Présidentielle 2019: Aziz a-t-il dit son dernier mot?

Nous sommes à quelques cinquante jours de l’élection présidentielle, probablement la plus attendue de l’histoire récente de la Mauritanie puisqu’elle verra un président élu céder volontairement le pouvoir. Sitôt validée par le Conseil constitutionnel, la liste officielle des candidats sera bientôt connue. A l’heure où nous  couchons ces lignes, ils sont six à avoir déposé leur dossier de candidature auprès de la garante des lois de la République : Mohamed Ould Ghazwani, le candidat de la majorité présidentielle ; Sidi Mohamed ould Boubacar, candidat indépendant soutenu par Tawassoul et hatem ; Kane Hamidou Baba, de la coalition Vivre Ensemble ; le docteur Mohamed Ould Maouloud, de la coalition des Forces démocratique du changement (UFP/RFD et UNAD) ; et Biram Dah Abeid, président d’IRA, soutenu par Sawab. Tous désormais en attente du quitus du Conseil Constitutionnel.

 

Tous parrainés

Les cas d’Ould Ghazwani et Ould Boubacar paraissant réglés, l’opinion publique se demandait si les autres prétendants  à la présidentielle parviendraient à obtenir le nombre requis de parrainages, leurs partis ne disposant ni de maires ni de conseillers municipaux. L’UPR ou Tawassoul, grands pourvoyeurs allaient-ils voler  à leur secours ? Ceci semble aujourd’hui acquis, même si certains sites  électroniques  ont rapporté que des  parrains de Biram Dah Abeid se seraient rétractés, indiquant qu’ils avaient signé pour Ghazwani et qu’ils allaient même intenter une action en justice contre le leader d’IRA. Mais l’information semble se dégonfler. « Ils peuvent crier », commente un ancien maire, « mais on finit toujours par les rappeler à l’ordre ». Un « on » discret pour désigner le jeu du pouvoir ou de son UPR… En tous cas, au moins cinq prétendants  pourraient briguer la prochaine présidentielle, dans des conditions de transparence encore suspectes, pour les candidats d’une opposition certaine que le pouvoir n’hésitera pas à user de la fraude et  du trafic d’influence, pour  faire gagner son candidat. C’est dans ce climat que les deux pôles politiques sont parvenus  à un accord, recomposant partiellement la CENI. S’il se matérialise, l’opposition disposera de trois représentants, au comité directeur de l’institution et de divers autres, dans ses instances et démembrements. Cela contribuera-t-il à calmer les ardeurs de l’opposition dont les quatre candidats (Ould Boubacar, Biram, Ould Maouloud et Kane) ont averti qu’ils ne laisseraient passer aucune fraude.

 

La CENI droite dans ses bottes

Accusée de partialité par l’opposition, avant cette ouverture, la CENI continuait, comme si de rien n’était, les préparatifs du scrutin du 22 Juin. Elle a lancé le RAVEL  et désigné ses coordinateurs  dans les différentes régions du pays. Au cours d’une visite dans un bureau de recensement à vocation électorale, le président de la CENI  a   invité les populations à s’inscrire sur la liste électorale, en vue de faire valoir leur droit et devoir civique, « avec l’informatisation des données », a-t-il déclaré, « la fraude est désormais impossible ». Se sentant attaqué de quasiment toutes parts, le président de la CENI, Mohamed Vall Bellal, reste droit dans ses bottes  et a renvoyé, dos à dos, pouvoir et opposition. Conscient de l’ampleur de la tâche et de l’enjeu de la présidentielle,  il a indiqué  que la CENI  entend  jouer son rôle d’arbitre impartial du scrutin. « La tâche n’est pas facile », reconnaît une source à la CENI, « mais elle a fait le plus dur, avec les élections de Septembre dernier. Patience donc,  acteurs politiques et citoyens, ne lui demandez pas de travailler comme sa consœur  de la Suède, par exemple. Laissez là travailler à son rythme ».

 

Directoire de campagne de Ghazwani : On attend Godot ?

Depuis quelques temps, on attend la mise en place du directoire de campagne du candidat Gahzwani. Un candidat indépendant  ou de la majorité ? C’est selon. De l’avis de plusieurs observateurs, cette lenteur tient de la stratégie du candidat mais, aussi, d’un certain nombre de difficultés. En se déclarant « candidat d’ouverture »,  voire « indépendant », Ould Ghazwani a rassuré certains mais également semé le trouble, au sein de l’opinion, surtout en celui du parti qui devrait être son principal soutien, à savoir l’UPR avec qui il ne semble guère enclin à se « compromettre ». La principale force de la majorité se cherche une virginité, depuis son fameux congrès du 2 Mars. Même si le comité directeur ou de pilotage a rencontré le candidat Ghazwani  et, même, désigné ses coordinateurs de campagne, le courant ne semble pas  passer entre ces deux partenaires. Sa voix reste peu audible depuis quelque  temps. Des rumeurs ont  même  laissé entendre  que Ghazwani aurait catégoriquement refusé la présence de ministres de l’actuel gouvernement, dans son directoire  de campagne. On avait cité certains noms, le mois dernier. Un refus exprimé par nombre de ses soutiens, opposés à une forte implication du Palais et, donc, d’Ould Abdel Aziz. Le silence du Président  cacherait mal, entend-on dire,  le malaise qui prévaudrait entre le candidat et son aller ego. La principale pomme de discorde se situerait au niveau des directions stratégiques que sont la logistique et les finances.  Mohamed Ould Aziz, qui aurait proposé Ould Ghazwani comme candidat, même s’il a tenu à déclarer  le contraire, avant de se recadrer,  aurait-il réellement dit son dernier mot ? La question reste posée.

DL