Mohamed Ould El Aabed est un ancien ministre des Affaires économiques et du Développement. Actuellement, il est le vice-président du Parti Convergence Démocratique Nationale (CDN).
Interrogé sur l’opération de changement d’étalon de la monnaie nationale, il assure que c’est « une vaste escroquerie ». Entretien.
Le Calame – La Mauritanie vient de vivre la démonétisation de sa monnaie, l’Ouguiya. Quelle appréciation vous faites de cette décision du gouvernement ? Un mois après ce lancement, les objectifs attendus pourraient-ils être atteints par le gouvernement ?
Mohamed Ould El Aabed : L’opération de changement d’étalon de la monnaie nationale, l’Ouguiya, annoncée par le chef de l’Etat dans son discours à l’occasion du 57ème anniversaire de l’indépendance dernier est une vaste escroquerie dont les objectifs sont à l’opposé de ceux annoncés par le pouvoir et la Banque centrale de Mauritanie.
Depuis le 1er janvier dernier, date d’effectivité de cette mesure, la valeur de l’Ouguiya s’est davantage dépréciée par rapport aux principales devises étrangères, alors que les prix de certains produits de base ont connu des augmentations très fortes, notamment le riz.
De plus, la cupidité du Chef de l’Etat et de sa bande qui prend le pays en otage, laisse penser que le but réel de l’opération, que rien ne justifiait au plan économique, n’était autre que de blanchir l’argent mal acquis qu’ils ont accumulé durant près d’une décennie et qui dépasse probablement plusieurs milliers de milliards d’Ouguiyas.
Par ailleurs, il est de notoriété publique que sous le pouvoir actuel, les billets de banque usagés destinés à la destruction ont été régulièrement réintroduits sur le marché et il n’est pas à exclure que l’opération de changement d’étalon de la monnaie soit une occasion pour assouvir davantage la boulimie maladive d’accumulation du chef de l’Etat et de sa bande. Plusieurs observateurs pensent également que cette opération faciliterait la tâche aux falsificateurs de l’Ouguiya qui sont connus de tous !
Alors que tout le monde se plaint de l’augmentation des prix des produits de denrées de première nécessité, particulièrement après l’entrée en vigueur de la nouvelle Ouguiya, la ministre du commerce et de l’industrie, Mme Naha Mint Mouknass vient de déclarer, lors d’une séance consacrée aux commentaires du conseil des ministre, hier jeudi que les prix n’ont pas connu d’augmentation ces derniers temps, contrairement à ce qu’on entend du côté de l’opposition et des citoyens. Qu’en pense l’ancien MAED ?
Allez poser la question aux citoyens mauritaniens qui connaissent mieux l’évolution des prix que Madame la ministre ! Ils vous répondront que les prix ont bel et bien augmenté depuis le changement d’étalon de l’Ouguiya et que pour certains produits de base, cette augmentation a été vertigineuse, comme le riz par exemple.
Ces citoyens vous diront aussi qu’ils n’accordent aucun crédit à l’indice des prix à la consommation tels que les autorités l’affiche régulièrement depuis 2008, puisqu’il est bien en deçà de l’évolution des prix telle que ressentie réellement par les ménages.
Certains spécialistes doutent de la sincérité des taux officiels d’inflation et pensent qu’ils sont « arrangés » pour faire montre de bonnes performances économiques. Le régime actuel nous ayant habitué au mensonge sur tous les sujets, je ne serais pas étonné que ce doute des spécialistes s’avère, à l’avenir, une vérité sans conteste !
Lors d’une conférence de presse, le président du CDN, Me Bettah a lancé un appel à l’unité de l’opposition pour affronter le pouvoir. Quels sont les échos que vous avez reçus du FNDU ou du G8 que votre parti avait décidé de quitter, à la veille du référendum du 5 août dernier pour battre campagne pour le non ? Envisagez-vous, dans le cadre de ce combat, réintégrer ces deux ensembles ?
L’appel à une « Alliance historique pour relever le défi de la démocratie en Mauritanie » lancé par le Président de notre parti, Me Mahfoudh Ould Bettah, le 13 décembre dernier, est le fruit d’une mûre réflexion au sein des instances dirigeantes de CDN et de consultations avec nos militants.
Il répond à notre souci de voir les forces d’opposition, soucieuses de l’avenir du pays, changer de mode d’action et s’unir effectivement pour barrer la route à la reproduction à l’identique du pouvoir despotique et mafieux actuel, par la candidature du chef de l’Etat à un troisième mandat ou celle de l’un de ses hommes de paille.
Nous avons déjà enregistré l’adhésion, sans réserve, de plusieurs acteurs politiques de premier rang et nous sommes confiants, car nous ne doutons pas de la volonté des partis, courants politiques et personnalités qui composent le FNDU et le G8 de faire échec au maintien en place du pouvoir actuel et de réussir le pari de la démocratisation.
Cette confiance nous fonde à penser que toutes les forces d’opposition et, au-delà d’elles, toutes les formations politiques soucieuses de la stabilité du pays et de son avenir, sauront tirer les leçons des écueils des expériences passées et mettre en place un cadre commun rénové dont l’organisation et les modes d’action seront exclusivement orientés vers la réussite de ce double objectif. C’est cela le sens de notre appel du 13 décembre dernier.
La Mauritanie s’apprête à vivre des échéances capitales entre 2018 et 2019. Comment envisagez-vous ces rendez-vous ? Allez-vous y prendre part ?
Notre positon par rapport aux futures échéances électorales demeure celle exprimée, régulièrement depuis 2009, par l’opposition nationale et qui consiste à créer les conditions d’élections libres, transparentes et crédibles.
Le premier responsable de la création de ces conditions est le pouvoir en place et nous estimons que lorsque l’alliance historique à laquelle nous avons appelé aura été scellée, ce pouvoir n’aura pas le choix et sera obligé de laisser, enfin, les mauritaniens choisir librement ceux en qui ils placeront leur confiance pour la gestion de leur présent et le façonnement de leur avenir.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source : Le Calame (Mauritanie)