Première mauritanienne Ingénieur de l’institut Français du Pétrole (l’IFP) de Paris, cadre supérieur chez une multinationale, élue locale et Présidente d’une grande ONG, nous allons découvrir cette jeune femme pas comme les autres en marge de la célébration vendredi, de la journée africaine de l’Environnement.
Pourriez-vous vous présenter ? Votre cursus académique ? Votre carrière ?
Maimouna Mint Ahmed Salem (MMAS) : Tout d’abord je voudrais vous remercier ainsi que votre respectueux journal de cette invitation. J’ai eu mon bac C en 2001, 8ième au niveau national, puis majore de ma promotion de DEUG à la faculté des sciences ; ce qui m’a permis de bénéficier d’une bourse d’études d’ingénieurs à l’UTT de Troyes.
J’ai, ensuite, fini mes études à l’Institut Français de Pétrole où j’ai eu mon diplôme d’Ingénieur IFP en Produits Pétroliers et Moteurs (PPM). Comme tous les ingénieurs IFP, j’ai commencé à travailler immédiatement après mes études en France. Ensuite je suis rentré en Mauritanie j’occupe actuellement le poste de Management des activités du Commerce Général chez une multinationale. Afin de contribuer au développement de notre pays, j’ai créé, avec un groupe des jeunes, l’initiative Choukrane qui est devenue aujourd’hui une ONG reconnue au niveau national.
Comment s’explique votre présence à la journée africaine de l’environnement ?
MMAS : pour les missions qu’elle s’est fixées qui participent à l’éducation, la citoyenneté, la bonne gouvernance et la promotion de la jeunesse, notre ONG « Choukrane » ne pouvait pas rater le rendez-vous continental de Nouakchott, d’autant plus que celui-ci a regroupé décideurs, acteurs de la société civile, partenaires sociaux, représentants d’organismes internationaux, diverses personnes ressources.
Engagés pour le bien être de l’individu, nous nous retrouvons parfaitement dans le thème de ces journées placées sous le sceau de « la protection de l’environnement au profit des générations actuelles et futures ». Il s’est agi pour nous d’abord, d’apporter notre contribution dans l’éveil des consciences pour la gestion efficaces des ressources naturelles et ensuite, sensibiliser les uns et les autres sur la nécessité d’agir en faveur de la protection de l’environnement pour un développement durable de notre pays, voire d’Afrique.
Par ailleurs, nous avons eu à travailler dans des projets communs, avec nombre d’acteurs présents à cet événement dont entre autres, le ministère de l’Environnement et la Délégation de l’Union Européenne via son programme pour la société civile et la culture PESCC. Nous retrouver de nouveau avec nos partenaires ne peut que renforcer nos relations avec eux, et éventuellement, ouvrir d’autres opportunités de coopération.
Pourquoi avez-vous opté pour la société civile ? Précisément l’ONG Choukrane ?
MMAS : Le rôle que jouent les Organisations Non Gouvernementales, dans le domaine de la coopération, la solidarité et de la concrétisation de l’esprit de sacrifices pour servir la patrie et le citoyen, ne peut être assuré que par une société civile sérieuse et engagée. C’est ainsi que nous avons, un groupe de jeunes ingénieurs et cadres, décidé de créer l’ONG CHOUKRANE pour nous acquitter de notre devoir. Puisque nous croyons fort que notre mission est de faire coopérer les secteurs étatiques, privés et indépendants à but non lucratif, nous nous sommes fixé un objectif ambitieux qui se résume dans la promotion de la créativité dans tous les domaines par la reconnaissance des œuvres importantes menées par des personnalités et établissements au service du Pays et du Citoyen.
Pour y arriver, les fondateurs de l’ONG ont fixé un ensemble des objectifs spécifiques et ont tracé un plan d’actions pour leur mise en œuvre, qui ne peuvent – évidemment – avoir lieu que par la consolidation des efforts de toutes les parties prenantes (Le Gouvernement, la Société civile, les intellectuels, les hommes d’Affaires et les politiciens) en vue d’encourager la créativité, de soutenir et de récompenser les talents. C’est aussi une expérience enrichissante pour moi en tant que femme dirigeante, la mobilisation des adhérents et de gestion des projets multipartis représente un challenge permanant dans ce domaine.
Dans quels secteurs avez-vous travaillé ?
MMAS : immédiatement après avoir obtenu notre récépissé de reconnaissance en 2013, nous nous sommes engagés sur le terrain en organisant des enquêtes et des sondages portant sur divers thèmes dont les rendements des projets environnementaux, le milieu scolaire, l’entreprise citoyenne… Nous visions par là à accompagner les jeunes, particulièrement, vers l’excellence. C’est parce que les résultats de nos travaux ne souffraient d’aucune insuffisance que nous avons très tôt convaincu nos partenaires. Les derniers actes que nous avons posés datent de 2015 où nous avons réalisé une enquête sur l’efficacité des projets dans le secteur de l’environnement, le classement de la personnalité de l’année qui a plus contribué au développement durable, du citoyen modèle et de l’entreprise idéale qui s’est fait remarqué par ses performances et l’efficacité de sa politique sociale.
Nous avons surtout travaillé avec le ministère de l’Environnement dans des opérations d’évaluation des changements climatiques et l’impact de ceux-ci sur notre environnement, avec le ministère de l’Enfance, de la Femme et de la Famille dans des opérations de promotion féminine et des couches défavorisées, avec l’Union européenne pour l’émergence d’une société civile responsable… En tant que jeunes, nous nous sommes aussi investis auprès du Haut Conseil de la Jeunesse dans une étude socio économique sur les facteurs qui ont aidé à la réussite des lauréats du baccalauréat 2016. Une telle entreprise vise à élargir la fourchette des admis à cet examen mais aussi à encourager l’excellence dans les rangs de notre jeunesse.
Avez-vous un rôle politique sur l’échiquier national ?
MMSA : je suis certes actrice de la société civile, mais je suis aussi une militante politique engagée. Immédiatement après mon retour de formation de la France en 2007, j’ai participé à la campagne présidentielle de 2009 au profit du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. J’ai aussi été de la campagne de 2014. J’ai participé à la rencontre entre les jeunes et le président de la République en 2014. Conseillère municipale de la commune de Tékane (Trarza), je suis membre de la Commission de la Jeunesse UPR et membre du « Mouvement des jeunes de l’Espoir ». Depuis 2009, je suis de toutes les campagnes politiques de l’UPR.
Vous avez un profil donc plutôt technique, technocrate, pourquoi intéressez vous à la politique ?
MMAS : Pour répondre à votre question, j’aimerais tout d’abord revenir un peu sur les bases pour comprendre ce que nous appelons chez nous « la politique ». Depuis quelques années le terme ou le concept politique n’a plus la même signification, nous avions toujours voulu « neutraliser les jeunes » et surtout les jeunes technocrates et leur dire « la vie publique ce n’est pas votre affaire ». Ce discours devient tout simplement obsolète, si la politique est l’engagement du « jeune » ou de « l’intellectuel » en général pour l’intérêt de son pays, pour sa communauté, pour ses compatriotes, oui je suis tout à fait engagée dans ce sens.
C’est pour ces raisons que j’ai intégré le courant du «changement constructif » depuis son lancement, j’en crois à fond, et je pense que la jeunesse mauritanienne a toutes les qualités nécessaires pour créer de « la valeur ajoutée » sur la scène politique.
Vous avez cité le « changement constructif », mais nous avons tous entendu des tractations au niveau de la Commission Nationale de la Jeunesse du parti UPR auquel vous adhérez, pensez vous pas que ces problèmes qui deviennent récurrents au sein des formations politiques dirigées par les jeunes « exemple, le sursaut… » polluent l’image de place de la jeunesse sur la scène politique ?
MMAS : De mon point de vue, les problèmes sont toujours présents et dans toutes les formations politiques, mais du fait que l’expérience des jeunes est relativement nouvelle on est plus exposées. Pour moi ce genre d’événement fait parti du quotidien de la vie politique, on en voit tous les jours dans les démocraties les plus matures comme la France actuellement et c’est un indice positif. Au moins pour les jeunes on voit moins souvent ce que nous appelons « Terhal » politique mais plutôt un attachement et une fidélité à leurs formations d’origines et c’est quelque chose à saluer. Maintenant effectivement il faudra gérer le mécontentement à temps avant que ça déborde.
Comment voyez-vous la situation sociopolitique du pays ?
MMSA : Je pense qu’un service public équitable, accessible et rendu dans des conditions de respect, de transparence et d’éthique, reste une bonne réponse à nos défis sociopolitiques, sans laquelle il n’y aura pas d’unité nationale ni de développement durable ; car avec une telle assurance, on élimine tout sentiment de créer des rentes au profit d’une minorité et au détriment de l’intérêt général. Il y a quelques années nous n’avions pas d’infrastructures modernes, ni d’établissements éducatifs efficaces, ni d’hôpitaux à la hauteur, pas même d’état civil viable. Aujourd’hui notre pays abrite un service varié (écoles d’excellence pour les plus pauvres, hôpitaux de proximité, état civil biométrique, sécurité alimentaire), qui constitue le pilier principal de l’unité sociale.
Que pensez-vous du bilan du président de la République ?
MMSA : je pense que le Président de la république s’est engagé un premier temps dans une politique de transparence dans tout les domaines, cette transparence s’est traduite par le climat de liberté de presse inédit dans le monde arabe, par la transparence financière à travers la publication des comptes nationaux et des chiffres de grandes société minières ou autres. Grâce à cette politique de transparence, on a pu développer les infrastructures de base, assainir la gestion des fonds publics, réhabiliter l’administration, renforcer les forces armées nationales, assurer la paix aux frontières. Cependant, force est de reconnaitre que les problèmes d’efficience de l’administration, qui sont liés au manque des ressources humaines qualifiées, persistent et doivent être surmontés, mais il faut reconnaitre que Son Excellence M. Le Président a mis la Mauritanie sur les bonnes marches.
Vous êtes aussi une mère de famille ? n’est-ce pas ? Que diriez-vous aux mères professionnelles ?
MMAS : Trouver le juste compromis entre la vie professionnelle de la femme et ses responsabilités familiales représente certes les premiers défis de l’émancipation de la femme aujourd’hui. A mon avis il est important pour la femme de pouvoir profiter des valeurs et des coutumes de notre société au bénéfice de son projet professionnel, la solidarité familiale reste une des valeurs la plus noble de notre société, la femme doit s’appuyer sur sa famille et son entourage pour avancer. Cela nous permettra de créer notre propre modèle de « la femme dirigeante ».
Bien sur elle doit pouvoir assurer pleinement ses responsabilités familiales, mais je suis contre l’idée d’importation du modèle « dit occidental » qui consiste à couper les liens et éliminer cette solidarité sociale bénéfique pour toutes les parties.
Un dernier mot ?
MMAS : Ce que je veux dire aux jeunes et à moi-même tout d’abord, c’est qu’il faut participer, ne restez pas à la maison en attente du boulot, il faut sortir, participer dans la vie active de votre pays, dans les activités politiques, la société civile, les activités culturelles… Tout dernièrement, j’ai rencontré des jeunes diplômés qui sont en chômage actuellement mais ils essayent de concevoir des projets innovant et ils luttent pour en obtenir le financement. C’est l’exemple idéal pour le jeune : Ne jamais baisser les bras.
Propos recueillis par JOB
Source : L’Authentique (Mauritanie)