Après des auditions à Genève les 1er et 2 mai, le CERD a adopté le 10 mai des observations finales, après avoir examiné le rapport périodique du gouvernement mauritanien (présenté avec … 9 ans de retard) et les rapports alternatifs d’ONG de défense des droits de l’homme et en particulier du mouvement anti-esclavagiste IRA (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste), dont le président, Biram Dah Abeid, a été couronné par le Prix des droits de l’homme de l’Onu en 2013.
Loi trop floue, prêtant aux abus
Le CERD a critiqué la loi mauritanienne de 2018 sur la discrimination raciale, soulignant son absence de clarté juridique et de définition de la discrimination conforme à la Convention – ce qui ouvre la porte à des abus.
L’IRA avait souligné, de son côté, que l’imprécision de cette loi permettait de l’utiliser contre les militants anti-esclavagistes; les esclaves sont en effet toujours des Noirs et les propriétaires d’esclaves par ascendance presque toujours des Arabo-Berbères.
Le CERD s’est aussi inquiété de la non reconnaissance d’ONG combattant la discrimination, comme l’IRA, créée en 2008 et non reconnue depuis 2010 alors qu’elle a effectué toutes les démarches nécessaires.
Veiller à lutter contre l’esclavage
Le CERD reste préoccupé par la survivance de situations d’esclavage et de préjugés qui y sont liés. Il recommande à l’Etat mauritanien de veiller à l’application effective de sa loi de 2015 contre l’esclavage; de s’assurer que les victimes puissent porter plainte sans pression; que ces plaintes soient enregistrées; que des enquêtes soient effectuées et des poursuites engagées et que les responsables soient condamnés en proportion avec la gravité des faits.
Ce n’est pas le cas actuellement. Alors que l’IRA a déposé à elle seule 225 plaintes contre des Mauritaniens pour esclavage, quelques personnes seulement ont été condamnées jusqu’ici, majoritairement des étrangers.
Le CERD demande également à l’Etat mauritanien de trouver des solutions durables pour les victimes de la crise de 1989-1991. Il s’agit notamment de 60.000 Mauritaniens noirs qui avaient été expulsés vers le Sénégal voisin lors d’une crise raciale dans leur pays; de retour en Mauritanie, ils ne se voient pas reconnaître les droits des Mauritaniens.
Le CERD demande aussi d’abroger une loi d’amnistie de 1993 empêchant d’établir les responsabilités dans les meurtres de Mauritaniens noirs lors de cette crise, notamment la pendaison, le 27 novembre 1990, de 28 militaires noirs.
Plus généralement, le CERD recommande une meilleure représentation des Mauritaniens noirs dans toutes les sphères de la vie politique et dans l’administration et d’ériger les principales langues des ethnies noires en langues officielles au même titre que l’arabe.
Par MFC.
Source : LaLibre (Belgique)