Au Sahel, depuis Bruxelles, l’UE change de doctrine en matière de politique étrangère et de sécurité

Au Sahel, depuis Bruxelles, l'UE change de doctrine en matière de politique étrangère et de sécuritéLe Parlement européen a adopté une résolution relative à la coopération UE-Afrique, dans le domaine de la sécurité. Celle-ci induit une nouvelle doctrine, qui est un changement de paradigme dans le contexte géopolitique du Sahel, épicentre d’attaques menées par des groupuscules terroristes.

«Avec cette résolution qui change profondément la doctrine européenne en matière de politique étrangère et de sécurité, l’Europe aura la possibilité de fournir armes et équipements, grâce à un instrument qui prévoit un mécanisme de financement (Facilité Européenne pour la Paix/FEB, Ndlr) qui promeut l’appui aux forces armées des pays et à leur force conjointe, paragraphe 17 et 29», commente un diplomate.

Jusqu’ici, l’engagement de l’UE dans le domaine de la sécurité au Sahel souffrait d’un énorme handicap lié au cadre légal: l’impossibilité d’aller au-delà d’un simple appui en formation dans le domaine militaire.

Les pays regroupés au sein du G5 Sahel sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Cette organisation sous régionale, dont le chef de l’Etat mauritanien, Mohamed Cheikh El Ghazouani, assume actruellement la présidence, est dédiée à la lutte contre le terrorisme, à l’insécurité et à la coordination des efforts de développement.

L’espace du G5 Sahel est vaste d’une superficie de 5 millions de kilomètres carrés, avec une population de près de 60 millions d’habitants vivant dans un environnement marqué par une pauvreté endémique et des problèmes de gouvernance, désormais aggravés par la pression du changement climatique, à l’image de la situation dans la boucle du fleuve Niger.

Ces différents ingrédients offrent un terreau fertile aux discours extrémistes et violents servis aux jeunes par les mouvements djihadistes.

A Bruxelles, la séance plénière consacrée à l’adoption de cette résolution introduite par le député euro-espagnol, Javier Nart, a été l’occasion, pour les députés du Parlement européen, d’émettre des appréciations positives sur la gouvernance du nouveau régime du président Mohamed Cheikh El Ghazouani, aux commandes de la Mauritanie depuis le 1er août 2019.

De bonnes notes, qui tranchent avec les critiques récurrentes des années passées, sur le nouveau mode de gouvernance adopté depuis une année à présent, à la fois sur les plans sécuritaire, économique et social.

En effet, dans ce document fondateur d’un nouveau partenariat, et qui évalue la situation géopolitique du moment, le parlement européen tresse de vrais lauriers à Nouakchott. Ainsi, le paragraphe 36 de la résolution «salue et soutient l’approche globale de la Mauritanie, en matière de gouvernance, qui inclut une stratégie fondée sur la dimension sociale, et le développement, dans sa réponse militaire et sécuritaire», face au phénomène du terrorisme et de la violence, animés par des groupuscules se réclamant d’un Islam radical.

Les autorités mauritaniennes, de leur côté, disent apprécient à sa juste valeur une option stratégique qui aidera grandement à pacifier l’espace du Sahel, en proie à une spirale de déstabilisation depuis plusieurs années.

Par ailleurs, cette résolution du Parlement européen exprime «la solidarité de l’Europe avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger, pays profondément touchés par le terrorisme, salue la communauté internationale, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), la Force internationale mixte, le G5 Sahel et les forces armées françaises (opération Barkhane), la Cellule de conseil et de coordination régionale (CCCR) de l’UE, l’EUCAP Sahel, Mali et Niger, l’EUTM Mali, le GARSI-Sahel, et l’armée tchadienne, force clé dans les secteurs Centre et Est du G5 Sahel».

Le parlement de l’UE recommande à l’ensemble de ces pays de poursuive leurs «réformes dans le domaine de la protection des droits humains, la bonne gouvernance et l’approfondissement de la démocratie».

LIRE AUSSI: Terrorisme: la France déploie ses premiers drones armés au Sahel Cette recommandation relative au respect des droits humains est largement inspirée par le contexte actuel qui prévait dans la région. En effet, dans la tourmente des attaques terroristes récurrentes contre des armées aux quelles échappe généralement l’initiative, les forces de sécurité du Mali, du Niger et du Burkina Faso sont régulièrement épinglées pour des exécutions extra-judiciaires ciblant des communautés peuls, grossièrement associées à des djihadiistes.

Enfin, le paragraphe 37 de cette résolution «salue la déclaration conjointe du président du Conseil européen, Charles Michel, et du président de la République Islamique de Mauritanie, Mohamed Cheikh El Ghazouani, et président en exercice du G5 Sahel, du 28 avril 2020, à travers laquelle ils ont réaffirmé et renforcé leur engagement vis-à-vis de la sécurité, de la stabilité, du développement du Sahel, en étroite coopération avec le Secrétaire général de l’ONU, le président de la Commission de l’Union Africaine (UA) et le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)».

De notre correspondant à Nouakchott
Amadou Seck