Le 05 mai 2019 – Le C.R.I.D.E.M.
Un atelier de deux jours sur le travail dangereux des enfants a eu lieu du 2 au 3 mai 2019 à Nouakchott, sous l’égide du Ministère de la Fonction Publique, en collaboration avec le projet « MAP 16 » piloté par le BIT.
Une rencontre qui a permis de revenir sur le bilan de plusieurs décennies de stratégies nationales pour l’enfance, à quelques encablures de 2025, date à laquelle la Mauritanie s’est engagée, à l’instar de beaucoup de pays, à mettre définitivement fin au travail des enfants.
Cette rencontre de deux jours a été solennellement ouverte par le Secrétaire Général du Ministère de la Fonction Publique, du Travail, de l’Emploi et de la Modernisation de l’Administration, Ahmed Ould Mohamed Mahmoud Ould Deh.
Selon lui, « cet atelier s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action du département pour l’année 2019, d’une part, et d’autre part, la volonté de notre pays d’honorer ses engagements suite à la ratification en 2001 de la Convention internationale 182 de lutte contre toutes les formes de travail présentant des risques pour les enfants ».
Marc Ninerola, Coordinateur du Programme « MAP 16 », destiné à lutter contre le travail des enfants et le travail forcé, Coordinateur du Projet « Bridge » en Mauritanie, a de son côté exprimé « l’importance que présente l’organisation de cette rencontre qui va contribuer sans doute à la sensibilisation et à la prise de conscience des dangers auxquels les enfants font face ».
Les participants, cadres de départements ministériels, membres d’organisations de la société civile, partenaires au développement, ont pendant deux jours débattu de la problématique de l’enfance, de son rapport au travail et surtout au travail dangereux. Le débat a été modéré par Hamoud Ould T’Feïl, Conseiller du Ministre de la Fonction Publique et Point focal de l’Alliance 8.7, Pacte mondial pour l’atteinte de l’objectif 8 cible 7 des Objectifs de Développement durable (ODD), pour l’éradication définitive du travail des enfants, du travail forcé, de la traite des êtres humains et de l’esclavage moderne.
Les intervenants considèrent que la protection des enfants en Mauritanie est une problématique qui se pose avec acuité. Ils estiment que les résultats de décennies de politiques pour l’enfance et de budgets engloutis ont abouti au contraire des objectifs visés. Au lieu de baisser, le nombre d’enfants qui travaille en Mauritanie a quasi doublé, passant de 17% en 2000 à 36% en 2017 pour les moins de 14 ans. Pire, 37% des enfants mauritaniens âgés de 13 à 18 ans ont affirmé avoir travaillé et 80% avoir subi des violences (Enquête Mics 2015 de l’ONS).
Ces chiffres, selon eux, sont d’autant plus alarmants que la Mauritanie n’a plus que quelques petites années pour honorer ses engagements d’éradiquer définitivement le travail des enfants d’ici 2025. Quelqu’un a même ironisé, « cela risque d’être comme la Santé pour Tous en 2000, dont le creux slogan fait sourire aujourd’hui ».
D’autres gardent cependant de l’espoir avec l’engagement de la société civile, la création des Tables régionales de protection de l’enfance dans dix Wilaya du Pays et dans 37 communes, mais aussi la création en 2017-2018, des Comités régionaux de lutte contre le travail des enfants dans cinq régions du pays, bien que ces comités, soulignent-ils, ne disposent pas encore de cadre légal pour leurs actions ni de moyens pour mettre en œuvre leurs plans d’action.
D’autres intervenants ont soulevé l’absence de données et d’indicateurs sur le travail des enfants en Mauritanie, mais aussi l’absence d’un lifting des travaux jugés dangereux pour cette frange. Ils soulignent que la précarité des familles, la pauvreté des ménages, la tradition et les coutumes ne doivent pas servir d’alibi pour soustraire l’enfant de son milieu naturel, l’école, pour le mettre au travail.
Pour Marc Ninerola, « nous sommes dans une logique intégrale. Sans une reconsidération des salaires des travailleurs, il est difficile d’avancer sur les normes contre le travail des enfants ». Il a donné l’exemple de la chaîne de valeur du Cacao en Côte d’ivoire, qui prouve que quand le revenu du père de famille augmente, il est plus enclin à se libérer de son enfant pour qu’il aille à l’école, le travail de l’enfant étant considéré comme une contribution essentielle à la survie de la famille. En Mauritanie, cette expérience peut être menée dans la chaine de valeur du lait, a-t-il proposé.
A rappeler que les travaux dangereux dont il est question dans la Convention 182 ratifiée par la Mauritanie en 2011 sont cités dans l’article 3 et sont désignés comme les pires formes de travail des enfants. Ce sont toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés.
C’est l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques. L’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes. Ce sont enfin, les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.
Cheikh Aïdara