Les FPC n’ont pas pris part aux élections, elles ont tout de même une idée de ce qui s’est passé. Que pouvez-vous en dire ?
Samba Thiam: Ce qui s’est passé, c’est qu’au premier tour le pouvoir s’est senti suffisamment assuré et rassuré pour jouer à la transparence. A l’arrivée, l’Upr-parti au pouvoir-est battu à plate couture par endroits, sinon, sérieusement secoué, ici et là, par l’opposition. Échaudés, les hommes du pouvoir reviendront, au 2eme tour, aux pratiques habituelles marquées par la fraude, le bourrage des urnes, le vote multiple, le transport d’électeurs d’un centre à l’autre ; comme ce fut le cas pour ce groupe de jeunes gens du quartier Sebkha de Nouakchott transportés à Wothie. Il existe des dizaines de cas semblables. L’Afrique n’arrive pas, hélas, à se départir de ces tares…
L’autre faiblesse de ces élections, occasionnant la vaste pagaille, c’est le manque d’imagination, pour user de cinq bulletins à la fois, avec des logos minuscules, pour une population à moitié analphabète ! D’où ces dizaines de milliers de bulletins nuls.
-Quelle évaluation vous faites de votre rapprochement avec l’AJD/MR lors des élections passées? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, les cadres des FPC n’ont pas figuré sur les listes candidates de l’AJD ? Quel est aujourd’hui l’avenir des FPC qui courent derrière un recours contre le refus du ministère de l’intérieur de les reconnaître?
-Nous avions souhaité un bien meilleur résultat pour l’AJD/MR qui demeure, pour nous, un allié naturel ; malheureusement ce ne fut pas le cas, en raison d’une conjonction de facteurs défavorables qu’il serait fastidieux d’énumérer ici…
Pour le reste, nous n’étions pas vraiment demandeurs, pour être en conformité avec l’esprit même de notre déclaration de soutien à ce partenaire privilégié…Nous avions une position à prendre, par devoir, nous l’avons prise…
Concernant maintenant notre avenir, au regard de l’arbitraire d’un régime qui nous frappe, je dirais que les Fpc continueront malgré tout, à exister, à se battre pour leurs droits jusqu’au bout, même si notre justice demeure inféodée.
-Certains Négro-africains se demandent pourquoi les leaders de la communauté n’arrivent pas à s’entendre pour peser lors des élections. Leurs résultats aux dernières élections ont été catastrophiques ; aucun n‘a réussi à se faire élire ou à élire quelques députés ou conseillers.
-Il faudra nuancer l’affirmation: il y a eu tout de même quelques élus dans les rangs de l’AJD/MR notamment, même si c’est dérisoire par rapport aux attentes. Mais votre question reste toutefois légitime; pour comprendre ce qui s’est passé il faut peut-être remettre les choses dans leur contexte.
Avant les élections, les partis, à tout le moins les directoires de ces partis, se faisaient, chacun, une haute idée de leurs capacités ou de leurs possibilités. A l’épreuve de l’expérience, la réalité se découvre toute autre, dessillant les yeux… De cette douche froide, il peut cependant sortir quelque chose de positif : plus d’humilité, des ambitions revues à la baisse et plus d’ouverture d’esprit…Mais, à mon sens, la bonne question aurait été de se demander pourquoi donc ces leaders, en raison même du contexte général extrêmement préoccupant, demeurent incapables de se retrouver, de temps à autre, pour se concerter, échanger, débattre simplement de ce qu’ils ont en commun, en dehors même de toute élection ? That’s the question !
-L’un des enjeux de ce scrutin complexe est la prochaine présidentielle. Ces scrutins présagent-ils d’une présidentielle consensuelle, crédible, sereine?
-Consensuelle et crédible sûrement pas ! Au regard du jeu actuel fermé et de la CENI sous coupe réglée. Elections consensuelles, transparentes et crédibles supposent un esprit d’ouverture, des concertations, un respect mutuel entre adversaires, toutes choses inconnues du général. Sereines, elles le seront, sans nul doute ! Le Prince semble avoir parfaitement bien compris la psychologie de l’Opposition. Il a compris qu’il pouvait la traiter comme bon lui semblait, sans risques en retour. Il a compris qu’elle n’était pas prête à se battre quelque que fussent les enjeux ou les provocations ourdies contre elle.
Voilà pourquoi je dirais à mon tour que cette opposition est dans les fers, pour paraphraser quelqu’un qui posait que ’’ lorsque nous acceptons de subir ce que nous refusons, nous sommes dans les chaînes ‘’ !
-Quelle appréciation vous faites des résultats de l’opposition et du travail de la CENI ?
-Ces résultats de l’opposition me semblent acceptables, sans plus. Mais n’en rajoutons pas, car nous savons tous qu’elle a pris ce que le prince a bien voulu lui donner ; ni plus ni moins.
Pour le nouveau Président de la Ceni, il a fait montre d’une bonne volonté, sans conteste. Mais une bonne volonté, toute seule, suffit-elle pour s’affirmer ? Nous avons tous noté comment le Ministre de l’intérieur et la Cour Suprême ont rabroué Ould Bellal, pourtant dans son bon droit…Non, il faut plus pour que notre Ceni soit indépendante, à égale distance des parties ; seulement lorsque l’Opposition se décidera à croiser le fer…
-Votre réaction au dernier réaménagement du gouvernement qui a consacré l’entrée en tant que ministre de la défense du dauphin présumé d’Ould Abdel Aziz et la sortie de l’AEOD qui a dénoncé la marginalisation de la composante noire du pays. Que faudrait- il faire, à votre avis, pour éviter de pareilles frictions pour ne pas dire de frustrations?
-Il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Pour nous, Négro-africains, Aziz et Ghazouani c’est kif kif ! Supputer donc les chances ou la probabilité pour l’un de remplacer l’autre me paraît simplement oiseux. C’est bien ce duo qui fut le cerveau du putsch contre le Président Sidi Ould Cheikh Abdallah, non ? Dans les deux cas, notre sort est scellé-nous Négro-africains- , puisque nous refusons de faire face à notre descente aux enfers…
Pour en venir maintenant à la récente position de l’Opposition sur la marginalisation de la composante négro-africaine, je dirais qu’il faut s’en féliciter ; l’on dit bien ‘’ qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire’’.
Hier, dès que nous qualifions la Mauritanie d’apartheid, par boutade, le Fruidem- autre déguisement du MND en exil- nous tombait dessus à bras raccourcis ! C’est heureux que les certitudes d’hier se soient quelque peu estompées…
Cela étant, cette nouvelle position de l’Opposition me parait tout de même surprenante, pour ne sembler s’apercevoir de notre exclusion – qui crève les yeux depuis plusieurs décennies – que maintenant et de surcroît, à la seule lumière de la nomination du Président de l’assemblée nationale, récemment ? Comme si notre exclusion se réduirait à la nomination d’un président de l’assemblée !
Come on ! Dommage que l’on n’ait pas pu voir venir ce que nous montrions au loin, car aujourd’hui les dégâts sont énormes… presqu’irréparables !
Je me demande si tout ceci ne participe pas de la mystification habituelle…Si nous nous sommes retirés du G8, c’est bien pour avoir constaté, entre autres, que ces questions qui fâchent n’étaient pas abordées avec franchise. Et que la revendication sur l’officialisation de nos langues nationales–Pulaar,Soninké,Wolof- principe intangible dans l’égalité en dignité des Nationalités – paraissait excessive aux yeux de ces mêmes gens !
Soit fait en passant, je voudrais relever la pirouette de monsieur le ministre de la communication, à ce propos ; non Monsieur le ministre ! Si le gouvernement mauritanien appliquait le principe ou la règle de la citoyenneté, sans considération de Noirs et Blancs , il jouerait aux dés ! Où c’est parfois le chiffre 3, parfois 6, puis 4 qui sort, mais jamais toujours 6, indéfiniment…
-Depuis votre retour, vous courrez derrière votre régularisation, conformément aux instructions visant la réinsertion des déportés et des victimes des événements 86 -91. Qu’est-ce qui explique cette espèce d’ « obstruction » ?
– Rien d’autre, ne me semble-t-il, que ma posture d’opposant jugé pas commode, pour refuser les compromissions! J’ai rempli toutes les conditions prescrites par la fonction publique pour régulariser ma situation administrative. Tous mes collègues et anciens détenus politiques de Walata, présents sur le territoire, ont été réintégrés et perçoivent actuellement leurs pensions de retraite.
Tous, sans exception. Il n’y a que mon cas qui bloque… pour le seul motif que je m’oppose radicalement à cette politique d’épuration ethnique, sournoisement suprématiste, en vigueur! Lorsqu’un directeur de la Fonction Publique vous avoue son impuissance et que son ministre de tutelle vous accorde un rendez-vous pour se dérober à la dernière minute, c’est parlant ! L’obstruction vient d’en haut. La loi c’est le prince.
Mais un jour le changement viendra …
-Que pensez-vous de l’incarcération, depuis août dernier, du député élu Biram Dah Abeid ?
-Que faut-il en dire sinon qu’un un constat s’impose : nous sommes dans une république bananière, dans une jungle ou règne la raison du plus fort ! Le dossier des FPC, rigoureusement conforme à la loi, mon cas personnel, celui de Dah Abeid en sont les symboles vivants, qui montrent, une fois de plus, que la loi c’est le prince, le prince la loi !
-Que pensez-vous de la loi qui préconise la dissolution de tout parti n’ayant pas obtenu 1% lors de 2 élections consécutives ?
J’y adhère entièrement, et j’aurais même exigé un peu plus. En posant que tout parti politique devrait, pour justifier son existence, avoir des activités publiques régulières qui animent la vie publique, tenir des réunions et assemblées périodiques, disposer d’une comptabilité et d’un siège.
Propos recueillis par DL
Source : Le Calame (Mauritanie)