Deux questions au Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah, SG de l’UPSD

Deux questions au Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah, SG de l’UPSD « Les mauvaises langues parlent de location des armées sénégalaise et mauritanienne en contrepartie du financement, par l’Arabie Saoudite, d’un certain nombre de projets dans les deux pays » (Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah)

Le Calame : Le président Mohamed Ould Abdel Aziz vient d’être reçu avec égard par le roi d’Arabie Saoudite. Quelles réflexions vous inspire cet accueil très chaleureux ?

Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah : Il est à noter que le président sénégalais, qui a précédé le nôtre en Arabie Saoudite, avait bénéficié, lui aussi, du même égard, si égard il y avait. Il s’agissait plutôt d’un rituel bien rôdé selon une vieille règle de la comptabilité publique, «qui paie commande». Les deux présidents sont venus apporter leur soutien à l’Arabie Saoudite et proposer la participation de leurs armées à la guerre contre le Yémen en guise de contribution de l’Islam musulman sunnite au Sud du Sahara à la croisade contre l’Islam chiite.

Les mauvaises langues parlent, quant à elles, de location des armées sénégalaise et mauritanienne en contrepartie du financement, par l’Arabie Saoudite, d’un certain nombre de projets dans les deux pays.

Mais tout le monde a constaté l’absence d’un grand sunnite africain, prompt à battre le pavé avec son armée à la moindre occasion : d’abord dans «la guerre de papa Hollande au Mali (1)» où elle a laissé des plumes et maintenant contre Boko Haram, au Nigéria où elle est en train de se déplumer entièrement sans contrepartie. Vous avez tout de suite compris qu’il s’agissait du président tchadien, Idriss Deby.

Encore une fois, les Mauritaniens et les Sénégalais se sont montrés plus rusés en allant en Arabie Saoudite plutôt qu’au Mali et au Nigéria.

L’Arabie Saoudite avait-elle besoin de mobiliser une telle coalition de dix pays avec autant de moyens contre les Houtis au Yémen ?

Sous le prétexte de défendre une légalité constitutionnelle au Yémen, l’Arabie Saoudite, qui n’a pas de constitution, ficelle une coalition des pays musulmans sunnites contre «le danger chiite », principalement le Pakistan, la Turquie et l’Egypte, mais cette coalition s’est vite lézardée : le Pakistan et la Turquie, qui ont compris la gravité d’une telle mobilisation qui dépasse largement les dimensions d’un retour à la légalité constitutionnelle au Yémen, celle du retour d’un président démissionnaire qui a fui son pays pour se réfugier en Arabie Saoudite.

Ces pays et avec eux la Russie et l’Iran, nous dirions même le président Obama, ont vu la main invisible d’Israël derrière la manœuvre de l’Arabie Saoudite visant à saboter l’accord nucléaire entre l’Iran et les P5+1.

Cet accord n’a pas que des partisans, Israël, l’Arabie Saoudite, le Congrès américain, le ministre américain de la défense qui est un républicain et une partie des démocrates lui sont opposés, comme ils sont opposés à la politique du président des Etats unis, un président au demeurant d’origine musulmane et africaine, décidé à désengager les Etats unis des guerres d’agression, de signer un accord de paix et de coopération avec l’Iran et de rétablir des relations diplomatiques avec Cuba.

L’Arabie Saoudite se retrouve donc seule dans la guerre, la Turquie et le Pakistan refusent d’entrer en guerre contre le Yémen, en fait contre l’Iran et optent pour une neutralité; l’armée égyptienne refuse également d’entrer en guerre contre le Yémen. Obama déclare aux pays du golfe médusés : «le danger pour les pays du golfe ne vient pas de l’Iran, mais de l’intérieur de ces pays eux-mêmes, de leur propre système intérieur.»

Le président des Etats unis fait-il allusion au wahabisme, une idéologie se réclamant d’un «islam rigoureux et extrémiste» qui a inspiré l’idéologie des organisations terroristes telles que EI et autres.

Les russes, qui ont vu eux aussi le complot israélo-saoudien pour bombarder les installations nucléaires iraniennes, se sont dépêchés de livrer à l’Iran le fameux système de missiles de défense antiaérien, très sophistiqué, le S300 et autres, en les prélevant sur le stock de l’armée russe (sans attendre la fabrication.) Les russes s’engagent, en outre, à le livrer eux-mêmes par terre, air et mer jusqu’à l’Iran. La Maison blanche regrette et dénonce la livraison de S300 à l’Iran, mais déclare que «cela ne remet pas en cause l’accord nucléaire avec l’Iran.»

Tout le monde a fini par comprendre qu’il s’agit d’un complot israélo-saoudien visant à provoquer l’Iran pour qu’il entre dans le conflit afin de justifier le bombardement de ses installations nucléaires d’où le caractère féroce des bombardements aériens saoudiens et autres sur le Yémen.

Il est à noter qu’il n’est pas exclu que les pilotes qui sont en train de détruire le Yémen avec une telle férocité soient israéliens. La presse israélienne ne vient-elle pas de déclarer que les pilotes israéliens l’avaient fait par le passé.

Les autorités iraniennes gardent leur sang-froid et au lieu de tomber dans le piège, prônent plutôt le dialogue, s’inspirant d’un adage bien de chez nous :

«Quand un aveugle vous invite à un combat de jets de pierres, cela veut dire qu’il a déjà une pierre sous le pied.»

(1) Nicolas BEAU : «Papa Hollande au Mali» édition Balland
Propos recueillis par Ahmed Ould Cheikh 
Source : Le Calame (Mauritanie)