L’Editorial du Calame : Basta de l’autocratie et du tieb-tieb !

L'Editorial du Calame : Basta de l’autocratie et du tieb-tieb !

Le discours« historique » de Néma n’arrête pas de susciter des vagues.

Intervenant dans un contexte difficile, marqué, notamment, par la sortie, très médiatisée, du rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains, pour qui nous sommes assis sur une poudrière, et celle de l’institut américain Startfor (une CIA de l’ombre) qui n’exclut pas la possibilité d’un énième coup d’Etat dans le pays, cette sortie présidentielle était censée réconforter et apaiser.

Elle s’est surtout appliquée à mettre de l’huile sur le feu. En flétrissant l’opposition, ramassis de « menteurs et de gabegistes » ; le Sénat, frein, inutile et coûteux, à la législation ; et en épinglant une certaine communauté qui « fait trop d’enfants », selon lui.

Autisme politique, sécheresse des idées, bricolage… Et la campagne d’ « explications », menée, tambour battant, par l’UPR dont les responsables ont subitement découvert – autrement dit : beaucoup trop hâtivement – les vertus de la communication, n’aura, hélas, qu’un peu plus embrouillé les choses et amplifié la levée, sans précédent, de boucliers.

L’opposition fustige une attitude haineuse. Biram, frais émoulu de prison, qui n’a rien perdu de sa verve, s’en prend au Président avec des propos peu amènes. Même les sénateurs, que les exégètes du discours présidentiel, n’ont pas ratés, s’offusquent, violemment, d’être ainsi vilipendés à moindre frais. Ils refusent de recevoir pas de moins de deux ministres et de répondre à une convocation de leur parti, l’UPR.

Voués à disparaitre et n’ayant donc rien à perdre, les papys font de la résistance. L’un d’eux s’est même permis une sortie qui ne manque pas de courage. Pour lui, Ould Abdel Aziz doit être traduit devant la haute Cour de Justice, ni plus ni moins. Celle que préside toujours Sidi Mohamed ould Maham et qui allait juger l’ancien président Sidioca ? Utile rappel.

« Qui creuse un puits pour son prochain », dit le dicton, « risque fort de s’y retrouver ». Version arabe de l’arroseur arrosé français. Que reproche notre vaillant sénateur à notre guide éclairé ? De s’être attaqué à une institution constitutionnelle et d’être intervenu dans le pouvoir législatif ? Comme si, dans notre démocratie militaire, la séparation des pouvoirs n’ait jamais été, un seul instant, réelle ou tant soit peu respecté, le texte fondamental de notre république.

Que fit, de cette Constitution, en 2008, celui-là même qui s’attaque présentement au Sénat ? Ne la foula-t-il pas, tout simplement, du pied, en renversant un président élu ? Serait-il plus grave de médire le Sénat que de fomenter un coup d’Etat ? Bref, tout le monde s’affole.

Alors que les limites de l’à-peu-près et de l’opportunisme, tant dans la conduite de l’Etat qu’en celle des affaires privées, craquent de partout, c’est pourtant de sang-froid et de compétences, réelles, cette fois, que la Mauritanie a plus que jamais, besoin. Et non pas d’un seul homme mais bel et bien d’équipes cohérentes, appliquées à des buts clairs et accessibles. Méthodiquement. Notre société et ses conditions de vie sont devenues complexes. Le deviendront encore plus. Cela implique des choix politiques. A l’opposé de l’autocratie et du tieb-tieb.

Ahmed Ould Cheikh 

Source : Le Calame (Mauritanie)