Alors qu’il réalisait depuis une vingtaine de jour un reportage sur le sort des esclaves dans ce pays, Seif Kousmate est arrêté le 20 mars dernier par les autorités mauritaniennes alors qu’il quittait le pays pour se rendre au Sénégal voisin, afin d’y prendre un vol retour vers le Maroc. « Au début, ils ont pensé que j’étais terroriste », explique ce dernier au HuffPost Maroc.
Matériel confisqué et formaté
Le journaliste ayant la double nationalité française et marocaine, est rentré en Mauritanie avec son passeport marocain, semant le doute auprès des autorités sur son identité. Après avoir été transféré au commissariat de Nouakchott, les policiers inspectent son matériel et notamment un enregistreur.
Ces derniers comprennent alors qu’il avait enquêté sur la question des esclaves, extrêmement tabou dans ce pays. Les policiers commencent alors à effacer les images prises par le journaliste qui perd presque tout le travail accompli ces derniers jours. “Tout a été formaté”, se désole-t-il.
Seif Kousmate passera plus de quatre jours au poste de police, les autorités mauritaniennes lui reprochant désormais d’avoir “travaillé sans autorisation”. Au cinquième jour, il est finalement expulsé vers le Maroc. Ce dernier risquait entre un et deux ans d’emprisonnement et une amende d’un million d’ouguiya.
Un sujet tabou
Un cas qui n’est pas inédit dans la région. Comme le rappelle RSF, l’an dernier, une journaliste française “avait déjà été sommée de quitter le territoire sous peine de se retrouver en prison”. Il faut dire que si le pays interdit officiellement l’esclavage depuis 1981, cette pratique reste encore pratiquée dans cette région.
Selon Reporters sans frontières, 43 000 personnes sont encore en servitude dans cette région. Une minorité appelée les “Haratin”: “ce sont des descendants d’esclaves qui ont complètement perdu leur identité”, nous explique Seif Kousmate. “Le gouvernement nie totalement la présence d’esclaves dans ce pays”, poursuit-il.
“Si une loi datant de 2007 punit cette pratique, cela reste une société tribale dirigée par une minorité arabo-berbère. Même quand ils sont affranchis, ces anciens esclaves restent à la marge de la société et ont du mal à avoir des papiers ou a accéder à l’éducation. Ils sont souvent forcés d’exercer des professions ingrates dont personne ne veut”.
Malcolm Linton via Getty Images
Fatma Mint Mamadou, une ancienne esclave mauritanienne, pose avec sa fille M’barka en juin 1997, à Nouakchott.
“Les autorités sont dans le déni, elles disent que l’esclavage n’existe pas, que la discrimination raciale n’existe pas… Et elles répriment les défenseurs des droits humains qui dénoncent ces pratiques”, expliquait de son côté Amnesty International dans un rapport sur l’état des droits de l’Homme en Mauritanie.
Pour l’instant, le journaliste, qui réalisait ce reportage pour le compte de l’agence de photo et d’écriture numérique Hans Lucas, n’a pas pour projet de retourner dans ce pays. “Je pense qu’après cet épisode, je dois être blacklisté”, commente ce dernier.
Par Salma Khouja
– Al Huffington Post Maghreb –