La naissance de la TVM
Dans les années 1980 en matière de media, la radio demeurait le principal vecteur d’informations. La télévision de Mauritanie (TVM) débutera ses programmes expérimentaux dans la première moitié des années 80. La France avait proposé à la Mauritanie de lui installer le matériel de sa vieille télévision « noir-blanc » datant des années d’après-guerre. Ce que la Mauritanie avait royalement refusé. Ce sera à l’aide de l’Irak de Saddam Hussein d’offrir généreusement à la Mauritanie le montage entier d’une télévision en couleurs après la formation accélérée de son personnel en Irak. En ce moment précisément, presque tous les observateurs s’accordaient à dire que l’Irak de Saddam Hussein avait la haute main sur la Mauritanie. C’était le début du règne de Maaouiya. On racontait à l’époque que Rouveyi, l’ambassadeur irakien en Mauritanie, avait la capacité d’annuler des décisions du conseil des ministres qui ne lui plaisaient pas.
Nos premiers spectateurs TV
Auparavant, quelques privilégiés étaient branchés sur la télévision du Sénégal (RTS), souvent à l’aide de petits appareils noir-blanc (marque Tactic et autres) et d’une antenne artisanale hissée au-dessus de la maison. La plupart des usagers ignoraient encore le moindre réglage de ces supposés être encore les derniers gadgets de la technologie chez nous. Situation qui avait fait l’affaire d’une poignée de techniciens opérateurs, entrainés uniquement dans la réparation des postes radios ordinaires. Il arrive qu’on recourt à plusieurs reprises au service de l’opérateur et souvent au cours de la même soirée pour un problème élémentaire de réglage des lumières: soit l’écran se met à danser, soit il se couvre complètement de noir.
L’opportunisme des techniciens opérateurs
A chaque fois la facture de l’opérateur atteignait les 2 à 3 mille ouguiyas alors que le prix de l’appareil tout neuf ne dépassait pas les 10.000UM. Plus tard, on vivra une situation similaire avec l’avènement des téléphones portables. Il fallait éviter de décevoir le petit monde de curieux venant des foyers voisins, attiré par les images remuantes et parlantes. Ils n’avaient jamais vu ce genre de spectacles sauf au cinéma pour certains parmi les plus âgés de nos premiers urbanisés. D’ailleurs cette irruption de la télévision (le petit écran) dans les foyers marquera la mort progressive mais certaine du cinéma ou « grand écran » chez nous et même un peu partout dans de bonnes parties du monde.
La coupe du monde au foyer
Lesdits évolués parmi nos urbains vont découvrir la coupe du monde de l’été de 1982. Celle de 1986 à Mexico fera tâche d’huile. Ce fut mon premier mondial, à moi. Le Tiers-monde découvrit pour la première fois le charme et la magie du « football- roi ». Seul le petit nombre des cinéphiles des années 60 et 70 était imprégné d’une culture cinématographique plus ou moins profonde. Le nom du célèbre footballeur brésilien, première grande star au niveau mondial, Pelé (le roi du football) demeurait gravé dans leur esprit. Celui-ci fut couronné comme le premier monarque dans ce nouveau royaume aux frontières mondiales qu’est le football.
Des « Dallass » occupent tous l’espace
La fin des années 1980 verra l’émergence d’un nouveau type de films: les séries continues (feuilletons). Le célèbre feuilleton américain (Dallas) inaugura cette nouvelle ère. L’audience dont avait bénéficié cette série fut universelle. Son générique, sa musique et surtout sa mise en scène originale, inspirera toute une génération. En mettant en exergue les aspects considérés comme positifs des valeurs de la civilisation occidentale et notamment américaine le feuilleton Dallas avait fortement impacté les événements de cette décennie.
Ma conviction personnelle est que l’impact du feuilleton Dallas sur les profonds changements politiques et culturels qui vont balayer le monde de fin des années 1980 et le début des années 90, notamment l’effondrement du système soviétique, dépasse de loin celui de Reagan et Thatcher, les deux leaders ayant marqué cette période par leur excès ultralibéral. Il se pourrait même que la série Dallas suivie d’autres fut conçue uniquement à cette fin.
Le public arabe verra juste après le premier feuilleton du genre: « Mohameden Yarassoulallah », retraçant la genèse de la naissance de l’Islam et sa propagation rapide dans le monde via la vie du prophète Mohamed (PSSL). A travers cette série, les grandes stars de l’époque du cinéma Egyptien, comme Abdella Ghaith, Achraf Abdelghavour, Leyla Tahir et bien d’autres, domineront le petit écran du monde arabo-musulman durant une bonne décennie. Les Sénégalais avaient traduit intégralement ses mots en Wolof, principale langue nationale locale du pays.
La victoire du petit écran
Durant toute la décennie des années 80, la radio va résister à l’assaut du petit écran, ce «petit écran » qui était pourtant parvenu à vaincre en si peu de temps son ainé: « le grand écran». Durant cette période marquée par de nombreux événements nationaux et internationaux, Radio Mauritanie, la BBC (en arabe et en français) ainsi que RFI et autres furent très écoutées en Mauritanie.
Autre fois était Radio Mauritanie
Radio Mauritanie par exemple a réussi à conserver une tradition critique bien que très mesurée. Elle continuait à attirer une grande audience.
Une émission comme « Laghatatoune Haya », littéralement « quelques remarques vivantes», bénéficiaient d’une large écoute le soir. Sous forme de sketches animés et présentés par le célèbre journaliste arabophone Ahmedou Ould Mayah, à chaque fois, on soumettait à une critique acerbe un aspect de la vie publique ou privée de l’époque. Le jour, à 14 heures de l’après-midi, la vie cessa dans les rues encore très propres et peu motorisées de Nouakchott. Le public fut en ce moment branché sur un récit radiodiffusé et représenté par d’éminentes célébrités du cinéma arabe. Le célèbre récit français « Paul et Virginie », excellemment traduit à l’arabe par le grand écrivain Egyptien Moustafa Loutfi Elmenvelouti au début du 20e Siècle, avait battu tous les records d’écoute au début des années 80.
Premier avortement démocratique
Au même moment, les autorités militaires pensaient, sous je ne sais quelle pression extérieure, et timidement, introduire dans notre pays une forme de démocratie pluraliste. Un projet de constitution fut élaboré. Il serait une copie presque parfaite de celle de « la mère coloniale », la France. D’ailleurs un article sur la liberté de culte, introduit sciemment ou par inadvertance par nos honorables juristes « parfaits re- copieurs », mettra en cause l’ensemble du texte.
Les détracteurs du projet s’en serviront pour abattre toute idée d’instauration d’une dose de démocratie dans l’immédiat chez nous. Une assemblée constituante, dominée par les notabilités traditionnelles, mise sur pied à la hâte, fut emportée par une vague énergique de contestation du projet constitutionnel. Il faudra attendre la période de la présidence d’Ould Taya pour reprendre avec plus de fermeté les petits pas du projet démocratique.
(À suivre)
Source : La Calame