« Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé »(B.Pascal).
Si le colonel Oumar Ould Beibacar avait été laissé à la tête de l’Inspection des Forces Armées, ou si l’on avait prolongé son service militaire de deux ans au moins, ou enfin lui avoir accordé le grade de général, les circonstances de son parcours auraient peut-être changé le destin de notre sympathique officier.
Dès lors nous n’en serions pas là à l’instant même en train de commenter les sorties souvent inopportunes d’un soldat somme toute de valeur. Dans la vie, il arrive que certains hommes puissent faire et défaire les circonstances liées à leurs parcours en vue de les mettre, voire les soumettre au diapason de leur vouloir.
Très souvent les circonstances prennent le dessus et poussent d’autres hommes même de qualité à des postures vindicatives dont le bénéfice du gain est certes immédiat, cependant versatile.
Pour ceux qui l’ont connu, nul ne peut mettre en doute les valeurs humanistes: d’altruisme, de sincérité du colonel Oumar Ould Beibacar, après 35 années de service passées à la Garde Nationale. Il constituait à lui seul, juste après les bienfaits de « la caisse du garde » (une sorte d’épargne), un « bureau social »s’occupant avec volontarisme des divers problèmes de tous les petits gradés de son institution. On ne peut pas douter non plus de la sincérité du colonel lorsqu’il a agi de façon humaniste ou simplement humaine auprès des prisonniers négro-mauritaniens à Walata.
Car il avait toute la latitude de pouvoir faire le contraire en déshumanisant, s’il le voulait les mêmes prisonniers comme certains de ses frères d’armes; son parent et beau-frère le colonel Jibril Ould Abdallahi étant le tout-puissant ministre de l’intérieur, autrement numéro 2 du régime de Maawiya. Si l’on dit communément que les « héros finissent mal », peut être que le nôtre vient tout juste d’entamer ses lettres de créance du 3ème âge …en tirant aussitôt une rafale de trois articles qui n’ont laissé aucun mauritanien indifférent de Gouraye à Ain Bentili. Ensuite il y a eu le coup par coup d’abord sur les haratines, suivis probablement des Soninkés et des Bambaras, pourvu qu’il n’y ait pas de jaloux.
D’ailleurs, ne fallait-il pas commencer par les Haratines, cette frange rabougrie par des siècles d’injustice et d’intolérance? Sérieusement parlant, que faut-il retenir de cette sortie abracadabrantesque (ce néologisme est de J. Chirac) du colonel Oumar qui a remis le bistouri sur des plaies qu’on croyait longtemps cicatrisées?
La guerre du sahara, sa légitimité, ses horreurs, ses erreurs, la bataille d’Oum Tounsi, seront interprétées selon qu’on soit au nord ou au sud de Nouadhibou. Cette seule lecture suffit à ôter à l’Histoire sa prétention de science exacte parce qu’elle est….objectivement…. subjective. Si on peut discuter de la légitimité ou non de la guerre du Sahara, la bataille d’Oum Tounsi quant à elle, présente un autre caractère. Des tirailleurs mauritaniens et sénégalais à la solde du colon ont été combattus par des fils du pays, soient-ils venus de Kaédi ou de Ouad Noun!
En 1932 il n’ y avait ni Mauritanie, ni Maroc, ni Mali; tous étaient sous le joug colonial français. Il y avait les résistants qui luttaient contre les pacificateurs français aidés souvent par les « zouaves » qu’ils ont pu retourner contre leurs frères de la bonne cause. Toute autre interprétation n’est que manipulation de l’Histoire qui ne sert ni Oumar ni les adversaires de Oumar…Si l’Histoire est le« récit des événements du passé« , elle engendre aussi la préparation du futur, parfois de manière dangereuse, en « enivrant les peuples, en exagérant leurs réflexes, en entretenant leurs vieilles plaies .. » selon l’expression de Paul Valéry. Personnellement l’objectivité de l’Histoire ne me préoccupe plus. Car j’ai vécu des événements de mes propres yeux pourtant qui sont interprétés de façon différente par mes contemporains, soit par mauvaise foi, soit par alibi partisan.
Quant à l’apologie des FLAM, elle nous autorise de douter du professionnalisme et de la rigueur morale de notre Robin des Bois qui n’a pas su faire la distinction entre un esprit de résistance et un état permanent de nuisance. La seule entité à laquelle on devrait prêter attention, de par son histoire tourmentée, de par son standing socio-économique moribond, constamment au rabais, ce sont bien les Haratines. Les beidanes et autres négro-mauritaniens sont les enfants gâtés de la république, de l’indépendance à nos jours.
A cet effet, encourager des mouvements exclusivistes, totalitaires comme les flam est irresponsable et contre-productif pour celui qui se présente comme un patriote aimant son pays, ayant le souci de l’unité nationale dans sa diversité. On peut ne pas être d’accord avec sa hiérarchie militaire et éviter de remuer les plaies de l’histoire, ou de vouloir dresser les mauritaniens, toutes tendances confondues les uns contre les autres. On ne peut pas accepter aux FLAM ce qu’on refuse à Biram. La raison doit venir au bout de la passion, mon très cher colonel….
Le colonel Oumar a toujours dit ce qu’il voulait même pendant qu’il était soumis au devoir de réserve. Ceci lui a valu beaucoup d’inimitiés, mais également autant d’admirateurs. En abordant des sujets sensibles ou fâcheux, la balance pourrait pencher du côté des premiers.Va- t-il économiser son temps de parole afin de se concentrer sur l’essentiel ? Le cas du colonel me rappelle la légende du lion qui terrorisait un lointain campement mauritanien.
Ordre a été donné à un volontaire de l’abattre. Notre matamore, fusil à la main s’est jonché sur un arbre en attente de la bête féroce. Arrivé sous l’arbre, le lion entendit un craquement de branche et releva la tête. Son regard bestial rencontra celui du « tueur » qui lâcha aussitôt le fusil dont la bretelle est restée suspendue au cou du lion, qui s’en alla. L’homme accouru vers le campement et les gens questionnaient: as-tu tué le lion, as-tu tué le lion?
Non, que non lâcha-t-il et d’ailleurs ce n’est plus un lion seul, il a désormais un fusil..Comme Oumar qui, depuis 35 ans ne pouvait que parler dans un milieu restreint. Et dire qu’aujourd’hui il a la possibilité d’écrire à volonté…..
Ely Ould Krombelé,Paris