Le Collectif de défense des dirigeants de l’Association IRA

Le Collectif de défense des dirigeants de l’Association IRAPlusieurs chancelleries et organismes internationaux ( dont des organisations de défense de droits de l’homme) que le parquet qualifie vaguement de « certaines parties »,

ont exprimé leur désapprobation du jugement rendu le 18/08/2016 par la Cour criminelle de Nouakchott condamnant à des peines particulièrement sévères nos clients, membres de la Direction d’IRA – Mauritanie ; cette décision étant entachée de manifestes irrégularités et entorses graves au droit de tout homme à un procès équitable et juste.


En réponse à ces réactions extérieures, le Parquet général a cru devoir publier un communiqué dans lequel, il s’est en particulier montré peu avenant à l’encontre de notre Collectif, l’accusant pèle mêle de mauvaise foi, d’atermoiement, qualifiant leur retrait de la salle d’audience de simple esquive du débat contradictoire. En conséquence, le collectif tient à faire part des éléments de fait et de droit ci-après :

1- les motifs qui ont conduit à l’usage démesuré de la puissance publique pour faire déguerpir avec une telle violence les occupants des terrains en question méritent bien d’être explicités. En tout état de cause ce déploiement de la force ne se faisait pas pour prêter main forte à l’exécution d’une décision judiciaire définitive ; son but n’était pas non plus l’évacuation de terrains affectés à un usage d’intérêt public de leurs occupants illégitimes.

Dans une procédure où l’accusation porte sur l’agression d’agents de la force publique dans l’exercice de leur mission, le Parquet aurait dû, dans un débat contradictoire, expliquer les véritables raisons d’un tel déploiement de la force publique. Rien ne fut et la Cour n’a point soulevé cette question pourtant déterminante.

2- Le Parquet a saisi la Cour Criminelle de cette affaire sur la base d’une procédure spéciale, celle du flagrant délit où la charge de la preuve est quasi renversée et qui, comme son nom l’indique, n’est envisageable que dans des cas où l’imputabilité du crime à l’accusé ou au prévenu est quasi certaine : si notamment la personne soupçonnée se trouve au moment de la commission des faits sur les lieux du crime ; porte sur elle les preuves de son forfait ou a été l’objet de la clameur publique. Or, telle n’est point la situation de nos clients qui furent appréhendés chez eux ou dans leurs lieux de travail.

Certains n’étaient même pas présents à Nouakchott lors des faits en cause. Lorsque la défense a soulevé la nullité de la procédure en invoquant l’impossibilité matérielle du flagrant délit dans de telles circonstances, la Cour décida de joindre l’examen de cette exception au fond du dossier. Il n’a nullement échappé à la défense que la juridiction rejette ainsi nécessairement ce moyen ; cette décision heurtait le bon sens et l’esprit de la loi mais, pour assurer la continuité du procès et garantir un minimum de crédit au service public judiciaire, le Collectif de défense s’est abstenu de faire la moindre protestation publique à son encontre.

3- La défense a aussi soulevé les vices de forme et de fond qui ont entaché gravement l’instruction préliminaire. N’était-il pas en effet plus conforme au droit de confier, pour en garantir l’impartialité et l’indépendance, l’enquête préliminaire à un corps ou à une force de l’Etat – Gendarmerie ou un Groupement mixte de gendarmes et de policiers -, non impliquée dans la confrontation qui a eu lieu lors de l’évacuation forcée des lieux. En tout état de cause , ces procès verbaux sont imputés à des personnes publiques territorialement non compétentes ( officiers de polices judiciaires d’autres Moughataa de Nouakchott) ; ils comportaient de graves contradictions de date et ne portaient même pas la signature de leurs auteurs supposés. Paradoxalement, la Cour n’a voulu ni les invalider ni les écarter des débats décidant encore une fois de joindre cette exception au fond.

4- Le tribunal a aussi sciemment ignoré les plaintes introduites devant lui par les accusés contre les actes précis de torture et mauvais traitements punitifs dont ils furent victimes durant leur garde à vue par des personnes bien identifiées ; et dont les traces sont encore visibles sur leurs corps. Ces pratiques sont pourtant contraires au droit national, aux conventions internationales, aux préceptes de l’Islam et à la morale qui prohibent la torture, considèrent nuls les aveux extorqués par la violence et font obligation à toute autorité judiciaire de poursuivre les auteurs de tels abominables crimes. Devant l’évidence des faits et dans un embarras manifeste, la Cour s’est tout simplement déclarée incompétente pour examiner cette plainte .Pourtant elle a au regard de la loi une plénitude de juridiction !

5- Avec l’autorisation hésitante de la Cour, le Parquet a décidé de passer outre l’article 278 du code de procédure pénale qui interdit tout emploi d’appareil d’enregistrement , de diffusion sonore , de caméras , de télévision ……ou d’appareils d’enregistrement dans la salle d’audience en diffusant dans la salle une vidéo faites dans des conditions opaques . Même les tribunaux militaires d’exception, qui se déroulaient à l’intérieur des casernes observaient, il y a plus de trente ans, à l’avantage des prévenus , cette disposition de la loi que paradoxalement le Parquet d’une juridiction civile , de droit commun , non seulement transgresse de nos jours mais organise aussi en sourdine la diffusion de ces soi-disant moyens de preuve qu’il est pourtant censé garder pour le seul usage judiciaire. Sans vouloir engager avec le Parquet un débat juridique par communiqués interposés, l’article 386 qu’il invoque ne lui est d’aucun secours en la matière, tant sont claires ses dispositions.

6-Dès le prononcé du jugement de la Cour Criminelle, le Parquet a introduit une demande auprès de la cour Suprême pour faire dessaisir la Cour d’appel de Nouakchott du dossier et le faire transférer à celle de Nouadhibou. Par cet acte, le Parquet ne cherche-t-il pas à soustraire nos clients de leur juge naturel ?

Le Collectif de défense des dirigeants d’IRA a effectivement refusé de servir de simples figurants dans des assises qui ne répondent guère aux critères du procès équitable et juste. Sans accepter de s’impliquer dans le débat politique et les joutes des acteurs politiques partisanes, le Collectif entend assumer sereinement sa mission et ses responsabilités jusqu’au recouvrement, par ses clients, de leurs droits à un procès équitable et juste , droits dont ils ont été indéniablement privés devant la Cour Criminelle de la Wilaya de Nouakchott Ouest.

Nouakchott, le 31 /08/2016 

Source : Collectif de défense des dirrigeants