quartier, quatre personnes avaient été blessées à l’arme blanche dans une attaque similaire.
La région de Tanger compterait plus d’un millier de migrants subsahariens, dont environ 800 dans le quartier Boukhalef, en attente de passer en Espagne. D’après les chiffres officiels, le Maroc compterait 30 000 sans-papiers sur son territoire.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste pour les Observateurs de France 24.