D’après le journal « Jeune Afrique », le président français est attendu à Nouakchott d’ici à la fin juin 2018, juste avant la réunion du G5 Sahel qui doit s’y tenir en juillet. Au centre des discussions, se trouvera fatalement la lutte contre le terrorisme au Sahel, une priorité absolue, on le sait, du président Macron obsédé par l’idée de rapatrier les troupes françaises d’Afrique et la seule carte pour un président Aziz rattrapé par ses impostures.
Emmanuel Macron doit se souvenir que malgré les promesses, aucun soldat mauritanien n’a été envoyé pour combattre dans le cadre de l’opération militaire que l’armée française mena en janvier 2013 au Nord Mali.
Premier souci, la France va-t-elle se présenter, les poches percées, comme lors des voyages officiels en Tunisie ou au Sénégal, où quelques conversions de dettes et de maigres aides à une poignée de start-ups ont été le seul horizon d’une coopération soi disant renouvelée? Or en matière sécuritaire, l’équipement des 5000 hommes de la force G5 Sahel pose de graves problèmes de financement.
Pour l’instant, la France vient de contribuer pour 8 millions d’euros seulement à cette armée en gestation contre 130 millions pour les Émirats et l’Arabie Saoudite. Emmanuel Macron, en clair, a donné les clés du Sahel aux monarchies pétrolières qui ainsi, dans une approche consensuelle, financent les deux parties en présence, djihadistes d’un coté et forces armées étatiques de l’autre. Il faut à Emmanuel Macron d’autres arguments sonnants et trébuchants pour se faire entendre. En a-t-il les marges de manœuvre? Rien n’est moins sur.
Le mirage mauritanien
D’après « Jeune Afrique » toujours, décidément bien en cour à l‘Elysée, Emmanuel Macron apprécierait « le pragmatisme » de Mohamed Ould Abdel Aziz. Il n’est pas certain que cette notion toute macronnienne définisse l’approche sécuritaire de l’actuel pouvoir mauritanien, faite de plus de duplicité que de réalisme. Il est de notoriété publique que le président Aziz a passé un pacte douteux en 2010 avec les amis de Ben Laden qui, moyennant quelques gratifications, se tenaient tranquilles. Il y a mieux: un site internet proche du pouvoir n’hésite pas à Nouakchott à publier les communiqués des groupes terroristes, y compris quand ils attaquent une base gazière en Algérie en 2013. Autant d’initiatives qui sont sans doute à mettre au crédit du « pragmatisme » du président Aziz.
En prime, le pouvoir mauritanien offre aux chefs terroristes le gite et le couvert et organise chez lui une véritable base arrière pour djihadistes fatigués. Les représentants des mouvements indépendantistes du Nord Mali ont pignon sur rue à Nouakchott. Plus grave, c’est l’ancien numéro 3 d’Al Qaida, retenu en Iran pendant un temps, qui vient de publier un livre d’entretiens sur son glorieux passé avec la discrète bénédiction du pouvoir. Sa belle villa, mise à disposition, fait face à Nouakchott à celle de l’ancien chef de la Sécurité d’Aziz.
Un paix civile précaire
Ces dernières années, ces arrangements douteux, il est vrai, ont garanti au régime de Nouakchott une certaine paix civile. Contrairement aux Maliens ou aux Nigériens, les Mauritaniens n’ont guère connu d’attentats spectaculaires ces dernières années. Mais pour combien de temps? Et à quel prix? Pour diner avec le diable terroriste, il faut une longue cuillère, dont le pouvoir mauritanien ignore l’usage.
On sait le poids qu’ont pesé les services secrets algériens de l’ancien DRS sur l’histoire récente de la Mauritanie et sur les coups d’état qui se sont succédé. Les polices parallèles du grand frère algérien ont exercé une véritable fascination sur le jeune Aziz formé à l’école du Basep, la garde prétorienne du régime qui vit plus de prébendes que de l’art militaire.
Le président Macron n’est pas sans connaitre l’examen de conscience du pouvoir algérien. Aidé en cela par la France de Hollande, l’Algérie a choisi, fin 2015, de décapiter l’ancien DRS, véritable Etat dans l’Etat dont les arrangements meurtriers et secrets n’étaient pas de nature à éradiquer le terrorisme.
Petit pays par la population mais grand par son histoire et par sa superficie, la Mauritanie fait encore partie du pré carré français en Afrique. Pour combien de temps? A conforter un régime déconsidéré en interne et discrédité sur le plan régional et international, le président français servirait une bien incertaine idée de la France.
Par La rédaction de Mondafrique