Elle connut ses lettres de noblesse avec le mouvement des Kadihines, ce vent de révolte qui secoua le pays au début des années 70 et qui réclamait, entre autres revendications légitimes, la nationalisation de la MIFERMA (Mines de fer de Mauritanie, matrice de la SNIM) et la révision des accords avec la France. Elle était accolée à tous ceux, espions et infiltrés, que le mouvement avait détectés dans ses rangs, parfois aux premières loges. Histoire de recueillir les informations au sommet et à chaud ?
Une situation qui rappelle étrangement celle que nous vivons actuellement où des dizaines d’associations de presse, de syndicats, d’ONG, de partis politiques mériteraient, à coup sûr, qu’on les affuble de cette si peu flatteuse interjection.
Prétendant, à grands renforts de publicité, défendre leur corporation, militer pour le respect des droits de l’homme et se battre pour une vraie démocratie, ils ne sont, en fait, que la face hideuse d’un système qui use de la délation pour tenter d’abattre ses adversaires. Se faisant inviter partout, ils n’hésitent pas à crier, à tue-tête, que ce sont eux les meilleurs, alors que tout le monde connaît leur trouble passé (et leur présent tout aussi glauque).
Organisez un point de presse, un atelier ou une conférence et vous verrez accourir, de partout, des dizaines de ces « journalistes », caméras et micros en main, pour filmer tout ce qui bouge, avant de courir dare-dare en rendre compte, systématiquement, à qui vous savez. Organisez n’importe quelle manifestation pour les syndicats ou les ONG et vous les verrez surgir de partout, comme sortis de terre. Que dire des partis politiques ?
Plus d’une centaine déposèrent listes, lors des dernières élections, avec des résultats catastrophiques, pour leur écrasante majorité, tandis que les autres (des centaines encore…) ne purent même pas s’en offrir la honte, faute de candidats et de militants. De fait et à part une dizaine de partis d’opposition, tous gravitent dans le giron du parti au pouvoir, tentant de ramasser un tant soit peu des miettes que ce dernier leur jette, à l’occasion de chaque élection, à défaut de pouvoir récolter des voix.
Tant que ce genre de pratiques, dignes d’un régime policier, ne seront pas dénoncées, ni les taupes livrées à la vindicte populaire, la démocratie ne progressera pas d’un pouce. Il est temps d’arrêter de se voiler la face. La politique de l’autruche n’a jamais rien construit. Pour s’affranchir de son passé vichyssois, la France n’hésita pas au grand ménage. Nous ne pouvons pas, nous, continuer à traîner, comme de vieilles casseroles cabossées, tant de pseudo-journalistes, syndicalistes, responsables d’ONG et de partis politiques, en les traitant de respectables, alors qu’ils ne méritent que quolibets et invectives. « Euf! » n’a jamais été autant mérité que par ces gens-là.
Mais notre pays n’en est pas à une contradiction près. Entendre et voir, sur les ondes de la radio et de la télévision publiques, des milliers de gens, érudits, cadres et fonctionnaires, demander, ouvertement, qu’on viole ce texte fondamental qu’est la Constitution et s’en vanter (alors qu’ils sont passibles de poursuites judiciaires) finit de nous convaincre que plus rien n’ira dans ce pays, tant qu’une révolution n’aura pas tout balayé.
Aussi bien ceux qui applaudissent (qui l’ont toujours fait et ne cesseront de le faire, tant qu’on le leur permettra), que ceux qui se laissent applaudir. De l’air, par Dieu, de l’air ! C’est de critiques, courageuses, lucides et responsables, qu’un pouvoir a besoin ; pas de courbettes ni de puantes veuleries.
Ahmed ould Cheikh
Source : Le Calame (Mauritanie)