Après une dizaine de jours pleins, le rapporteur spécial des Nations Unies sur les nouvelles formes de l’esclavage, Tomoya Obokata est parti après avoir rencontré quasiment toutes les autorités nationales et les organisations de la société civile qui travaillent sur la problématique de l’esclavage. Normalement, son rapport très attendu ne sera pas disponible dans sa version finale avant plusieurs mois. Mais déjà, les institutions gouvernementales ayant en charge la gestion du dossier se sont suffis de quelques déclarations diplomatiques d’usage pour exprimer des satisfécits que ne semble pas partager avec elles le président de la République, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani qui a déclaré au rapporteur spécial lors de l’audience qu’il lui a accordée le 12 mai 2022 que ‘’nier l’esclavage était une mauvaise approche’’. Or, depuis toujours, les gouvernements successifs de la Mauritanie des indépendances à aujourd’hui ont adopté systématiquement la politique de la dénégation de l’esclavage qui pourtant continue à toucher d’importantes franges issues de toutes les communautés nationales et dont les corollaires impactent sur tous les aspects de la vie nationale. Ce déni sur lequel les décideurs ont bâti toutes les stratégies et approches de lutte contre ce qu’ils appellent les séquelles de l’esclavage a véritablement constitué un blocage à tous les efforts consentis juridiquement et économiquement pour éradiquer les pratiques esclavagistes encore existantes en Mauritanie. Il va sans dire que les vieilles questions aujourd’hui caduques et désuètes sur le nombre d’esclaves ou de pratiques et séquelles ou de l’incrimination d’un groupe plus qu’un autre ne sont plus d’actualité. Tout comme cette histoire qui n’est du reste pas totalement fausse de l’instrumentalisation de la problématique ou de son exploitation pour en faire un fonds de commerce ou de propagande politicienne a été réduite à sa portion congrue. L’éradication de l’esclavage a longtemps souffert du galvaudage des politicards, de la manipulation des pseudos militants des droits humains et du manque de volonté politique des décideurs. Les nouvelles déclarations du président de la République devraient constituer un tournant historique dans la lutte contre l’esclavage et permettre de repartir sur de nouvelles bases. Les fondements de ce nouveau départ sont déjà là : Un arsenal juridique, une feuille de route et des cours spéciales dédiées à juger les criminels auteurs de pratiques esclavagistes. Le Commissariat des Droits de l’Homme, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et Taa’zour doivent mettre de l’eau dans leur zrig afin d’être sur la même longueur d’onde que le président de la République. Les politiques et programmes de ces institutions doivent être réadaptées au nouveau contexte dans lequel l’esclavage n’est plus qu’une question de séquelles. Les autorités administratives et sécuritaires doivent rompre avec leur nonchalance habituelle chaque fois qu’il est question ici ou là de la découverte d’un cas d’esclavage. Les magistrats des cours spéciales et leurs collègues des autres tribunaux ordinaires doivent eux aussi accorder leurs violons pour être en harmonie avec les nouvelles orientations. Le temps de la requalification des faits d’esclavage est normalement révolu, tout comme celui de leur dissimilation. Autant l’impunité ne doit plus être permise autant la surenchère doit cesser. Depuis plus de vingt-cinq ans que SOS Esclaves soutient contre vents et marées que l’esclavage par ascendance existe encore en pratiques et essuie pour cela tantôt l’ire des autorités tantôt celle de ses thuriféraires. Mais voilà qu’enfin il commence à faire jour et que la plus haute autorité nationale lui a donné raison. La déclaration du président est très importante dans le projet de l’éradication de ce qui reste encore de pratiques esclavagistes. Des actions fortes devraient rapidement suivre dans une synergie d’efforts entre activistes d’organisations et institutions ayant en charge la problématique.
El kory Sneiba