Le 07 mars 2019 – Le Calame
La déclaration de candidature du Général Ghazouani, appréciée par les uns et décriée ailleurs, marque les esprits neutres.
Ghazouani donne ainsi la première occasion aux mauritaniens de découvrir l’homme de l’ombre, acteur discret du pouvoir militaire, de Taya à Aziz.
Le 1er mars, le candidat Ghazouani nous a servi le discours d’un inconnu, seul, qui essaye de tracer son sillon, hors de l’ornière, pour se libérer de l’emprise du prédécesseur, sans s’exposer aux disgrâces d’une rupture prématurée. Il relève, détail rassurant, qu’il n’est pas peut-être le meilleur. Voici une parole d’or, prologue d’un aloi inédit ! Ghazouani nous rappelle combien son éducation lui dicte le respect de l’engagement. Hum, de qui se démarque-t-il?
Malgré la généralité de ses intentions, il laisse entrevoir l’aventure d’un renouveau. La crédulité des foules ne lui ferait pas défaut et il ne manquerait, non plus, de susciter de l’espoir tant cette décennie increvable a rendu les mauritaniens peu exigeants, presque réalistes.
Ainsi, reste-t-il dans une zone de confort, le registre atavique de la prudence, instinctivement en alerte, aux confins de la moindre adversité. On dit que le candidat, dauphin d’un président décrié, a hérité de ses ancêtres, l’art de la précaution et une prédisposition innée à la patience, comme le rappelle la formule de Bakar Ould Soueidahmed (Si les ideyboussat endurent autant pour la paix, leur patience dans la belligérance doit être redoutable).
On se rappelle de son rôle après la balle amie, où grâce à son génie il avait maîtrisé la situation en faveur de son ami. Le rôle joué par le président de l’Assemblée nationale était le fruit de sa capacité de gestion de crises
Personnellement, je m’en tiens, sur le personnage, à un jugement de réserve : d’après son oraison devant un public acquis qui veut enfin croire à un lendemain d’azawane, l’orateur possède le potentiel d’affermir la faveur du préjugé. Je pressens la moue des sceptiques et ne puisse, hélas, la contrarier.
Pour parvenir à nous convaincre, nous autres les blasés pathologiques, il lui faudrait surmonter d’énormes obstacles, tels les encombrantes casseroles de son ami-mentor Ould Abdel Aziz. Ensuite, il lui reviendrait, sans trop de retard ni d’hésitation, à entreprendre la reconstruction de l’Etat en ruines, clore le ressentiment consécutif à l’impunité, redonner sens à l’égalité des citoyens, réhabiliter l’école de qualité, mettre un terme à la fraude sur presque tout, réduire la dose de fanatisme religieux ou, plus simplement, pénaliser la production et l’usage de faux diplômes. N’est-ce pas beaucoup, à la fois, m’objecteriez-vous ? Oui, il n’y a pas encore d’interdit à rêver.
Si Ghazouani prétend agir pour « le bonheur des citoyens », qu’il risque, au moins et vite, d’humbles actes d’équité. Ainsi, le racisme et l’esclavage ne hanteraient plus nos mémoires. Le moins coûteux des efforts de restauration et sans doute d’un effet salutaire, consisterait à désinfecter la fonction publique, afin d’en extirper la gouvernance des médiocres, cette pléthore onéreuse. Oui, l’égalité s’achète au tarif de quelque éviction et ce n’est pas cher payé ! Tant pis si les tribus nourries au lait de la complaisance se révoltent ! Nous autres, les exclus, sommes désormais plus nombreux et la frustration nous procure l’énergie d’en découdre ! Futur président, osez et vous trouveriez tous les bons autour, nombreux, à l’avant-garde ! Ne devenez pas le président des pauvres produits dans des usines Made in China, votre prédécesseur en a produit assez, à un prix bas.
Le choix d’incarner la rupture ou de diluer nos espérances dans l’acide de la continuité vous appartient. Nul ne viendra décider à votre place…..Adieu les excuses !
Abidine Ould-Merzough
Nota: cette tribune résume des points de convergence que je partage avec un ami qui a préféré rester anonyme. Notre militantisme nous lie dans le combat pour une Mauritanie unie, juste, laïque, égalitaire où chaque citoyen a sa place.