Docteur Mohamed Lemine Sid El Moctar Chouaïb, maire de Toujounine : ‘’Nous avons une pénurie en établissements scolaires et sanitaires et ce qui est disponible ne répond pas aux besoins croissants’’

Le Calame : La mairie de Toujounine est une des grosses communes de Nouakchott.  Pouvez-vous nous la présenter brièvement ?

Docteur Mohamed Lemine Sid El Moctar Chouaïb : Nous remercions Le Calame et ses responsables de nous donner la présente opportunité. J’espère ardemment le succès du projet pionnier mis en œuvre à Toujounine, à ce jour la moughataa la plus peuplée du pays, avec une population dépassant  200.000 personnes. Elle en comptait 150.000 en 2013. S’y sont ajoutées des dizaines de milliers recasées après la réhabilitation des quartiers précaires. L’ADU déclare y avoir distribué 40.000 lots de terrain à autant de familles. Toujounine est, de surcroît, tentaculaire du point de vue foncier : elle occupe un cinquième de la superficie de Nouakchott.

Ces deux caractéristiques : forte densité de population et vastitude géographique ; constituent un véritable défi. Alors qu’augmente la demande en services de base comme l’enseignement, la santé, l’eau, l’électricité, les routes, etc. Toujounine ne compte, actuellement, que 39 écoles publiques, 6 collèges, 4 lycées, 3 centres de santé publics et deux privés. Cela ne couvre pas les besoins minimaux de santé et d’éducation. De nombreuses familles pauvres sont obligées d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées et de recourir aux hôpitaux de Dar Al-Naim, Arafat et Riyad.

– Votre circonscription connaît, depuis quelque temps, une recrudescence de la violence urbaine. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce phénomène ? Et quelles sont les mesures prises par la commune, les autorités administratives et de sécurité pour enrayer cette spirale ?

– On note une augmentation de la criminalité et de la violence dans toutes les grandes agglomérations urbaines et à Nouakchott en particulier. Cela s’explique peut-être par la présence de nombreux jeunes en dehors des salles de classe et dont un nombre important se dirige vers la délinquance alimentée par les réseaux sociaux …

La commune suit la question de la sécurité en coordonnant nos efforts avec les autorités administratives et sécuritaires. Celles-ci ont récemment pris certaines mesures, comme la mise en place d’un numéro vert pour la communication directe, la transmission des plaintes des citoyens, un système de permanence et des équipes de suivi…

Nous attendons que ces mesures portent leurs fruits et espérons qu’elles soient renforcées par d’autres qui garantissent des conditions adéquates aux équipes de sécurité, en leur permettant de disposer de moyens logistiques et humains aptes à répondre aux défis liés à l’expansion de la ville et à l’ère de la mondialisation de la criminalité et du développement de ses moyens.

 

– La Mauritanie est engagée dans la politique de décentralisation depuis des années. Comment l’appréciez-vous ? De quels moyens disposent les mairies pour accomplir leur mission ?

– Le gouvernement a récemment adopté la Stratégie Nationale de Décentralisation (SND). Un Conseil National de la Décentralisation (CND) commencera bientôt ses travaux et nous espérons que cela donne une impulsion à la décentralisation, qui est devenue le meilleur moyen de parvenir à un développement local équilibré et harmonieux. Si les communes sont dotées des pouvoirs et des ressources appropriés à leur travail, elles peuvent jouer un rôle important, nous le pensons, en raison de leur proximité avec le citoyen, de leur connaissance de ses préoccupations et de leur capacité à identifier et suivre les priorités.

Les communes jouent un rôle complémentaire à l’action du Gouvernement. Cela a été clairement mis en évidence dans leur énorme travail effectué pour faire face à l’épidémie du Corona. Elles représentent partout l’autorité et plus de cent cinquante d’entre elles la représentent seules. Tout cela montre l’importance du rôle que les communes peuvent jouer pour peu qu’elles soient dotées de ressources idoines et qu’on les investisse de pouvoirs conséquents.

– Depuis 2018, Nouakchott est érigée en région. Quels rapports entretiennent les mairies avec cette institution ?

– Les régions représentent un second niveau de décentralisation après les communes et la loi leur donne des compétences spécifiques différentes de celles-ci. Néanmoins, il existe un besoin de coordination et de coopération, d’autant plus que le travail s’oriente finalement vers les mêmes citoyens et le même espace géographique.

– Toujounine compte-t-elle des zones précaires qui pourraient être sources de violence ?
– Il est vrai que Toujounine inclut de nombreux quartiers vulnérables mais ce n’est pas la seule raison de la propagation de la criminalité et de la violence qui ont plusieurs causes dont nous avons évoqué tantôt certaines. Les zones non réhabilitées cumulent les problèmes : absence de planification, promiscuité, caractère précaire et non protégé des logements, manque d’éclairage public… autant d’éléments générateurs d’un climat propice à la violence et à la criminalité.

– L’école et la santé sont des secteurs sociaux importants pour le développement d’une commune. De quelles infrastructures dispose Toujounine en la matière ?

– Nous avons d’emblée indiqué la grande pénurie en établissements scolaires et sanitaires. Ce qui est disponible, répétons-le, ne répond pas aux besoins croissants et nous suivons ce problème avec les départements de tutelle. Cette année, nous avons enregistré la construction de quatre écoles primaires à cycle complet. Deux sont achevées, les travaux sont en cours dans les autres ; un nombre important d’écoles primaires ont également été agrandies d’une ou deux classes. Tout en appréciant ce qui a été réalisé, nous demandons davantage. Les besoins de la moughataa en matière d’éducation et de santé sont importants et en augmentation en raison de la croissance continue de sa population.

– Quelles sont les partenaires de la commune ? Un mot pour conclure ?

– Dans le domaine des infrastructures, la commune a pour principaux partenaires les départements gouvernementaux concernés. Il existe d’autres partenariats, comme la coopération japonaise qui a financé l’extension et la réfection de l’école Al Qods à Bouhdida, et nous œuvrons actuellement à en établir avec les coopérations allemande, française et espagnole, ainsi qu’avec tous les projets et programmes intervenant dans le domaine. Quant à conclure, permettez-moi simplement de vous renouveler mes remerciements et ma reconnaissance.

Propos recueillis par Dalay Lam
Source: Le Calame