Monsieur le Président, notre ONG, qui intervient dans le domaine de la lutte contre les séquelles de l’esclavage, la vulgarisation et la protection des droits de l’homme a entrepris en 2014-2015 des visites d’information sur le terrain dans les wilayas de Nouakchott ou il a était constaté des centaines d’enfants essentiellement descendants d’esclaves des deux sexes qui ne connaissent pas le chemin de l’école pour la seul cause qu’ils constituent les principaux supports de leurs vulnérables familles.
Monsieur le Président, Comme vous le savez la pauvreté, l’ignorance, et l’injustice sociale, constituent la menace la plus sérieuse à la cohésion sociale. Ce sont des sources qui alimentent indéniablement toutes sortes de dérives, de comportements et agissements contraires à la paix sociale et à la morale.
En Mauritanie le clientélisme, l’impunité et l’injustice sociale empêchent les couches sociales les plus affectées de bénéficier de leurs droits à l’égalité devant la justice, leurs droits à l’état civil, leurs droits à l’éducation, leurs droits à la santé, leurs droits à une protection sociale, leurs droits à un travail décent, leurs droits à l’accès à l’information et à la formation.
Certes, la Mauritanie a ratifié la majorité des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, tout comme elle a érigé plusieurs lois et dispositions pour la protection des personnes et la lutte contre les pratiques de l’esclavage.
Mais en matière d’exécution, elle reste contradictoire par rapport à ses engagements devant la communauté internationale et devant l’opinion nationale.
En fait, aucune mesure sérieuse n’est prise pour réformer et vulgariser le changement du statut social des anciens esclaves, ni de pallier à la discrimination à l’égard des descendants d’esclaves.
Les personnes ‘’affranchies’’ continuent d’être victimes de discrimination fondée sur le statut social, devant la loi, sur leur lieu de travail et dans leur vie de tous les jours, discrimination héritée d’une société esclavagiste à stratification sociale profonde, une société sclérose et réfractaire à toute évolution vers le respect des normes et des droits.
Cette injustice criante trouve toute son explication si seulement on se réfère aux trois réalités suivantes :
– Depuis la reforme de l’état civil, plus de quatre cent milles(400.000) enfants descendants d’esclaves ont abandonné l’école avant l’entrée en sixième parce qu’ils n’arrivent pas à bénéficier de ce droit pourtant fondamental tous simplement parce qu’ils n’ont pas accès a leur droit a l’état civil
– Des centaines voire des milliers de femmes esclaves meurent chaque année suite à la malnutrition et aux manque d’accès aux soins ;
– Des milliers de personnes majoritairement issues de cette composante sont sans emploi ou perdent leur travail tous les jours sans qu’aucune mesure compensatrice ne soit envisagée.
Bien que toute victime de telles atteintes a droit à des réparations, l’attitude de déni et d’impunité qui prévaut au plus haut niveau des institutions de l’État de‘’droit’’, devant l’administration, dans les tribunaux et dans la structure de la hiérarchie tribale permet à la fois de masquer la situation réelle et de perpétuer le système qui tire profit de la misère des populations victimes d’esclavage et ou en situation d’exploitation.
Quelque soit la volonté affichée par l’état, la persistance du système de fait dans la domination économique et sociopolitique continue à encourager la division entre les citoyens mauritaniens.
Ce système féodal et esclavagiste qui détient l’essentiel des pouvoirs pouvait à ce titre faire évoluer la situation, mais au contraire, il ne fait que maintenir les pratiques discriminatoires, essentiellement dans le but de protéger ses propres intérêts.
Cette situation est embarrassante, et peut dégénérer un climat dangereux où la haine, le racisme et l’intolérance prendront place et constitueront ainsi une menace permanente pour la cohésion sociale, la paix civile et la stabilité politique dans notre pays.
Monsieur le Président,
Est-il possible d’imaginer l’égalité dans un état tribaliste, quand la citoyenneté n’a pas de place et l’appartenance à la Mauritanie est mesurée par des paramètres préréglés qui réfutent tous ceux et toutes celles qui ne s’alignent pas sur des considérations révolues par les textes et la civilisation ?
N’est il pas temps de voir la réalité en face et procéder de manière réelle et volontariste à faire de notre pays un état de droit où règnent l’égalité et la justice ?
Ne devrons nous pas démentir l’adage qui dit «on peut tromper quelqu’un un jour, on peut tromper quelques gens quelques jours, mais on ne peut pas tromper le monde tous les jours » ?
Pour ce faire, nous pensons que la question de l’esclavage doit faire un consensus autour d’elle, au lieu de nous divisés elle doit nous unir. Nous devrions l’éloigner de toute polémique et ne pas la laisser comme source permanente de déstabilisation d’un tissu social qui devient de plus en plus fragile.
Monsieur le Président,
Sans la vulgarisation et la sensibilisation sur les instruments de protection contre les inégalités sociales surtout l’arsenal juridique criminalisant l’esclavage, les victimes du système de castes imposées par la composition tribale et les acteurs communautaires constitueront toujours un handicap majeur dans la lutte pour un changement significatif des comportements et des mentalités.
Comme déjà souligné, nous estimons que l’arsenal juridique anti esclavage piétine du fait d’un ensemble de paramètres qui peuvent être dépassé avec un peu de réalisme mais surtout de bonne volonté. Loin de toute démagogie la question économique doit être incontestablement une priorité.
Ainsi, nous préconisons au gouvernement s’il doit envisager une politique pour éradiquer définitivement les pratiques esclavagistes et les actes discriminatoires de procéder de manière à :
1. Élaborer des politiques visant l’intégration réelle des victimes partant de leurs réalités vécues ;
2. Appliquer à la lettre cette discrimination positive tant chantée et ce à tous les niveaux particulièrement la promotion des cadres de cette composante qui font légion par leur sérieux et dévouement, mais aussi par leur marginalisation.
3. Associer et écouter les ONGs de droits de l’homme traitant de la question de l’esclavage ;
4. Rendre, obligatoire et de qualité l’éducation dans les écoles publiques qui essentiellement fréquentées par les enfants vulnérables et descendants d’esclaves.
5. Vulgariser et appliquer scrupuleusement la législation anti esclavage.
6. Faciliter l’accès aux pièces de l’état civil de manière à permettre aux enfants descendants d’esclaves de continuer leur scolarité dignement.
7. Favoriser l’accessibilité aux prestations sanitaires de qualité.
8. Permettre un accès aux sources de revenus par la promotion d’une politique d’emploi, mais surtout à travers des emplois sûrs et décents.
9. Promouvoir une protection sociale qui atteigne plus particulièrement les groupes de personnes cibles, dont les femmes et les enfants.
10. Lutter contre le travail des enfants par la mise en place d’un système de sécurité sociale adapté, de manière à empêcher la mauvaise traite des enfants.
Cette action de grande envergure contribuera sans nul doute à créer une dynamique de résolution pacifique des conflits engendrés par les inégalités sociales.
Monsieur le Président,
Vous l’avez toujours dit, la Mauritanie a besoin de tous ses fils, conjuguons ensemble l’effort plutôt les efforts pour sa renaissance. Nous ne voudrions surtout pas être pessimistes, mais plutôt être vigilants et préventifs, pour attirer votre attention au moindre constat, en notre qualité d’hommes de terrains assez avertis.
Mr. Sidiya Ould Ahemdi Président
De L’ONG
Anciens Esclaves Nouveaux Citoyens
Source : ONG AENC