Mauritanie : l’or rit jaune

Mauritanie : l’or rit jaune

Entre des prix de l’once en baisse et des coûts de production particulièrement élevés, le Canadien Kinross est contraint de réduire la voilure à Tasiast, le principal gisement du pays. 

Alors que le gouvernement mauritanien comptait sur l’or pour sortir de sa dépendance vis-à-vis du fer, Tasiast, la principale mine aurifère du pays, est en mauvaise posture. Depuis le début de l’année, son propriétaire, le canadien Kinross (cinquième producteur mondial de métal jaune et déficitaire depuis 2011), a annoncé une série de décisions visant à réduire la voilure du projet, situé à 280 km au nord-est de Nouakchott.

Racheté par Kinross à son compatriote Red Back Mining en 2010, peu après sa mise en exploitation, le gisement était pourtant parvenu progressivement à atteindre une cadence soutenue, avec une production passant de 57 000 à 260 000 onces (de 1 616 à 7 371 kg) de 2010 à 2014.

Mais, touché par la chute du cours de l’or (qui accuse une baisse de 30 % actuellement par rapport à son niveau le plus haut, début 2012), Kinross a annoncé en février le report sine die de l’extension du projet, qui prévoyait la construction d’une nouvelle usine capable de traiter 38 000 tonnes de minerai, contre 8 000 tonnes aujourd’hui. En juillet, il a par ailleurs indiqué l’ouverture de négociations avec les délégués du personnel en vue d’une réduction de ses effectifs et du licenciement envisagé de 200 à 250 personnes sur les quelque 1 200 salariés que le groupe emploie en Mauritanie (à Tasiast et dans ses bureaux de Nouakchott).

Coût d’exploitation élevés

Selon la direction régionale du groupe pour l’Afrique, installée à Las Palmas, auxCanaries, ces décisions découlent des coûts d’exploitation excessifs de la mine de Tasiast. « En 2014, ils étaient les plus élevés de toutes les implantations de Kinross, qui est également présent au Ghana, en Russie, aux États-Unis, au Chiliet au Brésil, explique Raphaël Sourt, le porte-parole régional du groupe. Au deuxième trimestre de l’année 2015, hors frais financiers et d’administration, la production d’une once d’or sur le site mauritanien coûtait 1 063 dollars (944 euros), un niveau non rentable avec des cours de l’or autour de 1 120 dollars l’once, comme c’est le cas actuellement. À titre de comparaison, pour la mine ghanéenne de Chirano [qui a produit 289 000 onces en 2014], le coût de production est de 585 dollars l’once. »

Selon la compagnie, les coûts d’exploitation élevés à Tasiast s’expliquent par l’isolement de la mine, en plein désert, qui entraîne une logistique complexe, onéreuse, ainsi que l’installation d’une base vie. Elle tient aussi au vieillissement du site, puisque, désormais, l’extraction ne se fait plus en surface mais en profondeur, avec des teneurs en or moins élevées. « Dans ces conditions, les investissements nécessaires à l’extension de la mine, d’un montant de 1,6 milliard de dollars sur trois ans, étaient trop risqués par rapport à un bénéfice incertain et à la difficulté à lever des fonds auprès des banques », souligneRaphaël Sourt.

Ralentir la cadence

Cette année, Kinross va donc ralentir les cadences (en Afrique, le groupe prévoit une baisse de 20 % de sa production en 2015) et continuer la chasse aux coûts. Au-delà des licenciements de ses salariés, la compagnie canadienne devrait aussi mettre la pression sur ses sous-traitants, qui, comme lui, emploient environ 1 200 travailleurs.

Si le groupe apprécie « la stabilité de la réglementation minière précise en place, respectée à la lettre par le gouvernement », les licenciements annoncés pourraient affecter ses relations avec les autorités, jusqu’à présent « positives », selon Kinross. Les réductions de personnel ont « surpris fortement » le ministère mauritanien des Mines, contacté par Jeune Afrique« Nous devrons vérifier que les licenciements ne surviennent qu’en dernier recours, après toutes les autres mesures de réduction des coûts », prévient Cheikh Zamel, directeur du cadastre minier et de la géologie, inquiet d’un éventuel conflit social.

Christophe Le Bec

Source : Jeune Afrique