Une délégation d’experts mauritaniens s’est envolée pour Bamako. L’information a été confirmée par l’agence officielle d’informations de la Mauritanie -AMI. C’est en application des accords conclus à l’issue de la visite de la délégation de haut niveau du Mali qui avait séjourné dans notre pays les 11 et 12 mars 2022.
Le Mali et la Mauritanie vont donc passer aux choses sérieuses. Choses sérieuses mais à la fois très compliquées et très difficiles. Les mauritaniens courent derrière des explications claires sur les circonstances des incidents graves survenus le 22 janvier 2022 au Mali, au cours desquels sept mauritaniens ont été égorgés et jetés dans une fosse commune.
Cet incident on se souvient avait mis le président mauritanien, (à qui on ne reconnait d’habitude qu’un calme très poli), dans une fureur sans précédent qui l’avait rendu méconnaissable, Sa réaction ne s’était pas faite attendre.
Il avait dépêché à Bamako une mission de très haut niveau comprenant son ministre de la Défense, celui de l’Intérieur et celui des Affaires Etrangères pour demander des explications aux autorités maliennes.
Au moment des événements Bamako était très occupée à faire un « massage diplomatique » à la Mauritanie afin d’obtenir de ce pays l’ouverture « d’une brèche » indispensable pour contourner l’embargo de la CEDEAO. Les autorités maliennes très embarrassées par cet incident « malvenu » avaient promises aux autorités mauritaniennes de faire toute la lumière sur cette sale affaire.
Trois mois passés depuis la date de cette promesse et encore aucune conclusion de l’enquête sui peut être n’avait même pas été lancée. Comme un malheur ne vient jamais seul, le 5 mars 2022, selon des informations qui circulaient et circulent encore, 52 mauritaniens auraient été tués et brulés.
Ce dernier massacre a remué toute la classe politique en Mauritanie et soulevé des protestations interminables. Depuis ce dernier incident rien ne va plus vraiment entre Nouakchott et Bamako qui ont frôlé la rupture des relations de bon voisinage.
Quand les spéculations verbales laissent places aux enquêtes.
Des experts mauritaniens (gendarmes et militaires) ont été dépêchés à Bamako pour prendre part avec leurs homologues maliens à une enquête « diligente » qui doit en principe apporter les reponses à toutes les questions qui se posent à l’heure actuelle.
« Quels sont les auteurs de la barbarie du 22 janvier 2022 au cours de laquelle sept mauritaniens ont été égorgés ? » « Quels sont les auteurs de l’enlèvement des mauritaniens le 5 mars 2022 au Robinet d’Al Ataye » « Quel est leur nombre exact des victimes? » « Quel sort leur a été réservé ? » « Si les morts retrouvés brulés sont des mauritaniens, qui est derrière ce génocide ? » Et enfin « Si ces morts sont des mauritaniens, qui sont-ils ? ».
A travers toutes ces questions on peut comprendre que le départ des mauritaniens pour Bamako ne sera pas une simple ballade de santé. Elle ne sera pas aussi un déplacement dont le but sera de confirmer que des personnes ont été exécutées ou brulées vives ».
L’enquête à mener sera à variantes multiples. Une variante sécuritaire, une variante scientifique et une variante diplomatique. En ce qui concerne la variante sécuritaire, les enquêteurs des deux pays doivent identifier les auteurs des deux crimes. Le crime du 22 janvier et celui du 5 mars. Les enquêteurs doivent aussi répondre à la question de savoir si les victimes des deux massacres sont bien et toutes mauritaniennes.
De ces conclusions vont découler d’autres questions auxquelles les enquêteurs doivent trouver également des réponses. Si les victimes sont (en partie ou toutes) mauritaniennes, les légistes scientifiques doivent pouvoir identifier qui est qui pour dresser une liste nominative des victimes.
Les enquêteurs seraient-ils à la hauteur de la mission difficile qui les attend ?
Pour mener leur enquête, les équipes en principe pluridisciplinaires, (militaires, gendarmes et autorités administratives) doivent se rendre sur les lieux des évènements survenus à des droits différents. Ils vont se déployer dans une zone très exposée à des risques d’attaques qui pourraient être perpétrées par des activistes de la Katiba Macina confondus dans la population.
Un premier obstacle à surmonter pour assurer leur propre sécurité dans une zone théâtre de conflit où le mouvement des terroristes est « béni » par des complicités au sein de la population dont les habitants sont très attachés les uns aux autres par des intérêts ou qui parfois se battent contre un ennemi commun, les FAMAs.
Les FAMAs sont indexées par les mauritaniens comme étant les auteurs présumés de ces massacres, ce que les autorités militaires et sécuritaires maliennes réfutent complétement, affirmant que l’armée malienne est respectueuses des droits humains et des conventions qui s’appliquent en zone et période de conflit.
Si les FAMAs arrivent formellement à prouver qu’elles sont étrangères à ces massacres, l’enquête doit alors identifier des auteurs de « substitution ». Dans ce cas qui sont-ils ? Des « groupes armés » ou des terroristes déguisés en soldats des FAMAs accompagnés de « figurants » blancs pour faire porter le chapeau aux soldats maliens ? Si oui. Dans quel bût ? Et pourquoi les mauritaniens ont-ils été pris pour cible ? L’enquête dira.
Quelques soient les causes, les auteurs et les circonstances de ces tueries, s’il est établi formellement que les victimes sont en partie, toutes ou certaines mauritaniennes, le pain sera posé sur la planche pour les enquêteurs mauritaniens dépêchés à Bamako qui doivent formellement identifier chaque victime et attribuer à celle-ci une identité pour permettre le deuil de sa famille.
Les gendarmes des deux pays pour une même enquête ?
Les autorités maliennes ont confié l’enquête à la gendarmerie de leur pays. C’est en principe ce corps qui est responsable pour diligenter l’enquête qui, en principe, doit être élargie aux bureaux des services de renseignements des Etats-majors des deux pays.
Cela pour les aspects sécuritaires de l’enquête. Mais pour l’aspect médecine légale des expertises scientifiques à qui reviendra la responsabilité ? Les autorités sanitaires civiles des deux pays ? La police scientifique de la gendarmerie nationale du Mali qui est territorialement compétente ou les deux corps de gendarmeries ?
Comme on le voit, l’enquête n’aura pas seulement un aspect judiciaire. Mais elle doit pouvoir confirmer ou infirmer aux autorités mauritaniennes si les mauritaniens ne sont plus en sécurité au Mali. Et si c’était le cas, pourquoi et qui en veut à la Mauritanie ?
Et si les enquêteurs des deux pays étaient roulés dans la pâte ?
Les événements graves et malheureux survenus dans cette zone du territoire malien et dont les victimes sont des mauritaniens sont certainement motivés par des raisons. Raisons que les enquêteurs mauritaniens doivent connaitre. Il est évident que les FAMAs ne peuvent être poussés par aucune raison pour massacrer des mauritaniens, surtout dans les circonstances actuelles où le Mali a nécessairement besoin du soutien de la Mauritanie pour plusieurs raisons.
1°/ – Sur le plan politique et économique.
Sur le plan politique et économique, le Mali étouffé par les difficultés respiratoires conséquence de l’embargo de la CEDEAO, risque une crise cardiaque « économique » fatale, si la Mauritanie retire le masque d’oxygène fixé sur l’une de ses narines depuis qu’il est admis en urgence et placé sous perfusions de « ravitaillements ».
2°/ – Sur le plan sécuritaire.
L’Armée malienne a lancé depuis quelques temps une opération militaire du nom de « Maliko ». Cette opération de large envergure progresse en fer de cheval en direction de la forêt de Wagadou endroit qui sert de « repaire » aux activistes armés, aux trafiquants de tous genres et aux terroristes de toutes affiliations. L’opération des FAMAs cherche à prendre en tenailles tous ces ennemis pour en découdre. Ce mouvement des troupes maliennes n’est pas sans conséquences.
Dans la logique, plus les militaires maliens avanceront en direction de la frontière Ouest, plus les combattants et les terroristes seront « compressés » c’est à dire coincés entre les soldats maliens et le « mur » de la frontière mauritanienne.
Dans cette situation les combattants terroristes n’auront pour unique alternative que de chercher à s’infiltrer en territoire mauritanien par les voies d’accès du triangle Adel Bagrou, Fassala-Néré ou Bassiknou. D’où l’intérêt pour le Mali, que les « sentinelles » des forces armées mauritaniennes ne « ferment pas l’œil » au passage de ces « refugiés indésirables ».
Une enquête préliminaire transfrontalière très difficile.
C’est peut-être dans ces circonstances que les enquêteurs doivent entreprendre un travail extrêmement difficile qui reposera surtout sur les témoignages qui peuvent être recueillis. Et les renseignements les plus utiles pour les enquêteurs seront ceux qui pourraient être fournis par les populations du lieu où s’est déroulé le drame.
Il est difficile de croire que ces populations qui avaient déjà pointé du doigt les FAMAs vont fournir de nouveaux renseignements qui prouveraient le contraire. Or, il est important aussi bien pour les enquêteurs maliens que pour les enquêteurs mauritaniens, d’obtenir des détails précis et irrévocables pour situer les responsabilités et identifier les auteurs des actes commis.
Tout ce que l’on sait déjà, c’est que les hommes armés qui avaient enlevés les mauritaniens retrouvés assassinés étaient des noirs accompagnés de militaires blancs. Ce qui a priori accuse les forces armées maliennes qui, d’après certaines rumeurs, opèrent en compagnie de mercenaires russes du groupe Wagner. Mais pour les mauritaniens il est difficile de croire que les mercenaires russes puissent accepter que les militaires maliens exécutent des mauritaniens en leur présence ce qui mettrait Moscou au banc des accusés des mauritaniens.
Moscou et Nouakchott ont renforcé leurs relations l’année dernière. Du 21 au 23 juin 2021, le ministre mauritanien de la défense, le Général de Division Hanana Ould Sidi était à Moscou pour prendre part aux travaux de la 9 ème session du sommet pour la sécurité internationale aux côtés des ministres de la défense de 119 Etats et de 150 experts internationaux en maintien de la Paix et de la sécurité,
En marge de ce sommet, le ministre mauritanien de la défense avait signé avec le Vice-ministre russe de la défense Alexander Fomin un accord de coopération en matière de défense. Cet accord que les deux parties souhaitaient mettre en œuvre très rapidement avait pour bût d’assurer le développement d’une coopération militaire bilatérale entre les deux pays.
Il serait donc surprenant que les accolades de juin 2021 entre les généraux russe et mauritanien, débouchent sur l’implication des mercenaires russes dans des tueries de mauritaniens sur le territoire malien.
Des russes qui se passent pour des français ? Des français qui se passent pour des russes ? Ou des mercenaires blancs et noirs Djihadistes épaulés?
Dans une vidéo qui circule, un reportage d’une chaine française révèle que depuis quelques mois des mercenaires français épaulés par des mercenaires maliens commettent des exactions tuant et brulant des civils pour faire porter le chapeau par les FAMAs. « Manipulation médiatique ? » « Guerre de communication » ? « Diversion déclenchée par la France pour justifier les risques que le Mali court en mettant fin à la présence des forces françaises sur son sol ? » « Ou faits réels et prouvés attribués aux FAMAs ? » Si c’était le cas, et même si les soldats blancs qui étaient en compagnie des « vrais-faux soldats maliens» étaient des français, pourquoi la France prendrait elle sur elle le risque de se retrouver compromise dans un génocide de mauritaniens sur le territoire malien ?
Coïncidences troublantes.
Le 5 mars dernier jour de l’enlèvement des mauritaniens, peut-être simplement par coïncidence, l’EIGS (l’Etat Islamique au Grand Sahara) avait lancé une Fatwa autorisant à verser le sang des Daouassask et de récupérer tous leurs biens. Le Groupe EIGS, djihadiste salafiste vise l’expansion au Sahel du Califat proclamé par l’Etat Islamique.
Créé en mai 2015, après la scission des Mourabitounes, le Groupe s’était depuis lancé dans la guérilla sur un périmètre qui s’étend de l’Algérie au Mali, en passant par le Niger, le Burkina Faso, le Nigéria et le Benin. Avec plus de 1.000 hommes à son effectif, il avait intégré en 2019 l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest. La ministre française des armées, Florence Parly attribue à l’EIGS la mort de 2.000 à 3.000 civils au Mali.
Ce qui est certain c’est que l’enlèvement des mauritaniens (s’ils le sont réellement) et leur disparition ne s’explique pas. A moins que ce soit un règlement de compte entre fractions armées, une vengeance ou une manœuvre de diversion. Mais dans tous les cas, les autorités mauritaniennes sont en droit d’avoir le cœur net, sur l’identité réelle des victimes, le nombre exact de ces victimes et les auteurs des crimes commis.
Quand une enquête risque de devenir embarrassante.
Il est vrai que les évènements survenus ont eus lieu sur le territoire malien donc au-delà de notre frontière, ce qui compliquera beaucoup le problème pour les autorités mauritaniennes. Si les enquêteurs maliens chercheront à identifier, qui sont les auteurs du crime commis sur les 7 mauritaniens égorgés et qui sont les auteurs du génocide des mauritaniens retrouvés brulés le 7 mars, (51 selon des rumeurs), les enquêteurs mauritaniens eux chercheront en plus à trouver des réponses à plusieurs autres questions. Qui sont ces mauritaniens tués ? Quel est leur nombre exact ? Pourquoi ils ont été ciblés ?
Mais il sera difficile pour les deux équipes d’enquêteurs de savoir pourquoi ces « mauritaniens s’ils le sont réellement» ont été tués. Personne des témoins qui seront interrogées ne donnera les raisons réelles pour lesquelles ces victimes ont été ciblées. « Le linge sale se lave en famille » dit le proverbe. Et la famille dans ces zones est la famille au sens large du terme. C’est-à-dire une famille issue de multiples polygamies et concubinages.
Une grande famille renfermée sur elle-même où sont confondus, maliens et mauritaniens, noirs et blancs. C’est pourquoi certains analystes pensent qu’il n’est peut-être même pas de l’intérêt des deux pays de savoir ce qu’ils savent déjà.
Quand une gestion mauvaise de crise provoque des crises.
Dans cette affaire, les autorités mauritaniennes ont très mal géré la crise. Et en plus, elles se sont « laissées » influencer par les sorties de quelques activistes politiques (terroristes du climat social) qui cherchaient surtout à alarmer l’opinion publique et à « souiller » l’aspect diplomatique de la question.
Les autorités mauritaniennes ont très mal géré la crise parce que la réaction des responsbles a été tardive quand elle devait être rapide, et elle a été rapide quand elle devait être mesurée. Dans une vidéo en ligne un notable avait dit que les autorités administratives ont été alertées le samedi 5 mars dans l’après-midi et que les corps ont été découverts le lundi dans la journée. Et jusqu’au lundi 72 heures après l’incident, aucune autorité administrative ou sécuritaire ne s’est rendue sur le lieu pour constater d’elle-même le génocide.
Cela signifie que les chaines de commandements sont soit défaillantes soient très mal rodées. Pourtant il suffisait normalement que les autorités sécuritaires des deux pays décident d’un commun accord de se rendre aussitôt sur les lieux pour constater les faits et pour procéder à l’enterrement des victimes en attendant qu’une enquête conjointe soit décidée.
Une enquête indépendante élargie aux autorités sécuritaires des deux pays pourrait bien faire l’affaire.
Pour le second cas, le départ des enquêteurs mauritaniens au Mali devait être logiquement précédé par l’établissement de la liste des personnes supposées portées disparues. Ces personnes sont toutes connues ou en tous cas connues de celui qui vociférait sur la toile dans un enregistrement vidéo alarmiste. Il le dit lui-même dans un tissu de mensonges.
Si les enquêteurs mauritaniens se sont rendus au Mali avec seulement dans leurs samsonites un appareil photo, quelques blocs notes et un stylo, cela ne vallait pas la peine d’un déplacement. Un témoin de la région avait dit dans un autre tissu de mensonge, qu’il avait lui-même identifié quatre victimes à leurs jambes. Les autorités mauritaniennes pouvaient simplement demander à un forgeron de la ville de Bassiknou d’aller sur place identifier les autres victimes à leurs têtes. Apparemment dans cette Wilaya tous sont légistes innés.
Si les mauritaniens et les maliens veulent réellement mettre du sérieux dans cette affaire qui revêt un aspect sécuritaire et un aspect scientifique de médecine légale, les deux pays doivent confier l’enquête à un cabinet d’expertise indépendant qui serait élargi à des représentants sécuritaires des deux pays.
Les événements ont eus lieu depuis 13 jours maintenant. Même pour la police scientifique de Los Angeles, l’une des plus compétentes du monde, il serait désormais peut-être difficile d’établir des faits sur la base de preuves matérielles scientifiques, parce que tous les indices peuvent avoir été ……
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant.