Au moment où les populations mauritaniennes, dans leur écrasante majorité, croupissent sous le poids de la pauvreté accentuée par la stagnation générale des salaires, le chômage endémique, la pratique de la sous-traitance à large échelle et la hausse vertigineuse des prix des denrées de première nécessité, les questions d’importance nationale, de la résolution définitive desquelles dépend le projet d’unité nationale tant souhaitée et chantée par tous, continuent à se poser avec acuité.
L’aggravation des discriminations du fait des pratiques de l’Etat symbolisées par le népotisme et le favoritisme, le manque de volonté politique à résoudre définitivement le dossier du passif humanitaire des années d’exception, l’incapacité d’éradiquer l’esclavage et de résorber ses séquelles, les entraves faites aux nombreux mauritaniens pour l’accès à l’Etat civil constituent des menaces graves pour l’unité nationale.
La spoliation des terres des populations vulnérables de la vallée du fleuve Sénégal, la non application de la loi foncière n° 83/127, surtout au détriment des hratin pour lesquels cette loi constituait une garantie de propriété sur les terres qu’ils exploitent de génération en génération, sont autant de facteurs à risques qui continuent d’hypothéquer la marche de la Mauritanie vers un avenir prospère.
Au plan politique, le recul grave des libertés individuelles et collectives matérialisées par la violation du droit des citoyens à manifester pacifiquement, les arrestations pour des délits d’opinion, le refus arbitraire de statuer sur les nouvelles demandes de reconnaissance de partis politiques sont autant d’éléments inquiétants qui amènent à se poser constamment la question sur la nature de « la démocratie mauritanienne ». A ces tares, s’ajoute le renforcement du tribalisme et de la féodalité au détriment de la notion de l’Etat et du droit du citoyen.
L’Education nationale souffre gravement de l’absence d’une école publique pouvant garantir le droit inaliénable à l’enseignement à tous les enfants mauritaniens. Alors que se développent, sans se côtoyer, deux écoles mauritaniennes : celle publique destinée exclusivement aux enfants des pauvres et celle privée où étudient les enfants des riches. Cet état de fait augmente les disparités et nuit à l’égalité des chances d’acquisition du savoir mais aussi à une indépendance culturelle complète.
Dans le cadre de la réforme du système éducatif en perspective, le pouvoir ne semble pas être prêt à assurer la promotion des autres langues nationales (poular, Soninke et wolof), à les hisser au niveau de langues officielles aux côtés de l’arabe, et leur introduction dans le système éducatif comme langues d’apprentissage des sciences.
Les affaires publiques font l’objet de mauvaise gestion liée à l’inefficacité des administrations mais aussi au pillage des ressources publiques (gabegie). Les nombreux cas de mauvaises gouvernance financières, révélés pourtant par des institutions nationales en charge du contrôle de la gestion des affaires publiques, sont restés lettres mortes.
Cette situation est amputable à plusieurs facteurs dont l’absence de liberté des organes de contrôle, la non publication des rapports d’inspection (Cour des comptes) alors que les règles en la matière l’exigent, la pratique des marchés de gré-à-gré, l’absence de sanctions contre les fautifs clairement désignés avec leur maintien à leur poste, voire la réhabilitation de ceux qui auraient été déchus provisoirement, le temps que les vagues passent.
Il semble même que tout est fait pour faciliter la tâche à ceux qui s’adonnent à la gabegie. Le saut du verrou que constituait le contrôle à priori au niveau de la Commission Centrale des Marchés et la révision du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale introduisant des dispositions qui rendent très difficile la constitution des commissions d’enquête parlementaires – une façon pernicieuse d’ôter à l’Assemblée Nationale une de ses prérogatives les plus importantes à savoir celle de contrôle de l’action de l’exécutif sont là des signes très graves d’une volonté politique de laisser cours à la gabegie.
La gestion actuelle de l’économie nationale montre une absence de vision dans la conduite des politiques en faveur des secteurs les plus importants : agropastoral, minier et de pêche.
Les producteurs ruraux (agriculture et élevage) manquent de soutien matériel et d’appui conseil de la part de l’Etat. Ils ne sont pas compétitifs face aux produits étrangers qui inondent un marché national non protégé, alors que les ressources halieutiques sont bradées aux investisseurs étrangers peu respectueux des normes écologiques mettant en péril des ressources dont dépendent un nombre très important de mauritaniens qui tirent leurs moyens de subsistance de la pêche artisanale (pêcheurs artisanaux et populations vulnérables consommatrices).
L’orpaillage est aujourd’hui un secteur économique qui nourrit de nombreux mauritaniens mais l’absence de règlementation claire et connue de tous dans le domaine en fait une activité à haut risque tant pour les orpailleurs que pour les populations riveraines mais aussi pour l’environnement (pollution chimique).
Que faire dans ce contexte ?
Dans ce contexte national de crise multidimensionnelle, force est de constater que le régime actuel peine à répondre aux préoccupations les plus élémentaires des mauritaniens. La conduite des affaires publiques laisse entrevoir que les autorités nationales manquent de volonté politique mais aussi de vision pour engager des réformes pour soulager les populations. Il est à craindre que la concertation engagée tardivement (absence de volonté du pouvoir)entre les forces politiques ne soit tout simplement qu’une occasion donnée au pouvoir de gagner du temps et de susciter des espoirs qui seront vite déçus.
Face à cette léthargie ambiante, l’initiative matérialisée par le présent appel se présente comme une dynamique nouvelle qui regroupe des organisations et des personnalités politiques et se propose de jouer pleinement son rôle en vue de renforcer uneréelleopposition au pouvoir.
Forts de ce qui précède, nous invitons les mauritaniens à prendre conscience de la situation de délabrement de notre pays, les invitons à se débarrasser de tout esprit de résignation et les appelons à rejoindre cette dynamique pour qu’ensemble nous engagions notre pays dans la voie d’un changement réel.
Nouakchott le 28/04/2022
Les Signataires :
Amadou Tidiane ; Président de parti
Samory Beye ; syndicaliste et activiste politique
Balla Toure ; activiste politique
Maalouma Mint BILAL ; ancienne député
Coumba Dada Kane ; député
Kadiata Malick DIALLO ; Député
Mohamed Lemine Sidi MOULOUD ; député
Elid Mohameden MBARECK ; député