Zeid Ra’ad al-Hussein : « je préfère faire une erreur en m’exprimant plutôt que de me taire »

Zeid Ra’ad al-Hussein : « je préfère faire une erreur en m’exprimant plutôt que de me taire »Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad al-Hussein, dont le mandat s’achève ce mois-ci, revient dans un entretien avec ONU Info sur les quatre années qu’il a passé à ce poste, les moments qui l’ont marqué et l’importance du combat contre l’injustice.

L’ancienne Présidente du Chili, Michelle Bachelet, a été nommée pour le remplacer et entamera son mandat le 1er septembre.

Diplomate expérimenté, M. Zeid a occupé auparavant le poste de Représentant permanent de la Jordanie auprès des Nations Unies à New York, de 2000 à 2007 puis de 2010 à 2014.

Il a aussi travaillé au sein du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il a notamment été fonctionnaire des affaires politiques à la FORPRONU, dans l’ex-Yougoslavie, de février 1994 à février 1996.

En 2004, à la suite d’allégations de violences généralisées commises par des soldats de la paix de l’ONU il a été nommé Conseiller auprès du Secrétaire général sur l’exploitation et les abus sexuels. Son rapport, publié en 2005, prévoyait pour la première fois une stratégie globale d’élimination de l’exploitation et des abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix.

Au sujet des quatre ans passés à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, M. Zeid retient qu’il « est très dur d’écouter les souffrances des gens ».

Il se souvient ainsi être allé au centre de détention d’El Apango au Salvador pour y rencontrer quatre jeunes femmes.

« Elles avaient été condamnées à 30 ans de prison. Elles affirmaient qu’il s’agissait d’urgences obstétricales, qu’il s’agissait de fausses couches. L’État affirmait qu’il s’agissait d’interruptions volontaires de grossesse », raconte-t-il.

« Et quand je me suis assis avec elles, et avec mon équipe complète, en l’espace de dix minutes, nous pleurions tous, nous étions en larmes parce que leur souffrance était si extrême », ajoute-t-il. « L’une d’elles nous a raconté comment son fœtus était sur le sol et qu’au lieu de l’emmener à l’hôpital, ils lui ont mis les menottes et l’ont emmenée en prison ».

Après cela, le Haut-Commissaire a rencontré le Président salvadorien et lui a demandé : « Pourquoi toutes ces filles sont-elles pauvres ? ». « Je pense que dans de nombreuses régions du monde, c’est l’élément qui est vraiment frappant : ce sont toujours les pauvres qui souffrent toutes les conséquences ».

La véritable pression vient «des victimes et de ceux qui souffrent»

M. Zeid croit fermement qu’il est important de parler haut et fort au sujet des droits humains. « Si vous ne dénoncez pas parfois, si vous ne menacez pas de parler, vous n’attirez pas l’attention. Et je préfère faire une erreur en m’exprimant plutôt que de me taire », dit-il.

Alors qu’il travaillait pour la première fois à l’ONU en 1994 et 1995 dans l’ex-Yougoslavie, il dit avoir vu « les catastrophes que le silence peut entraîner ». « A partir de ce moment-là, j’étais déterminé à ne pas garder le silence lorsqu’on nous présentait des preuves », déclare-t-il.

Notre travail consiste à défendre les victimes, les communautés vulnérables et les communautés marginalisées

Selon lui, la véritable pression au poste de Haut-Commissaire ne vient pas des gouvernements qui de toute façon attaque le Haut-Commissariat parce qu’il les critique. Cette pression vient « des victimes et de ceux qui souffrent et attendent beaucoup de nous ». « C’est la pression qui, à mon avis, compte le plus et qui est la plus importante pour nous », ajoute-t-il.

« Notre travail consiste à défendre les victimes, les communautés vulnérables et les communautés marginalisées. L’oppression fait son retour. La répression est à nouveau à la mode », estime-t-il.

Interrogé sur ce qu’il restera, selon lui, de son passage à la tête du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid estime que les personnes qui comptent pour lui sont « la société civile, les groupes de victimes, les défenseurs des droits humains ». « S’ils disent que Zeid a fait du bon travail, je serais très content de cela. S’ils disent qu’on aurait pu mieux faire, je devrais apprendre à vivre avec et l’accepter », conclut-il.

 

Source : UN News