Après plusieurs jours de tortures physiques, psychologiques et morales, selon quelques détenus libérées, 41 personnes ont été déférées au tribunal de Rosso. Les détenus de R’Kiz auraient été répartis dans plusieurs sites, notamment le lycée et la brigade de gendarmerie de la ville.
Pendant quatre ou cinq jours, les prévenus, dont des femmes, des jeunes, et même des mineurs, on parle d’un enfant de 10 ans, auraient subi des tortures physiques, morales et psychologiques, selon le témoignage de plusieurs détenus libérés.
Parmi ces formes de tortures exercées par les gendarmes, certains détenus libérés parlent de coups, de gifles et d’insultes. Ils évoquent aussi qu’ils ont été maintenus dans une promiscuité sauvage, vingt personnes dans une cellule de 3 mètres carrés, des couloirs remplis jusqu’à 30 à 40 personnes malgré la pandémie Covid-19, l’absence de toilettes, d’eau, de nourriture. Les détenus n’avaient droit à aucune visite, empêchés de rencontrer leur famille, des avocats, des médecins, certains souffrant de maladies chroniques, d’autres à la suite de tortures, dont l’étirement de leur appareil génital.
Après ces jours de tortures, tous seront pourtant libérés, tandis que 41 personnes ont été déférées devant le tribunal régional de Rosso, où ils continueraient de subir les mêmes types de tortures.
Des organisations des droits de l’homme parlent de punition collective infligée aux habitants de R’Kiz, car les arrestations auraient été faites au pif, sans aucune enquête d’identification, pour cibler les vrais manifestants, auteurs du mercredi noir de R’Kiz.
Il faut dire que ce jour du mercredi 22 septembre, des centaines de personnes se sont attaquées aux locaux de la préfecture, au centre d’enrôlement, au domicile du maire, mais aussi au siège de la société d’eau et de l’électricité. Ils ont saccagé, brûlé, détruit et emporté du matériel, des documents, dans une violence sans précédent. Les habitants s’étaient soulevés contre les défaillances répétées des services d’eau et d’électricité, mais aussi des conditions de vie de plus en plus difficiles dues, selon eux, à la négligence de l’Etat.
Aujourd’hui, les associations des droits de l’homme et les partis politiques, dont le RFD, l’UFP, le parti RAG, le mouvement IRA et le mouvement Kavana, pour ne citer que ceux-là, ont tous condamné l’usage de la violence par les manifestants. Ils rappellent cependant aux autorités mauritaniennes qu’elles doivent rompre avec ces pratiques inhumaines et dégradantes contraires aux textes nationaux et aux conventions internationales ratifiées par la Mauritanie sur les droits de l’homme, en particulier les règles de la garde-à-vue, la présomption d’innocence et l’interdiction de la torture, surtout que la Mauritanie est partie dans la convention contre la torture et qu’elle dispose d’un Mécanisme nationale à cet effet.
Ils ont surtout exigé qu’une enquête complète soit diligentée pour situer la responsabilité des services publics de R’Kiz dont les défaillances ont été à la source du soulèvement populaire. Le Wali du Trarza, dont relève le département de R’Kiz, a fait mention de cet aspect dans une déclaration largement partagée où il mentionne le rôle de l’administration publique et des élus dans les évènements de R’Kiz.
Certes, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a dépêché une mission sur place pour s’enquérir du respect des procédures de la garde-à-vue et s’assurer que les droits des prévenus sont respectés. Le communiqué publié le 26 septembre 2021 sur son site, ne fait cependant aucune mention sur les conditions des détenus et s’est contenté de formules vagues et générales.
L’absence du Mécanisme national de lutte contre la torture reste criante dans cette affaire.
De son côté, le député et président du mouvement abolitionniste IRA, Birame Dah Abeid, a insisté dans une série de vocaux sur WhatsApp sur le respect des droits des détenus conformément à la législation nationale et aux conventions internationales ratifiées par la Mauritanie.
Il a souligné que le traitement de l’affaire de R’Kiz constitue le premier test du régime de Mohamed Cheikh Ghazouani. Il déplore d’ores et déjà ce qu’il appelle « la persistance des pratiques du passé, avec les mêmes méthodes que tout le monde pensait révolues ».
Selon lui, certains segments des régimes passés encore dans le sérail de la haute administration publique (civile et militaire) restent réfractaires à tout changement et à toute adaptation au contexte d’apaisement prôné par le régime actuel, et qu’ils s’évertuent à perpétuer le climat de tension sociale qui a fait la lie des pouvoirs précédents.
Aux dernières nouvelles, le Parquet de Rosso aurait requis l’emprisonnement de dizaines de prévenus.
Cheikh Aidara
Source : L’Authentique (Mauritanie)