Légalisation de la polygamie en Guinée: « Un coq pour dix poules? » Non merci, clame une députée

Légalisation de la polygamie en Guinée:  Le nouveau code civil guinéen qui légalise la polygamie suscite une vive polémique. Il autorise les hommes à épouser jusqu’à quatre femmes et leur confère le droit d’être les seuls à choisir entre la polygamie et la monogamie.

Des Guinéennes dénoncent un recul sans précédent. Elles se sont confiées à franceinfo Afrique. Nanfadima Magassouba est l’une des 26 femmes députées que compte l’Assemblée nationale guinéenne. Elle explique à franceinfo Afrique pourquoi elles ont toutes refusé de voter le nouveau code civil qui légalise la polygamie. Une pratique interdite dans le pays depuis 1968.

« Son interdiction avait été arrachée de haute lutte par nos mères, nos tantes et nos grands-mères. Il n’est pas question de revenir sur ces acquis. Nous voulons avancer », plaide-t-elle.

La députée guinéenne ne comprend pas qu’au moment où les autres pays parlent de parité hommes-femmes, ses compatriotes soient occupés à autoriser la polygamie qu’elle voudrait voir interdite sous toutes ses formes. « Un coq pour dix poules ? Ils veulent faire le Coq dans la basse-cour ? Ça ne marchera pas. Parce que nous nous battrons jusqu’au bout. Pas seulement pour nous, mais pour notre progéniture », explique-t-elle.

« Une pratique qui viole la Constitution »

Elles sont de plus en plus nombreuses parmi les intellectuelles à dénoncer une pratique contraire à la Constitution qui consacre l’égalité de l’homme et de la femme sans aucune distinction. Non seulement le nouveau code civil autorise l’homme à épouser jusqu’à quatre femmes, mais il lui confère aussi le privilège d’être le seul dans le couple à pouvoir choisir le régime matrimonial polygamique ou monogamique.

« Il s’agit en quelque sorte de fermer la bouche aux femmes. Ce n’est pas ce que nous voulons. Nous avons quand même le droit de donner notre avis quand la famille est concernée », confie à franceinfo Afrique, Djeinabou Diallo, journaliste et féministe guinéenne.

Elle appelle le président Alpha Condé à refuser de promulguer ce nouveau code civil qui vise à légaliser la pratique clandestine de la polygamie qui a pignon sur rue malgré son interdiction. « Nous voulons qu’on y mette fin parce que nous sommes en grande partie des enfants issus de familles polygames. Nous savons comment nous vivons cette polygamie. Nous ne voudrions pas que nos enfants et les futures générations en soient aussi victimes », martèle-t-elle.

Madame Diallo raconte le calvaire dans lequel vivent les familles polygames. Des enfants nés de mères différentes qui prennent des coupe-coupe pour se disputer l’héritage une fois le père disparu. Sans parler « des pratiques de maraboutage » auxquelles s’adonnent celles qui ne veulent pas que les enfants de leurs coépouses réussissent.

Si les hommes applaudissent majoritairement la légalisation de la polygamie, les Guinéennes ne sont pas unanimes à réclamer son interdiction. Certaines d’entre elles, y compris parmi les intellectuelles, expliquent que les femmes sont plus nombreuses que les hommes en Guinée. Et qu’il faut par conséquent leur faciliter l’accès à un compagnon.

« Ce sont des arguments fallacieux. Le cas de la Guinée n’est pas spécifique. Il y a de nos jours 52% de femmes dans le monde. Même si on obligeait tous les Guinéens à prendre plusieurs femmes, vous pensez qu’ils le feraient ? Jamais. Il y en a qui ne peuvent même pas entretenir une seule femme », remarque la députée Nanfadima Magassouba..

Les femmes s’en remettent au chef de l’Etat

Pour l’instant, le président guinéen Alpha Condé s’est gardé de promulguer le nouveau code civil qui fait polémique. Le document a été renvoyé au Parlement pour une seconde lecture. Les Guinéennes qui sont montées au créneau demandent la révision des articles consacrés à la polygamie. Mais elles saluent en même temps quelques nouveautés apportées dans ce code sur d’autres points qui les concernent.

Il s’agit notamment des dispositions qui reconnaissent enfin l’autorité parentale aux deux parents et non au seul père de famille et de la liberté pour la femme de choisir sa profession sans solliciter l’accord préalable de son mari.

Martin Mateso
Source : Francetvinfo