L’indépendance du directoire national de la CENI fut contestée, au lendemain même de sa mise en place. Blacklistée de cet organe central de contrôle et de suivi des élections, l’opposition démocratique, qualifiée de « radicale », et aujourd’hui rassemblée dans ce qu’on appelle l’AEOD, se mit vent debout pour dénoncer le « népotisme » et le « clientélisme » qui avaient, à son avis, marqué le choix des hommes et femmes de cette structure. Pour preuve, relevait cette contestation, la « très grande proximité » de certains avec les segments du pouvoir et autres présidents de partis politiques ayant pris part au dialogue national de 2016.
Le porte-parole du gouvernement et plusieurs hauts cadres répliquèrent en clamant l’indépendance de la CENI, la compétence de ses membres, etc. Las ! Le pouvoir vient, lui-même, de s’enferrer dans ses propres contradictions, la maladresse de certains de ses responsables aidant, en désavouant publiquement la CENI qui a décidé, peut-être de manière cavalière mais croyant bien faire, de proroger la date de dépôt des listes candidates, suite à une concertation avec des partis politiques qui peinaient, semble-t-il, à boucler les leurs, quelques heures avant la date-butoir du 13 Juillet. Sans ménagement, le ministère de l’Intérieur et le président du principal parti de la majorité présidentielle sont montés sur leurs grands chevaux, pour remettre en cause la décision de la CENI… qui a fini par se dégonfler, après un arbitrage de la Cour suprême.
Cet incident entre la CENI chargée de gérer et de suivre les élections locales, prévues le 1er Septembre, le gouvernement et son principal soutien, l’UPR, vient confirmer ce que tout le monde savait : les « limites de l’indépendance » de cet organe et le déficit de formation, peut-être même, de ses responsables. En effet, comment peut-on, si le texte ne le prévoit pas, se permettre de prendre une telle décision, si importante pour tous les partis politiques dont certains dialoguistes venaient de réclamer, publiquement, le report des élections et les mauvaises conditions de leur préparation ? Une faute de débutant qui contribue à décrédibiliser davantage notre CENI. Son intention était bonne, dans la mesure où elle allait permettre d’élargir la participation des partis politiques, en de nombreuses circonscriptions, et également détendre, par ricochet, la trop lourde atmosphère qui pèse sur le processus électoral. Le crédit en serait revenu au pouvoir. Accusé, aujourd’hui, de faire obstruction aux autres partis politiques de l’opposition, il n’en a, semble-t-il, strictement pas cure.
Les partis pris au dépourvu ne doivent s’en prendre, de leur côté, qu’à eux-mêmes. Ils savaient que le pouvoir ne leur ferait aucun cadeau. Peut-être, comme le suspecte le président du RFD, veut-il cacher « quelque chose », pour passer en force, d’où son refus d’observateurs étrangers. Il aurait cependant pu laisser passer la décision de la CENI, quitte à la rectifier en douce et sans tapage médiatique : option non retenue, circulez, il n’y a rien à voir !
L’autre volet de la décision de la CENI – l’inscription à distance sur les listes électorales, comme ce fut le cas pendant la réimplantation de l’UPR – se fait attendre. Un arrêt du ministère de l’Intérieur devrait intervenir pour en fixer les modalités et les lieux. Une décision susceptible de soulager nombre de citoyens des villes, sans moyen de se déplacer et qui voudraient voter chez eux. Si la présence physique est exigée, particulièrement à l’intérieur du pays, à Nouakchott, certains recenseurs de l’ONS ferment les yeux, et enrôlent sur simple présentation d’une pièce d’identité. C’est surtout valable pour les responsables du parti au pouvoir qui convoient des citoyens ou collectent leur carte, pour les enregistrer. En tout cas, l’incident que les Mauritaniens viennent de vivre a manifestement renforcé le doute, sur l’indépendance et les capacités réelles de la CENI à piloter le processus électoral mis en branle.
DL