Oum Tounsi, un succès de la résistance

Oum Tounsi, un succès de la résistance

L’article de mon ami et frère le colonel Oumar ould Beibacar à propos de la bataille d’ Oum Tounsi appelle de ma part ces quelques remarques sans esprit polémique.

De prime abord je tiens à précise que comme beaucoup de mes concitoyens j’estime que le nouvel aéroport international de Nouakchott devait porter le nom du bâtisseur de la nation Mauritanienne, maitre Moctar Ould Daddah.

Sur ce point précis, je suis donc parfaitement d’accord avec le colonel. Là où nos points de vue divergent, c’est lorsqu’il veut renier à notre peuple sa farouche résistance à la pénétration Française et faire par ricochet une apologie de la pacification et de la colonisation aussi scandaleuse, qu’outrageuse.

Je voudrai à ce sujet faire les remarques suivantes :
PRIMO : Le plan d’expansion coloniale dénommé « la marche vers l’Est » et plus tard « la marche vers le nord » qui devait permettre à la France de conquérir notre territoire se heurta bel et bien à une résistance de toutes les régions et de toutes nos composantes. Cette résistance contre l’occupation coloniale fut aussi bien armée que culturelle. Elle débuta bien avant la conquête militaire de 1902 et pris fin en 1934.

SECONDO : Mobilisant les cheikhs, les marabouts et les musulmans au nom de la menace que le colonialisme représentait pour la religion, les mœurs , les coutumes et les traditions, le djihad qui inspira la résistance fut un sentiment diffus, selon l’expression de SALL à l’égard des infidèles. Nul ne conteste le fait avéré que la religion et le langage islamique ont été utilisés voire instrumentalisés pour se défaire de la domination des « infidèles » ou de nouveaux croisés. Elle fut incontestablement un puissant ressort dans cet élan patriotique et cette résistance multiforme mais elle fut aussi un puissant facteur de solidarité face à la domination coloniale.

Je note simplement ici que la résistance de la France lors de la deuxième guerre mondiale suscite aujourd’hui encore des débats et alimente des controverses. Qui et combien étaient les résistants ? Quelles étaient leurs motivations ? Quand et pourquoi se sont-ils engagés ?

On admet généralement que les motivations qui poussent les gens à résister sont diverses d’un individu à l’autre. Issus de tous les milieux, les résistants sont poussés par le patriotisme (compris dans le sens de la défense de la terre des aïeuls mais aussi des croyances) mais aussi par la haine envers les chrétiens ou des motivations plus personnelles.

TIERTIO : les Français ont eu le soutien de deux chefs religieux. D’abord CHEIKH SIDIA BABA qui, à la suite d’une réunie tenue avec Copolani le 2 Janvier 1902 àBoutilimitt prononça une fatwa dans laquelle il justifiait l’occupation de « bienfait d’ALLAH » et de CHEIKH TOURAD (frère de CHEIKH MELAININE).

QUARTO : Deux autres chefs religieux prendront de la résistance armée et pacifique, ce sont CHEIKH MELAINIONE et CHEIKH HAMAHOULLAH. Pour le premier qui choisira de combattre l’ennemi par les armes « Toute collaboration avec les occupants est une trahison de l’islam ». Pour le second qui n’avait d’autre arme que la spiritualité et la dignité « la présence des français sur cette terre d’islam est provisoire. Il ne faut donc pas se compromettre à leurs côtés ». Accepter que la religion joue un rôle déterminant dans la pacification et lui rejeter le droit d’être le catalyseur de la résistance me semble pour le moins injuste.

QUINTO : A cette époque les tribus étaient les seules entités organisées sur lesquelles on pouvait s’appuyer d’un côté comme de l’autre.

SEXTO : Ramener l’héroïque bataille d’OUM TOUNSI au niveau d’une simple guerre tribale me semble découler de la même logique qui veut rabaisser l’opération de TIDJIKJA (où copolani trouva la mort) à l’action isolée d’un illuminé. Ce n’est pas seulement un négationnisme de l’histoire nationale, c’est aussi et surtout une pente dangereuse vers la division. Je crois pouvoir affirmer que la bataille fut un fait d’armes par le nombre et la qualité de ses tués au nombre desquels figure le lieutenant MAC MAHON, petit neveu d’un maréchal deFrance.

J’ajoute que tous les auteurs (français comme nationaux) sont unanimes quant à la courageuse résistance du peuple Mauritanien au colonisateur. Son aspect culturel est à lui tout seul amplement révélateur. Je citerai Pierre Bonte qui écrivait dans l’émirat de l’Adrar Mauritanien : « la pénétration et la colonisation a rencontré en Mauritanie, comme sous d’autres cieux des résistances nombreuses et variées. Il ne fait aucun doute que les communautés villageoises de la vallée et les tribus ont manifesté leur opposition par des révoltes et des refus de toutes sortes. Ils s’opposèrent de leur propre chef afin de défendre la terre des aïeux et sauvegarder leur religion, leur liberté et leur indépendance » fin de citation.

Dois-je préciser à titre indicatif que de mars à octobre 1908, plus de cent attaques ont été perpétrées contre les troupes françaises.

SEPTIMO : A propos de la base de départ je crois devoir rappeler que la résistance peut et est même souvent organisée à partir d’un pays étranger, souvent limitrophe. Quant au choix tactique des résistants, il semble très pertinent compte tenu de la situation du terrain et de la faiblesse des possibilités de l’ennemi.

OCTAVO : Notre pays n’a certainement pas arraché l’indépendance par les armes. Cela ne diminue cependant en rien le mérite de sa lutte glorieuse. Enfin, on peut signaler à cet égard qu’il a été le deuxième territoire après la Guinée à dire NON au referendum de 1958.

NONO : RAPPEL : C’est ici le lieu et l’occasion de rappeler qu’il est temps pour nous de mobiliser toutes nos énergies, toutes nos institutions, tous nos médias (publics comme privés) pour réunir les matériaux indispensables à la réécriture de notre histoire nationale et donc de la vaillante résistance de notre peuple car l’histoire est le pilier des civilisations et des sociétés.

CAPITAINE (E/R) LEYTOU OULD SAID

TINTANE LE 27 JANVIER 2016

Source : L’Authentique (Mauritanie)