Note d’alerte, avril 2021
A. Faits
- Le 16 avril, à Atar où SOS Esclaves animait un séminaire de soutien psychologique aux esclaves émancipés, la police procède à l’arrestation de deux activistes de l’Ong, en l’occurrence Tarba MintMboyrik, l’une des bénéficiaires de la formationAziza Mint Brahim, chef de l’antenne régionale. La veille, son frère, Mohamed Ould Brahim, chargé desmédia, les précédait en détention, au commissariat central de la ville.Le prénommé Jonas, journaliste, ressortissant de laSuisse et spectateur de la rencontre, fut interpelé, dans la foulée et retenu nul ne sait où ; Sa présence Les 4 prisonniers ne disposent plus de téléphones, après leur confiscation.Suivant la jurisprudence factuelle en Mauritanie, le délai de la garde-à-vue ne comprend le congé de fin de semaine. Déjà, le 7 avril 2021, le conseiller à la communication auprès du ministère de l’Éducation, de l’enseignement technique et de la réforme, El Kory OuldSneiba, par ailleurs porte-parole de SOS Esclaves – en succession de feu le journaliste et écrivain Habib OuldMahfoudh – annonçait que son département de tutelle vient de mettre un terme à ses fonctions. La Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), quant à elle, nie la réalité de l’évènement, sur la seule foi des dénégations produites par les maîtres présumés. La Cndh n’en est pas à une bavure près, dès lors que l’actualité soulève des griefs de racisme et d’inégalités de naissance. Le réflexe consiste à occulter, déformer, dissimuler et, s’il se peut requalifier le forfait, avant de l’occulter.
https://www.chezvlane.com/Un-conseiller-du-ministre-de-l-education-revoque-de-son-poste-pour-avoir-assiste-a-une-conference-de-presse-de-l-ONG-SOS_a22554.html
2. Le 6 mars 2021, lors d’une conférence dirigée par SOS Esclaves, à Nouakchott, le Président et le porte-parole de celle-ci, respectivement Boubacar Messaoud et El Kory OuldSneiba, ont exposé, face à la presse, les détails de l’incident survenu à Ouadane. Par la même occasion, ils publiaient le témoignage vidéo de la responsable du bureau de l’association en Adrar. Celle-ci, à l’origine de la divulgation du scandale, recevra la visite des personnes mises en cause, lesquelles démentaient l’offrande effective d’une esclave en dot, à l’occasion du mariage d’un prétendant, issu de la notabilité maraboutique. Devant témoins -dont une vieille dame noire qui se taisait -la famille du susdit argumentait en substance, « Meimeu, ici présente est notre seule esclave mais la croyez-vous apte à servir de cadeau ou assurer une quelconque tâche ? » Le propos confirme l’apologie de la servitude traditionnelle et le démenti visait, uniquement, à disqualifier les mérites éventuels de la victime et ses aptitudes au travail. Ce genre de don occasionnel relève de la rhétorique du prestige, d’où le chiffre exagéré de 100 chamelles et de plusieurs millions d’ouguiya. Le montant réel que l’époux offre aux parents de sa promise, atteint rarement les niveaux déclarés. Il s’agit, plutôt, d’une communication de surfacture aux fins d’augmenter le degré de l’engagement nuptial et la valeur de la mariée.
https://www.facebook.com/rmiinfo/videos/937167920444209
https://essahraa.net/node/23935
https://www.courrierinternational.com/article/scandale-une-femme-offerte-comme-dot-en-mauritanie-le-debat-sur-lesclavage-relance
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210407-mauritanie-pol%C3%A9mique-autour-d-une-affaire-d-esclavage-pr%C3%A9sum%C3%A9-%C3%A0-ouadane
B. Implications
3. Hormis l’application du droit en vigueur sur la répression des actes de contrainte et de stigmatisation raciale, des manifestations connexes et de leur propagande, l’Etat mauritanien est obligé de réhabiliter El Kory OuldSneiba et de lui attribuer une distinction nationale. Le susdit, en vertu d’un remarquable effort de lanceur d’alerte, dénonce une infraction pénale, d’une injustice sans conteste : « l’esclavage constitue un crime contre l’humanité. Il est imprescriptible », comme l’énonce l’article 1er de la norme du 12 août 2015, intitulée « Projet de loi abrogeant et remplaçant la loi n° 2007-048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes ». La Constitution, au terme de sa dernière révision en date du 15 août 2017 précise, à l’article 13, titre premier « Dispositions générales et principes fondamentaux, « Nul ne peut être réduit en esclavage ou à toute forme d’asservissement de l’être humain, ni soumis à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces pratiques constituent des crimes contre l’humanité et sont punis comme tels par la loi ».
https://www.refworld.org/cgibin/texis/vtx/rwmain/opendocpdf.pdf?Reldoc=y&docid=561f6ab54
Constitution de la République Islamique de Mauritanie du 20 Juillet 1991 révisée en 2017
C. Antécédents comparés
4. Le pouvoir du moment vient de faillir à ses engagements internationaux. Il se retrouve tenu de vérifier les allégations de la représentante de SOS Esclaves en Adrar et d’édifier l’opinion, peu importe le résultat de l’enquête. Le devoir d’investigation citoyenne et de sa publication semble d’autant plus pressant que le malaise au sein de la société s’étoffe de plusieurs abus, de la part de l’Etat, en matière de recrutement discriminatoire du personnel. Les Mauritaniens d’ascendance soudanienne, qu’ils fussent d’extraction servile, hassanophones ou locuteurs du Pulaar, du Soninké, du Bambara et du Wolof subissent les frais d’une épuration administrative, sous couvert d’une ré-arabisation en douceur. Jusqu’ici, les trois derniers groupes continuent d’endurer, à des degrés variables, les conséquences de leur vulnérabilité massive aux exactions, déportations et expropriations foncières entre 1986 et 1991. Un texte de loi ad hoc, improprement dénommé « amnistie de 1993 » protège les tortionnaires, de la moindre poursuite.
5.Ilimporte de rappeler le cas d’un fonctionnaire de l’Autorité nationale de radioprotection et pour la sécurité nucléaire (Arsn), responsable d’une falsification de documents, portant sa propre nomination, le 27 juillet 2020, en qualité de Coordinateur national. Le faux se doublait d’une spoliation d’identité car l’acte imité se prévalait de la signature de Saleh Baber, le prédécesseur, parti à la retraite. Saleh Moulaye Ahmed Baber, connu de beaucoup de mauritaniens, s’empressa, par écrit, de dévoiler la contrefaçon, dans une correspondance au siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea), à Vienne. Or, par décret du 1er juillet 2020, l’auteur de l’usurpation, bénéficie d’une confirmation officielle au même poste. L’Agence mauritanienne d’information (Ami) en témoigne, sur son site : https://fr.ami.mr/Depeche-54161.html
https://www.facebook.com/154598084729817/posts/le-faussaire-ishagh-mohamed-moussa-nomme-a-la-tete-de-lautorite-nationale-de-rad/1534505090072436/
D. Conclusion
6.Voici vers quoi mène la volonté de satisfaire les demandes tribales, au détriment de la législation interne et des traités. Le gouvernement se comporte en garant des intérêts d’une minorité, sur la base de la préférence ethnique, comme en témoignent les concours publics et les nominations monochromes au conseil des ministres. A la dérive, s’ajoutent l’immunité d’officiers tortionnaires dans le commandement des forces armées et l’usurpation des terres au sud du pays. L’ensemble de ces errements atteste d’une politique structurelle d’exclusion, selon l’origine et la langue. Ce faisant, la Mauritanie ne cesse d’outrager les textes fondateurs des Nations unies qu’elle inscrit, pourtant, au préambule de sa Constitution.
L’attitude du gouvernement reproduit les mêmes erreurs de déni et de violence qui entachaient l’image du pays, depuis 1998, année du procès intenté aux abolitionnistes, à la suite duquel leurs organisations devenaient illégales[1].
E. Recommandations
7.Les Ong locales de protection de la dignité de l’individu doivent introduire, auprèsde l’Alliance mondiale des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (Ganhri), une requête explicite, en vue de rétrograder le statut de la Cndh de Mauritanie, de A, à C, compte tenu de la récurrence de ses fautes et, surtout, du degré de connivence avec le système de domination et de non-réparation.
8. Il revient à l’Exécutif et à l’Assemblée nationale de la république islamique de Mauritanie, d’entamer un exercice d’audit et d’autocritique, afin d’enrayer la dynamique de la perte de confiance, d’une partie de la population, à l’endroit des institutions. La défiance a atteint un stade de gravité tel qu’il s’avère imprudent d’ignorer le lien causal entre paix et équité. Si la seconde fait défaut, la cohésion sociale s’érode et l’insurrection devient une tentation dont la crédibilité et la légitimité se consolident au fil des frustrations.
[1]Notamment SOS Esclaves et l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (Amdh).