« Et luttez pour Dieu avec tout l’effort qu’Il mérite. C’est Lui qui vous a élus ; et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés ‹Musulmans› avant (ce Livre) et dans ce (Livre), afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens. Accomplissez donc la prière, acquittez l’aumône légale et attachez-vous fortement à Dieu. C’est Lui votre Maître. Et quel Excellent Maître ! Et quel Excellent Soutien ! » (sourate 22, le Pèlerinage, Al-Hajj, verset 78).
La lutte, cet acte héroïque et droit inaliénable de tous les peuples qui se voient envahir et occuper de force par d’autres entités humaines, à été en ces terres d’émirats et royautés éparses et rivaux le « Jihad », soit la lutte contre les envahisseurs venus souiller une terre d’Islam, et affirmer une volonté de protéger la foi des populations, leur terre, biens et droits.
Mais il faut rappeler que cet acte de défense de la foi a commencé sur la berge du fleuve lorsque les français s’y ont engagés dans leur première tentative d’implantation et d’installation pérenne. Les autochtones de la région, en particulier les négro-africains, ont au nom de l’Islam opposé une farouche lutte. Ce n’est après, au cours de leur avancée fulgurante qui s’en suit à l’intérieur des terres des émirats maures (du Trab El Bidhane), que les français se heurtèrent, contre toute attente, à un vaillant et inattendu refus d’avancée et d’occupation. Cette lutte ou jihad engagé va très vite prendre une teinte rouge encouragé par des fatwas d’érudits relayés à travers des correspondances acerbes sous-tendues par un engagement culturel coriace et intellectuel savant sans précédent. Lequel combat sera d’ailleurs courageusement reconnu, apprécié et même magnifié par quelques hauts dignitaires militaires et civils de la colonisation. Et c’est bien ce réel élan d’honnêteté intellectuelle et de recul héroïque, par rapport aux réalités qui s’offraient à eux, qui a fait valoir à certains d’entre eux d’être relevés de leurs fonction ou affectés à d’autres responsabilités. Bien sûr que cela n’empêcha pas quelques uns et non des moindres d’écrire des livres référence sur ce qu’ils n’hésiteront pas à qualifier une terre d’érudits ; une écriture somme toute teintée d’un prisme intellectuel courageux.
Or, ce jihad prendra dès la première tentative d’écriture de ce pan de l’histoire du nouvel Etat – né beaucoup plus objectivement de la volonté coloniale que d’un aboutissement triomphant de celui-ci – la dénomination de «résistance» calquée sur l’occident au lieu de Jihad ou lutte plus approprié et contextuel.
A ce titre, des volontés individuelles et entités diverses se sont insurgées et emparées de ce concept de résistance pour en faire un créneau payant aux contours modernistes. Mais au lieu de parvenir au consensuel de la nécessité de valoriser ce patrimoine historique pour en faire un ciment commun aux fins nobles de colmater les fissures sociales, d’unir les composantes du peuple et de profiter aux mieux de leur riche diversité pétrie d’un partage de la foi, ces volontés ont vivifié les foyers des rivalités tribales, divergences ethniques et exacerbé les souffrances des castes écrasées et marginalisées et blessé leur amour propre largement entamé. Elles ont aussi désorienté les rares chercheurs historiques qui détiennent les outils adéquats pour aborder une écriture saine, objective et scientifique de cette partie bouleversée et pleine de contradictions de l’histoire moderne du pays. Mes ces volontés se sont vues piégées par la «tribalisation» des combats, des «vetwas» à outrance et par l’amalgame établi sur les noms dans la conduite des batailles ainsi que l’exclusion de quiconque autre ayant d’une manière ou d’une autre participé au refus de la pénétration. Mieux elles tirent à bout portant sur des oulémas dont Baba Ould Cheikh Sidiya et Cheikh Saad Bouh Ould Cheikh Mohamed Fadel qui, voyant autour d’eux une déliquescence de la situation sociale et une propagation de foyers incandescents d’injustice que les émirs régnants débordés malgré leur bonne volonté et leurs grands efforts peinent à endiguer,, ont signé des pactes de protectorat avec le colonisateur français. Dans ces pactes, la France s’engage à respecter la religion de l’Islam, la culture et les traditions du peuple.
C’est cette ambigüité, du moins répulsive, qui porte au plus et très certainement un coup dur au refus d’antan généralisé – de la rive du fleuve aux confins du Royaume du Maroc – dès les premières heures de l’occupation coloniale française, et dans la foulée au projet de pacification de la Mauritanie élaboré et dirigé par Xavier Coppolani qui subira un grand coup lorsqu’il sera tué dans une opération téméraire à Tidjikja le 12 mai 1905.
La question sensible de cette résistance et l’intérêt détourné de cette époque marquante doivent être confiées à une entité d’historiens-chercheurs ou un conseil national pour la résistance composé d’éminents patriotes, fins connaisseurs de l’époque coloniale et représentatifs de toutes les régions du pays. Ceux-là auront pour mission première d’établir les faits réels de cette opposition à la pénétration et qui vont placer les évènements dans leurs véritables dimensions et contextes. Ils en tireront, sans déformation de l’histoire ni tremper dans l’exagération et la mystification, les conclusions rationnelles et attendues qui vont apaiser les esprits et créer le fond patriotique commun à tous les citoyens.
Aux USA, la tendance est à la destruction des statuts de personnes légendaires au motif d’avoir été ségrégationnistes, esclavagistes ou suprématistes. En Inde, l’apôtre Ghandi, père de l’indépendance, n’a plus d’appartenance ni de coloration depuis son assassinat par un homme de sa confession, l’hindouisme. Le grand empereur Napoléon 1er, infatigable conquérant pour l’élévation de la France, battu à Waterloo en Belgique le 18 juin 1815 par les anglais, repose sous une modeste tombe à Sainte-Hélène, lointaine petite île dans l’océan atlantique où il fut déporté par ses vainqueurs pour y mourir à 51 ans d’un cancer de l’estomac. Sa mort fit déclarer au marquis de Montchenu, venu constater officiellement avec le gouverneur de l’île sir Hudson Low le décès, à son entourage : « Hé bien, Messieurs, c’était le plus grand ennemi de l’Angleterre et le mien aussi ; mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme, on ne doit éprouver qu’une profonde douleur et de profonds regrets. ». Aujourd’hui cette tombe ne bénéficie que rares visites de touristes qui viennent dans l’île.
Par El Wely Sidi Haiba