Pour réussir notre condition humaine

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« La condition humaine », roman célèbre d’André Malraux sur le conditionnement du destin de l’homme.
Aujourd’hui, un événement presque anodin remet en cause brutalement le destin de notre pays. Il s’agit de la grève générale décidée par les syndicats de l’enseignement privé sur tout le territoire national.
Jusqu’en 1985 l’école publiqueaccueillait tous les enfants sans aucune discriminationraciale ou sociale. C’était une tradition en vigueur depuis l’époque coloniale. À l’époque la scolarisation fut un privilège pour un pourcentage grandissant d’enfants en âge de scolarité. L’état prend tout en charge: les enseignants, les fournitures scolaires, les frais de santé et même l’alimentation à travers de nombreux internats et cantines scolaires.
Je me rappelle qu’en octobre 1972 j’étais accueilli dans une classe de seconde C au Lycée National réservée aux enfants des français rapatriés dans notre pays. On était 5 nationaux sur plus d’une trentaine. Il n’existait pas encore d’école française à l’ambassade de France.
En 1985, suite au fameux putsch du 12/12/84, la Banque Mondiale imposa l’introduction d’un enseignement privé dans notre système éducatif. Rapidement il fera tâche d’huile. Les internats et les cantines scolaires sont fermés et les écoles publiques se transformèrent en poulaillers pour enfants de pauvres, principalement issus des milieux haratine.
Depuis lors, l’école cessa d’être un privilège commun pour devenir un calvaire pour tous. Même les plus riches peinent à subvenir aux dépenses montant constamment en exponentielle de leurs enfants. D’ailleurs le phénomène de la corruption et de la dilapidation des biens publics connut une expansion sans précédent. Les familles sont assaillies par des dépenses scolaires explosives. Souvent les frais scolaires d’un seul enfant, notamment à l’école privée, dépassent largement le salaire d’un fonctionnaire ou employé moyen.
Encore, depuis, le retour à l’école publique devient une persistante revendication.
Il y’a trois ans la décision d’effectuer un retour expérimental à l’école publique dans le cycle primaire, sous le nom d’école républicaine, fut généralement bien accueillie. Cette décision nourrit depuis une inquiétude grandissante chez les propriétaires d’écoles privées notamment chez ceux qui y avaient assez investi de moyens.
Au moment où notre sous-région est balayée par un puissant courant de décolonisation, notamment du système scolaire, les promoteurs privés se cramponnent à l’école française, l’école coloniale et rejettent en bloc tout système d’enseignement basé sur nos langues et cultures nationales. En connivence avec les cercles francophonistes, ils en font leur principale revendication. Tachons de leur barrer la route!
La grève d’aujourd’hui initiée par les patrons de l’école privée constitue en fait un bras de fer avec l’état mauritanien, l’initiateur de l’introduction de l’école républicaine. Dans ce bras de fer l’avenir de notre pays s’y joue pleinement. En fait l’avenir de chaque pays est déterminé par la qualité et le succès de son école. À ma connaissance aucun pays au monde n’a réussi ce pari en se basant sur des résidus de matériaux culturels étrangers.
Entre le 12/12/1984 et le 12/12/2024, quatre décennies intégrales sont en voie de s’écouler. Le sort de l’école républicaine est aujourd’hui déterminé par le bras de fer qui s’engage avec l’école privée. Espérons que notre administration évite de la mollesse devant une situation nécessitant de l’audace et de la fermeté. C’est l’unique condition de garantir le plein succès de notre propre condition humaine.
Chedad Elmoctar
Noubghouha M Haba: ex-ministre d’enseignement exemplaire en audace et en fermeté