Le 05 mai 2019 – Le C.R.I.D.E.M.
Cent-cinquante jeunes venus des différentes Wilayas du pays ont pris part du 2 au 3 mai 2019 à Nouakchott au Forum National de la Jeunesse ouvert sous le thème « Tous engagés pour le dividende démographique et le développement durable ».
Cette manifestation qui fête ses dix années est organisée chaque année par le Ministère de la Jeunesse et des Sports avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA).
« Je suis venu assister à ce Forum pour interpeller les autorités, l’UNFPA et les jeunes, sur le drame des femmes rurales en couche qui meurent en cours de route au moment de leur transport vers des structures de santé éloignées de plusieurs kilomètres de leur localité. Je suis venu plaider pour que les services de santé soient rapprochés des populations ».
C’est le témoignage recueilli auprès du jeune MBareck Vall, du Hodh Charghi. Un témoignage similaire a été formulé à différents niveaux par une centaine de jeunes dont la plupart vient des régions de l’intérieur du pays.
Certains ont décrié les problèmes de l’éducation scolaire, d’autres le problème du chômage, pendant que les jeunes filles, dont la plupart originaires de la Vallée, ont fustigé la poursuite des mutilations génitales féminines (MGF), la violence conjugale, ou encore la précarité qui pousse beaucoup de familles à retirer leurs filles de l’école pour les travaux domestiques ou pour les marier à bas âge.
Les jeunes comme fer de lance du dividende démographique
Tous ces drames soulevés par les jeunes constituent les principaux thématiques du dividende démographique et pour lesquels le Ministère de la Jeunesse et des Sports, avec l’appui de l’UNFPA, s’est mobilisé pour un débat participatif et des solutions provenant des jeunes leaders dont le choix a été fait selon leur engagement dans les différents problématiques soulevés.
C’est ainsi que les jeunes ont suivi pendant la première journée différentes communications sur la Stratégie nationale de la jeunesse, sur Jeunesse et Citoyenneté, sur la santé de la reproduction, sur la Conférence internationale du Caire (CIPD), sur le concept du dividende démographique et la Feuille de route de l’Union Africaine. Le deuxième jour, ils se sont scindés en quatre groupes, Santé maternelle, Planification familiale, Genre et Violences basées sur le genre (VBG), Jeunesse, civisme et développement durable.
A l’issue de ces ateliers, les jeunes ont formulé des recommandations qui devront enrichir les différentes stratégies gouvernementales pour que les préoccupations de la jeunesse mauritanienne soient prises en compte. Un Comité de suivi du Plan d’action des jeunes a été mis en place à l’issue des travaux qui ont été ouverts par la Ministre de la Jeunesse et des Sports, Mme Djindah Mohamed El Moustapha Bal, en présence de son homologue des Affaires Sociales et du Représentant résident de l’UNFPA en Mauritanie, SEM.Saidou Kaboré.
Gouvernement et UNFPA pour le même combat
Dans l’allocution qu’elle a prononcée à l’occasion, Mme Djindah Bal a mis en exergue l’attention accordée par les pouvoirs publics au développement, à l’épanouissement et à la contribution des jeunes dans la croissance économique. Elle a précisé que les experts sont unanimes que des investissements importants et cohérents doivent être faits dans les secteurs stratégiques, comme l’éducation, la santé et l’emploi.
A son tour, le Représentant résident de l’UNFPA a insisté sur l’importance à accorder aux jeunes, eu égard à leur poids démographique, soulignant que « de nos jours, 1,9 milliards de la population mondiale sont des jeunes, dont la majorité vivent dans les pays en développement et la plupart, 64%, en Afrique ». Il a salué au passage les efforts fournis par la Mauritanie pour relever le défi posé par sa jeunesse, à travers « la ratification de la Charte africaine de la Jeunesse, l’octroi de 1% des recettes douanières au secteur de la jeunesse et des sports, la création du Haut Conseil de la Jeunesse, l’adoption d’une loi sur la santé de la reproduction, la promulgation d’une fatwa contre la pratique des mutilations génitales féminines ».
Le projet SWEED a également participé à l’organisation et à l’animation des débats. Le maire de la commune de Tevragh-Zeine, M.Taleb Ould Mahjoub a prononcé un discours de bienvenue à l’ouverture du forum.
Témoignages
En marge de la manifestation, beaucoup de jeunes se sont exprimés pour saluer l’organisation du forum qui permet aux jeunes mauritaniens de divers horizons de se rencontrer, d’échanger et d’interpeller les décideurs.
Pour Marième, association de jeunes de Riadh (Nouakchott) : « la femme en tant que pilier de la société doit participer activement dans la sensibilisation et s’engager activement pour les changements des mentalités, surtout que son rôle a toujours été dévalué, parce qu’elle est souvent considérée comme un fardeau pour la société ».
Ali Kébé, Association des Jeunes au service de Rosso : « je pense que le dividende démographique est un concept que la plupart des jeunes présents à ce Forum ignoraient jusque-là, d’où l’importance du thème retenu au cours de cette rencontre et qui a permis à ces jeunes d’appréhender encore plus le rôle qui leur est dévolu pour améliorer la santé reproductive, l’éducation des filles, lutter contre les VBG, mais surtout contre les pratiques néfastes comme les MGF et le mariage précoce des filles ».
Bâ Bocar, président Afriyan Mauritanie : « Afriyan Mauritanie, qui fait parti d’un réseau régional de jeunes africains engagés sur la thématique du dividende démographique, s’est repositionné. Il va identifier au cours de ce forum les jeunes leaders issus des différentes régions du pays pour en faire des points focaux du dividende démographique dans leur région ».
Questionnements
Au milieu de l’euphorie des nouveaux participants qui inaugurent leur premier Forum National de la Jeunesse, des vétérans qui sont là depuis 2009, date de la première édition, restent sceptiques par rapport aux résultats attendus. Ces questions qu’ils posent s’adressent aussi bien au Ministère de la jeunesse et des Sports qu’aux partenaires, tels que l’UNFPA :
– Quel bilan le Ministère de la jeunesse peut aujourd’hui nous présenter après dix années de rencontres du genre, surtout que nous touchons vers la fin de la Stratégie nationale de la Jeunesse 2015-2020 alors que les résultats en termes de promotion, de l’entreprenariat, de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes, autant de recommandations issues des différents forums nationaux de la jeunesse, n’ont pas été satisfaits ?
– Quelle approche va-t-on développer face à la création des nouveaux Conseils régionaux et la décentralisation qu’ils incarnent, sachant que le développement local, à partir des spécificités et des richesses au niveau local, peut constituer un bon levier pour les jeunes ?
– Que vaut aujourd’hui le Haut Conseil de la Jeunesse, que valent toutes ces nominations de jeunes à des postes nominatifs dans le gouvernement ou dans les hautes sphères de l’Etat s’il n’y a pas de retombées directes sur la condition des jeunes ?
– Ne faut-il pas fusionner le Haut Conseil de la Jeunesse et le Réseau National des Jeunes et organiser des élections à la base, au lieu de cette cooptation qui ne diffère en définitive en rien aux nominations gouvernementales ?
Cheikh Aïdara