Les premières constatations de la police imputent l’acte à Limam Touhami, beau-frère du susdit. Blessé, la veille, la victime restera séquestrée, jusqu’à perdre connaissance. Durant 20 heures, les auteurs de l’homicide s’appliqueront à lui prodiguer, in situ, des soins sommaires, pour éviter le scandale.
Le lendemain, à 16 heures, l’infirmier qui tentait de le maintenir en vie – un proche parent du meurtrier – décide de faire transporter Ould Eyde, à la clinique Kissi où il décède. Ce dernier avait épousé, en mésalliance, Roughaya Mint Touhami, de la tribu guerrière des Oulad Ahmed, à cheval entre les régions du Brakna et du Trarza.
Ould Eydde, lui, descend d’une prestigieuse lignée de griots (Igawen), un groupe que les Maures, cependant, réputent inférieur par la naissance. L’union subversive suscitait des tensions au sein de l’entourage familial, d’autant que les conjoints résistaient à toutes les pressions les incitant à se séparer.
La veuve et son frère, aussitôt écroués pour les nécessités de l’enquête, plaident l’accident, consécutif à une altercation. Les témoins, en majorité, confirment le piège, donc la préméditation. Une vidéo, en Arabe, interroge l’évènement (voir à la fin du texte).
Depuis, des réunions de tribu se succèdent pour entraver la chaine pénale, dans le cadre du prix du sang (Diya). La formule d’impunité permet d’occulter la demande de justice, sous des considérations immémoriales de « redevabilité » mutuelle dans l’épreuve, un processus de substitutions aux représailles, par le jeu combiné de la solidarité et de la compensation matérielle. La société maure y recourt, souvent, en marge de l’Etat et des lois. Le procédé permet d’empêcher la vendetta ; ainsi s’exerce-t-il aux dépens du droit, qu’il contourne et vide de sa vocation.
IRA – Mauritanie rappelle, ici, que les hiérarchies héritées marquent encore la mémoire primitive, aussi bien des arabo-berbère que des négro-africains, même si la réaction s’avère moins radicale parmi les seconds.
Le sentiment de supériorité génétique façonne le présent des rapports humains, au point de contrarier, voire d’interdire la faculté, pour un homme, d’extraction modeste, d’épouser une fille d’un degré de noblesse plus élevé. Bien entendu, les entorses et infractions à l’usage se multiplient mais se paient parfois au prix de la vie quand l’intimidation et les privations ne produisent l’effet de dissuasion escompté.
L’impunité de telles atteintes à l’intégrité du corps et de la vie constitue l’épilogue mécanique au crime d’honneur, commis pour préserver la pureté de la généalogie. D’ailleurs, des jurisconsultes musulmans s’évertuent, dans de rares cas, à auréoler la pratique d’une caution religieuse.
Il convient, aussi, la banalisation quasi-prévisible d’une « bavure » dont trépasse un noir d’ascendance subsaharienne, en particulier un rejeton d’esclave, comme l’illustre l’élimination de Mohamed Ould Matalla, le 12 juin 2018, par une patrouille de police, à Nouakchott. Selon le Ministre de l’Intérieur Ahmedou Ould Abdallah, une crise cardiaque explique sa mort dans un commissariat, au cours de la garde-à-vue.
Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie
Nouakchott, le 5 novembre 2018
Source : IRA-Mauritanie