Biram Dah Abeid poursuit son combat contre l’esclavage en Mauritanie. Le militant, plusieurs fois condamné et emprisonné, était jeudi 22 juin au parlement européen à Bruxelles.
Son ONG, non reconnue par les autorités mauritaniennes, L’initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), a adressé une plainte pour dénoncer l’esclavage et la torture en Mauritanie à la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les formes modernes d’esclavage et à la commission juridique de l’Union africaine, a révélé RFI dans son journal Afrique. La Mauritanie a été l’un des derniers pays de la planète à abolir l’esclavage en 1981.
La pratique n’y est criminalisée que depuis 2007 et une nouvelle loi en 2015 en a durci la lutte. La rapporteuse de l’ONU Urmila Bhoola a souligné à Nouakchott en avril dernier que la Mauritanie avait accompli des progrès « dans le combat contre l’esclavage et ses causes et conséquences ». Elle présentera ses conclusions au conseil des droits de l’homme de l’ONU en septembre prochain.
En 2010, sa prédécesseure Gulnara Shahinian avait conclu à « l’existence de fait de l’esclavage en Mauritanie », le qualifiant de « processus lent et invisible aboutissant à la mort sociale de milliers d’hommes et de femmes ».
Pour l’avocat Brahim Ould Ebety, les progrès dans la lutte sont beaucoup trop lents « parce que la justice fonctionne toujours avec beaucoup d’hésitations sous la pression ». « Pour le gouvernement, ajoute-t-il, l’esclavage est un crime contre l’humanité, mais il n’existe plus, ce sont les séquelles de l’esclavage passé qu’il faut régler.
Or, l’esclavage est bel et bien toujours là. » Une situation qui rend d’autant plus difficile l’évaluation du problème. Les ONG évoquent plusieurs milliers de victimes encore réduites à l’état d’esclaves. Le « Global slavery index » avait estimé en 2016 leur nombre à 43 000 dans le pays.
L’esclavage persiste en raison de l’extrême pauvreté
« Les conditions de misère font que des personnes nées esclaves le restent de fait, sous la contrainte ou parce qu’elles-mêmes sont trop démunies pour quitter leur ancien maître, et ce d’autant plus qu’elles vivent dans des régions reculées du pays », ajoute Brahim Ould Ebety.
Selon les dernières données des autorités mauritaniennes, la pauvreté touchait 31 % de la population en 2014, les trois quarts vivant en milieu rural. L’extrême pauvreté frappait 17 % d’entre elles.
L’esclavage reste un thème hautement sensible et tabou en Mauritanie. La juriste Marie Foray et la journaliste Tiphaine Gosse qui menaient une enquête sur le sujet et étaient en lien avec l’Ira ont été expulsées du pays en avril dernier.
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Marie Verdier