Hier, lundi 10 Septembre 2018, le responsable régional de la CENI au Gorgol, Me Abdallah Moussa Cheikh Sidiya, a rendu le tablier. Sa démission, qui a fini par ne pas être acceptée, fait suite à des pressions quotidiennes exercées sur lui par le vice-président de CENI, Monsieur Ethmane Ould Bidiel qui, a-t-on dit, le sommait régulièrement, non sans arrogance, de lui donner prioritairement les résultats des listes APP et de bien s’occuper de ce parti.
Excédé par les remontrances du vice président et ses injonctions intempestives, le responsable régional de la CENI du Gorgol n’a eu d’autre choix que la démission.
Ce fait aurait sans doute pu passer inaperçu s’il ne mettait pas au grand jour la partialité d’un membre de la CENI et pas n’importe lequel, son vice président, Monsieur Ethmane Ould Bidjel. Désigné par la formation de Messaoud Boulkheir, Ould Bidjel doit, dans la logique de l’actuelle CENI, s’intéresser prioritairement aux résultats de son parti et, peut-être trouver un moyen ou un autre de l’appuyer en faisant trancher, si possible, tout litige en sa faveur. Peut-on en vouloir pour ça à M. Bidjel ? Non, parce qu’il fait exactement comme tous ses autres collègues qui ne ménagent pas d’efforts pour privilégier leurs partis de provenance ! C’est vrai que c’est le comble de l’illégalité mais c’est tout de même vrai que Bidjel et ses collègues de la CENI, désignés par des partis politiques, demeurent moralement engagés à «travailler» pour les formations auxquelles ils doivent leur «sagesse». Donc, il n’est en rien réaliste d’exiger de M. Bidjel et des autres ’’sages’’ de s’en tenir à l’impartialité ! Les conditions dans lesquelles ils ont été désignés ne semblent guère favoriser leur neutralité et il faut le reconnaître!
Nous avons donc bel et bien affaire à une CENI dont les membres, tous affiliés à des partis politiques, sont naturellement et humainement enclins à privilégier ceux qui sont derrière leur désignation. Normal, non?
Dans ces conditions, les formations, qui n’ont pas de ‘’représentants’’ parmi les sages de la CENI, peuvent-elles aller en compétition à chances égales avec les partis politiques qui y sont, eux, bien représentés ? Comment peut-on, dans ces mêmes conditions, négocier l’impératif d’équité devant être de mise entre tous les protagonistes d’une consultation électorale ? Comment les partis de l’opposition radicale qui ont été empêchés de participer à la mise sur pied de cette CENI, peuvent-ils ne pas être préoccupés, surtout dans les cas de litiges pouvant les opposer aux formations «représentées» dans le noyau dur de cette commission ? A cette question, un militant de parti politique de l’opposition radicale m’a répondu en disant : «Comment peut-on être tranquille en face de «sages» qui sont à la fois juges et parties ?»
En fait, il me semble que la désignation des membres de la CENI sur des bases partisanes n’était pas appropriée et ne pouvait conduire qu’à un déficit de confiance en cette importante institution dont le crédo est intimement lié à sa stricte impartialité.
Là, il est à craindre qu’on ait affaire à une CENI à deux vitesses avec toutes les fâcheuses conséquences que cela puisse avoir sur la gestion et la crédibilité du processus électoral.
Or, dans un souci d’efficacité et, surtout, de respect des valeurs républicaines, les choses devaient être faites autrement : les «sages» devaient être sélectionnés, non sur la base de propositions partisanes mais plutôt sur la base de critères liés à leur profil personnel, notamment à leur âge, à leur droiture, à leur expérience, à leur compétence et à leur savoir-faire. Figurez-vous que parmi les ‘’sages’’ de cette CENI, il y a des jeunes gens que rien ne prédispose à faire partie d’une commission censée gérer le processus électoral de toute une nation. Ne me parlez pas des autres personnels de la commission qui, eux aussi, ont été choisis, non sur la base de leur compétence mais plutôt en fonction de leur proximité à tel ou tel «sage».
Le grincement de dents qui a marqué un peu partout le déroulement du scrutin du 1er Septembre 2018 vient principalement de ces désignations qui sortent, toutes, de l’ordinaire.
Le couac sans précédent qu’a connu, ce lundi, la représentation régionale de la CENI de Kaédi est, lui aussi révélateur de problèmes majeurs au niveau de la gouvernance de la commission.
La CENI saura-t-elle s’en sortir ? Saura-t-elle voir le bout du tunnel ? Faut-il avoir peur pour le 2e tour et pour l’après 2e tour? Faut-il avoir peur pour la présidentielle de 2019 si rien n’est fait d’ici là pour garantir l’équité entre les protagonistes et la stricte neutralité de la commission? Faut-il redouter que d’autres couacs ne viennent ternir davantage les échéances actuelles déjà entachées par les votes multiples, la duplication frauduleuse des bulletins de vote, l’achat de consciences, les mauvais dépouillements, la mauvaise compilation des résultats et tout le reste ?
En tout cas, un tour de vis doit impérativement être fait pour que les «sages» puissent rester sages et pour que la classe politique puisse, dans son ensemble se reconnaître dans la CENI dont la création répond d’abord au souci de favoriser l’équité et l’apaisement.