Le 19 février 1981 disparaissait en Tunisie mon grand frère Sidi Ould Jaber. A sa mémoire, j’ai déjà consacré la première partie de mon livre « Tranches de vie », mais un ami, Baba Ould Jiddou, a insisté pour que je lui fasse cet hommage écrit de mémoire avec des témoignages de personnes que je cite dans le texte. C’est l’occasion pour moi de demander à tous mes amis de prier pour le repos de l’âme de ce frère, Allah yarehmou, qui a joué un grand rôle dans ma formation.
Sidi Ould Jaber. Le nom ne dit peut-être rien aux nouvelles générations mais les « anciens », amis et proches, ressentiront aujourd’hui, comme Baba Ould Jiddou qui a insisté pour que j’écrive ce texte, une sorte de manquement à la mémoire du grand militant que fut cet homme pour la cause haratine, et le génie (mathématicien) dont le parcours exceptionnel allait être stoppé net par la faucheuse, un funeste 19 février 1981, à Tunis, où il achevait des études doctorales.
Sidi ne figure pas dans la liste des membres fondateurs du mouvement El Hor, ce qui étonne plus d’un. Un « mystère » que seuls les leaders historiques de cette Organisation pourraient expliquer aujourd’hui à ceux qui tentent, comme moi, de comprendre les soubassements d’un mouvement objet de controverse sur le plan national depuis sa création. En attendant, je puis confirmer, étant son frère utérin, que bien avant la fameuse date du 05 mars 1978, retenue par l’Histoire comme l’avènement d’El Hor, d’interminables réunions de cadres de ce mouvement, encore clandestin, se tenaient en son domicile tout prêt du mythique « Arrêt bus » au 5ème arrondissement. Le mouvement avait certainement d’autres lieux secrets où ses chefs pouvaient se retrouver pour dessiner les contours de leur stratégie militante fondée sur l’engagement pour l’obtention de tous les droits mais de manière non violente.
Il s’agit, dans l’ensemble, du Groupe des 12, reconnus comme fondateurs d’El Hor : Abderrahmane Ould Mahmoud, Achour Demba, Achour Ould Samba, Ahmed Salam Ould Demba, Amar Ould Denna, Bilal Ould Werzeg, Boukhreïss Ould Ahmed, El Keîhel Ould Mohamed El Abd, Messaoud Ould Boulkhaïr, Mohamed Lemine Ould Ahmed, Sidi Abdallah Ould Mahmoud, Sidi Ould Messaoud; et de ceux auxquels Baba Ould Jiddou (cadre d’El Hor et représentant de l’APP en Europe) attribue également un rôle d’avant-garde : Sidi Ould Jaber, Weddadi Ould Mohamed, Boubacar Ould Messoud, Boydiel Ould Houmeïd, Mohamed Ould Boïlil, Mohamed Ould L’Haymer, Samoury Ould Beye, Oumar Ould Yali.
En ce qui concerne les réunions auxquelles j’assistais au domicile de mon frère, mes souvenirs sont ceux d’un garçon de 11-12 ans, qui venait de décrocher son entrée en sixième (1ère année du collège) et qui assurait le service de thé à une assemblée dont les propos sur la condition des Haratines et les questions d’émancipation et de partage du pouvoir ne disaient rien du tout. Quelques noms fréquemment entendus, au cours d’échanges parfois tendus, allaient être gravés à jamais dans ma mémoire : El Keyhel, Messaoud, Boubacar, Ould Kleyli, Achour, Boediel, Abdarrahman, Yahya, Sidi Abdalla. A l’époque, du coin où je me tenais, je ne pouvais mettre un nom sur chaque visage, à part celui de feu Ould Kleyli vers lequel mon frère se tournait souvent quand il me disait : « fais un bon thé, sinon Mohamed Lemine ne t’accordera pas de bourse cette année ». Deux femmes, MoulidFall et Mbarka Sy assistaient parfois à ces longues veillées d’éveil à la conscience haratine.
Des femmes pionnières
Parmi les femmes pionnières de ce mouvement, il y avait également, m’a-t-on révélé, Aïda Traoré, Rougha Mint Sidi Ould Blal, « Alegoise, à l’époque, secrétaire au ministère de l’Intérieur », et une chanteuse du Ksar, ex épouse de Isselmou Ould Samba Vall dit « Cheylibih »…
C’est encore Baba Ould Jiddou qui raconte : « El Hor était devenu, très vite, un mouvement populaire, malgré son caractère clandestin. Ses militants étaient de toutes les corporations : bouchers, brasseuses de coucous, vendeuses de légumes, dockers, charbonniers, ouvriers, syndicalistes chevronnés, collégiens et lycéens distribuant les tracts pour vulgariser la parole de « Ekhouka El Hartani » (ton frère Hartani), sur tout le territoire national, surtout à Nouakchott dont la particularité de centre d’accueil des « exilés de la sécheresse » vivant dans ces ghettos appelés « kebbas », faisait un terreau idéal pour les idées progressistes du mouvement. Il en était de même pour Nouadhibou, où El Hor recrutait au sein des travailleurs de la mer et d’un tissu industriel embryonnaire, qui se développait autour des activités de la Société nationale industrielle et minière (SNIM).
Pour dire vrai, il m’est difficile de replacer ces événements dans le cadre de l’action générale du Mouvement El Hor, mais il est clair que les réunions citées plus haut comptent parmi celles des tout débuts de par la tension qui les caractérisait. L’organisation naissante devait s’entourer de toutes les précautions nécessaires pour échapper à une police politique qui avait des agents infiltrés dans tous les milieux et places. La structuration qui prenait forme autour de personnalités de divers horizons faisait sans doute naître des incompréhensions, voire des rivalités, au fur et à mesure que le mouvement avançait dans la réflexion et dans la recherche de la meilleure façon de porter sur le terrain son discours pour aborder une couche haratine difficile à « faire bouger », à cause des pesanteurs sociales, dans le sens voulu de l’acceptation d’être soi ou de lutter pour être.
Que feu Sidi Ould Jaber ait été membre fondateur d’El Hor ou pas importe peu. Ce qu’il faut lui reconnaître, comme hommage post-mortem, c’est le rôle considérable qu’il a joué dans l’éveil des consciences, et qui lui a peut-être coûté la vie. Car sa mort « accidentelle », en Tunisie, constitue, à ce jour, un mystère. Beaucoup de ses compagnons de lutte avaient évoqué, à l’époque, une liquidation physique, à la manière du KGB russe ou de la CIA, qui aurait été menée par la police politique sous Haidalla, alors que d’autres mettaient en cause des étudiants tunisiens, mus par la jalousie, que Jaber « martyrisait » par ses résultats hors du commun à l’université.
Ce qui est connu de tous est qu’il a été renversé, en plein jour, par une voiture dont les occupants n’ont jamais été arrêtés. Sa femme (sa cousine) Koriya Mint Ramdane, aujourd’hui disparue, et sa fille Aminetou allaient rentrer à Nouakchott avec, comme seul bien, des malles de livres dont une thèse de mathématiques (un travail du défunt sur les sous-anneaux de corps de Dedekind) qui ne disait rien à ma sensibilité de futur littéraire déjà aiguisée par mes fréquentations assidues du Centre culturel français (CCF).
Une référence
Jaber n’était pas un nom commun. Sidi qui, comme la plupart des dirigeants d’El Hor, luttait contre la tribu, coupable, selon eux, des pratiques qu’ils dénonçaient, avait porté haut le patronyme de cette famille idawali éparpillée entre les trois régions du Tagant, de l’Assaba et du Brakna. J’allais m’en rendre compte très tôt, quand, élève au collège d’Aleg, tous mes professeurs dont un certain IbaFall, m’entouraient de toutes les attentions. Les directeurs Sow et Ly Abou Ciré avaient également de l’affection pour « le petit frère de Jaber ». Il en sera de même au lycée de Boghé où certains de mes professeurs comme Boubou Samba et Bilal Hamza ne tarissaient pas d’éloges sur lui. A Aleg, les familles le donnaient comme référence à leurs fils qu’elles souhaitaient voir « suivre la scolarité exemplaire de Sidi Ould Jaber. »
Feu son père, Mohamed Ould Jaber, était postier et connu pour sa « sévérité » dans l’éducation des enfants qu’il a eu de plusieurs mariages. Sidi était le second, après Abdou, aujourd’hui retraité de l’armée, et ayant choisi de retourner vivre dans son Tagant natal.
Durant les vacances, Jaber retrouvait l’occupation de tout enfant de Gweibina : les champs des immenses plaines qui entouraient la ville de tous côtés (Lekleyla, Cheilkha, Elaag, Badili) et la garde des animaux. Un aîné m’a aussi raconté qu’il mettait à profit ces trois mois de vacances pour dispenser des cours à ses cadets inscrits dans le collège de Boghé ou les lycées de Rosso et de Kaédi.
Le premier poste de Jaber fut le lycée d’Aïoun, en 1974, je crois. Il rentrait de Dakar où il avait probablement achevé un simple DEUG puisque, en 76, il sera de la première promotion de l’ENS de Nouakchott avec quelques autres grands noms : Fatimetou Mint Soueidatt et Mohamed Ould Boillil (aujourd’hui disparu) très célèbre de son vivant au lycée de Néma et d’Aïoun et qui fut plus tard DREN à Nouakchott.
Sidi fera également un bref passage au mythique lycée de Rosso avant d’être affecté, sous le sceau de l’urgence, au lycée d’Atar en ébullition parce que les élèves de terminale C manquaient de prof de maths. C’était à l’ouverture des classes de l’année 1978. Ce souvenir est resté très vif en moi et pour cause. Admis au collège, je fus séparé de mes frères El Kory Sneiba et Moussa Jaber pour retourner à Aleg ne supportant pas, comme eux, d’être trimballé de ville en ville, au gré des affectations d’un grand frère qui avait pris sur lui de s’occuper d’une scolarité dont notre père ne voulait même pas. C’était la dernière fois que je voyais mon grand frère puisque, d’Atar, il sera rappelé à Nouakchott pour aller poursuivre ses études en Tunisie.
Tant d’événements survenus en l’espace d’une année, avec les funestes conséquences que l’on sait, avaient-ils un rapport quelconque avec les activités politiques et militantes de mon frère ? Le doute est permis.
À Atar, Jaber sensibilisait et recrutait pour l’Organisation, y compris au sein de l’armée ! Pas pour susciter une insurrection qu’El Hor n’inscrivait aucunement dans son combat éminemment politique et pacifique, mais pour porter le message d’émancipation le plus loin et le plus haut possible.
Je tiens cette anecdote de Joum’a, militaire à la retraite, un ancien garde du corps de Messaoud Ould Boukheir, qui a été embrigadé par mon frère après plusieurs entrevues et mise en condition.
À l’époque, les leaders du mouvement organisaient des visites de sensibilisation au niveau de chaque région, et il me semble, que la composition des délégations répondait à des critères bien précis de connaissance du terrain mais aussi de « camouflage » d’une action qui n’était pas sans risques. C’est ainsi que je me rappelle que mon frère et Mohamed Lemine Ould Kleyli opéraient de fréquentes descentes à Aleg où un noyau du mouvement El Hor allait prendre forme, quelques années plus tard, autour de Sidi Ould M’Boyrik, feu El Haj S’haba, S’id Ould M’Bareck et une génération de jeunes étudiants dont les frères Yarg (Mohamed, futur ministre, et Mohamed Lemine).
Parti très tôt
Les cadres d’El Hor, eux-mêmes, avaient vu en l’école « ascenseur social », étant dans leur majorité des cadres moyens de la Fonction publique et/ou des stagiaires ou étudiants nouvellement admis par des concours professionnels…Ainsi, si Jaber avait brillé à l’ENS, Messaoud, Boydiel et Bilal Werzeg avaient également fait un parcours sans faute dans l’administration, les finances et la diplomatie…
De cette période, je ne retiens que ce qui se disait sur le génie de mon frère, étudiant modèle, dont les exploits me furent contés, beaucoup plus tard, quand je fis engagé, en 1999, comme prof de français au lycée privé Chems Dine, par feu Sy Mouhamedou, ancien proviseur du lycée de Kaédi, et Mohamed Cissé, qui n’est pas à présenter. Ces deux sommités de l’Éducation nationale me relataient, à chaque fois qu’on évoquait ensemble la baisse des niveaux, les éclats de génie d’un étudiant qui allait briller plus tard comme l’un des meilleurs professeurs de mathématiques de ce pays. Le commissaire divisionnaire Mohamed Abdallahi Ould Adda, qui l’avait connu, consacra une bonne partie de nos échanges, lors d’une commémoration du 14 juillet à l’ambassade de France de Nouakchott, aux mérites de Jaber. Dans un article hommage à Messaoud Ould Boulkheir, leader historique du Mouvement El Hor, et incontestablement l’homme qui a le plus fait pour la communauté haratine, en termes de recouvrement de ses droits, Brahim Ould Bilal, président de la Fondation Sahel, appelle à « faire preuve de reconnaissance et de respect pour les artisans du mouvement, (…) au premier rang desquels Messaoud Ould Boulkheïr, feus Sidi Ould Jaber et Mahmoud Ould Saïd qui sont devenus par la force des choses notre mémoire collective. »
Le professeur Cheikh Abdel Kader Diawara, venu après lui à l’ENS, m’avait envoyé le commentaire suivant, suite à la publication sur facebook d’une photo de mon frère : « Sneiba, bonsoir. J’ignorais que Jaber, Yarahmou, était ton frère. Nous nous sommes connus à l’ENS. Un génie parti trop tôt. Lui en 4ème et nous, bacheliers, fraîchement débarqués. J’ai aussi connu sa femme, Korya, que j’ai perdue de vue depuis fort longtemps. » Quand je lui appris que Korya avait péri malheureusement dans un incendie, à Atar, où elle servait comme secrétaire à la délégation régionale du développement rurale, grâce à une intervention de Boidiel Ould Houmeid, alors ministre, il me confirma sa parfaite connaissance de ce couple prématurément disparu : « Elle était brave et avec Dr. Jaber, elle s’était ouverte à la vie et avait pris goût à s’alphabétiser », ajouta-t-il. Ce qui faisait revenir à ma mémoire les cours assidus que mon frère donnait à son épouse, fille de mon oncle El Kory, éleveur dans la pure tradition de la fraction « Idachfagha », et qui, peu préoccupé par les « choses » de l’école, comme l’était mon père, n’avait scolarisé aucune de ses quatre filles.
D’anciens élèves au lycée de Rosso, dont Moustapha Ould Ahmed Vall dit Grand, louaient également l’encadrement et les conseils que Jaber leur prodiguait affirmant, avec le calme qu’on lui connaissait, que dans la « nouvelle Mauritanie », les places devraient se gagner par le niveau d’instruction et non plus par des considérations de « bonne naissance » ou de liaisons tribalo-parentales aliénant l’esprit et la lettre des idéaux d’égalité et de justice.
Elite écartelée
C’est à mon frère, avec l’aide d’Allah, que je dois ce que je suis aujourd’hui. Feu mon père ne portait pas dans son cœur une école française dont l’utilité ne pouvait égaler, à ses yeux, le rendement de ses terres de Lekleyla (production de mil) ou de son « lambou » (culture de pastèques), près du village de Teyba, au début de chaque hivernage. C’est pourquoi, il n’avait même pas songé à établir nos actes de naissance, alors que cela ne demandait qu’une déclaration et la présentation de deux témoins au bureau du préfet. A l’époque, on pouvait établir, en un jour, un acte de naissance, une nationalité et une carte nationale d’identité !
Pour entrer en possession du précieux document qui allait me permettre d’aller à l’école, mon frère avait sollicité le témoignage de feu Val Ould Abdi, père du ministre Dah Ould Abdi, un autre ami d’enfance de Jaber qui ne tarissait pas d’éloges sur lui, à chaque fois que je le rencontrais, et Sabar Ould M’Bareck, lié à Jaber père par le travail à la poste d’Aleg et par des liens familiaux solides.
A mon entrée à l’école, en 1972, j’étais en retard d’une année sur la scolarité normale (7 ans). Mais j’allais me rattraper, l’année suivante, « en sautant » une classe. Mon frère avait mis à profit les grandes vacances pour me dispenser, lui-même, des cours intensifs de français en la maison des Ehel Mohamed Salem, pas loin des Jardins de la Médina 3, dont la fille Beyba, était son épouse. Il aura avec elle deux enfants, Mohamed, aujourd’hui cadre à la Mauritel, et Mélika, enseignante dans une école privée de Nouakchott.
Lecture et écriture étaient ma seule occupation de huit heures à treize heures, avec comme récompense, mon billet (10 ouguiyas) pour aller à la « matinée », futile raison de mon premier voyage à Nouakchott depuis ma découverte du 7ème art à travers la projection de vieux films indous et westerns par « cinéma Khaled », du nom d’un Libanais de Kaédi.
De retour à Nouakchott, à la rentrée des classes de l’année 1972-1973, l’enseignant de deuxième année, Sall Kalidou souligna au directeur de l’Ecole 1, Bâ Chouaïbou, mon avance remarquable sur les autres élèves, et proposa de m’envoyer en classe de CE1. C’est ainsi que j’ai quitté la classe de mon jeune frère El Kory pour réaffirmer mon statut d’aîné. Aujourd’hui, cette anecdote me sert à encourager mes élèves de terminales qui me posent souvent la question «comment apprendre le français » ?
1981 – 2019. Trente-huit ans déjà que Jaber a quitté ce bas monde ! Il n’avait que vingt-neuf ans et, la question qui me taraude l’esprit, en repassant le film de l’évolution d’El Hor et du « parcours » de ses compagnons de lutte est : « dans quel camp serait-il aujourd’hui » ? Celui des faucons ou des colombes ?
Jaber était une âme sensible et, je puis affirmer qu’il n’allait jamais suivre une voie qui puisse mettre en danger des vies humaines, ou menacer l’unité nationale. Je me rappelle qu’un jour, en période d’hivernage, il nous trouva en train de tuer un serpent qui a dû fuir l’herbe gorgée d’eau de Lekleyla pour s’introduire, de nuit, dans notre cours. Mon frère ne put regarder cette « barbarie » à laquelle, enfants sans cœur, on s’adonnait à coups de hache contre le dangereux reptile.
Je pense que s’il vivait aujourd’hui, Jaber allait suivre la voie conciliante adoptée par Messaoud et Boydiel. Une voix que dicte la raison, après plusieurs décennies de lutte, avec des hauts et des bas, mais qui aura permis aux mauritaniens, toutes tendances confondues, de comprendre que si le navire prend eau de toutes parts, personne ne se sauvera seul.
D’ailleurs, la première génération d’El Hor se retrouve aujourd’hui dans le camp des « colombes », si l’on excepte Oumar Ould Yali, devenu une sorte de mentor pour Biram Dah Abeid, président de l’Initiative pour la Résurgence d’un Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA). Avant d’atterrir chez Biram, Omar, que beaucoup de détracteurs, sans doute non contents de sa proximité avec Messaoud, considéraient comme son « mauvais génie », avait rejoint Boydiel, en juin 2011, mais ne tarda pas à rompre les amarres avec ce dernier.
Le cheminement, on ne peut plus normal, des dirigeants d’El Hor n’est différent en rien de ceux des autres courants politiques mauritaniens, qu’ils soient d’obédience baathiste, maoïste, nassériste, islamiste ou négro-africaine. Le temps a fini par « assagir » les uns et les autres mais les accommodements politiques, les compromis (ou compromissions, c’est selon) ont aussi favorisé l’émergence de courants de pensée, de mouvements, qui estiment que le « combat » ne vient que commencer !
La rhétorique politique actuelle est dépouillée de la sagesse dont faisaient preuve les fondateurs du mouvement El Hor, et telle que traduite dans la Charte du 05 mars 1978. Malgré le caractère clandestin de l’Organisation, tout était retenue et appel à un sursaut national pour que cesse l’injustice dont était victime, depuis la nuit des temps, la communauté haratine. Le tort des « nouveaux dirigeants » est de croire que la roue de l’histoire s’est arrêtée, et qu’il faut remonter le temps pour refaire le même parcours, dans une sorte de « re-création » d’une lutte, de genesis presque sans objet, autre que la confusion entre « esclavage » et séquelles. C’est en quelque sorte la traduction, sur le terrain de l’engagement politique, de l’écart-type que révèle la dispersion des efforts d’une élite haratine écartelée entre les tentatives de maintien en survie d’El Hor, la conciliation prônée par le « Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines » et le discours musclé d’IRA.
Par Sneiba Mohamed