L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (5ème partie) / Par le Pr El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (5ème partie) / Par le Pr El Arby Mohamedou Le régime démocratique éphémère

Le pouvoir en Mauritanie est vraisemblablement indissociable de l’institution militaire. Malgré le respect par le CMJD de l’agenda tel qu’inscrit dans les dispositions de sa charte constitutionnelle et qui a abouti à l’installation d’un pouvoir civil, le retour des militaires aux casernes ne semble pas être une chose aisée.

En effet, à bien des égards, l’institution militaire a démontré et confirmé son attachement à l’exercice du pouvoir politique et une telle velléité n’a jamais été renvoyée aux calendes grecques. C’est ainsi qu’après une éphémère expérience démocratique qui n’a pas pu se pérenniser, le pays a connu une succession de régimes démocratiques controversés.

C’est à l’issue du deuxième tour, de l’élection présidentielle, organisé le 25 mars 2007, que le premier régime démocratiquement installé depuis l’indépendance du pays prendra les règnes du pouvoir conformément à la pratique constitutionnelle suivie dans les pays de tradition démocratique.

Au début de cette nouvelle ère, l’institution de la présidence de la République, le Parlement avec ses deux chambres, le pouvoir judiciaire, le Conseil Constitutionnel, le Haut Conseil Islamique, le Médiateur de la République, la Cour des comptes, le Conseil Economique et Social fonctionnent de manière régulière et tout en exerçant la plénitude de leurs prérogatives. Le gouvernement, fraichement nommé, présente son programme politique et obtient la confiance du Parlement, avant d’amorcer, aussitôt, les mesures de sa mise en œuvre, tant sur le plan national qu’international.

Cette normalité dans le fonctionnement des institutions fut de courte durée. En effet, il faut admettre que le nouveau régime du Président Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI n’avait pas entamé son quinquennat sans coup férir, loin sans faut. L’héritage d’un double passif humanitaire et économique, associé aux engagements contractés en vue d’accéder au pouvoir vont réduire la marge de manœuvre du Président à sa plus simple expression.

D’ailleurs, très vite les observateurs perçoivent en filigrane que rien n’a changé, malgré l’installation des institutions démocratiques et l’exercice du pouvoir par les civils. A cet égard, il est facile de constater que le poids des militaires reste omniprésent dans les différentes sphères de l’Etat et qu’en privé, ils restent les référents pour le dénouement des dossiers les plus complexes.

Dans cette configuration, les allégeances officieuses à certains officiers supérieurs de l’armée nationale se multiplient reléguant au second plan l’institution de la Présidence de la République. Cette situation se conclue par un bras de fer politique opposant d’une part, le Président démocratiquement élu victime des alliances qui l’ont parachuté au pouvoir et d’autre part, son chef d’Etat Major Particulier usant de son statut privilégié d’officier supérieur maintenu dans une posture de choix, ce qui a plongé des mois durant, le pays dans une crise politico-institutionnelle sans précédent où les principaux acteurs étaient les parlementaires.

C’est dans cet environnement politique confus, que les parlementaires frondeurs ont fait des défis liés à l’insécurité, à la récession économique à la morosité du climat social, les principaux mobiles pour la destitution du Président Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI. Ce bouillonnement politique était largement inspiré par les militaires qui en tiraient les ficelles dans l’objectif de précipiter un changement par des moyens plus adaptés que les formules classiques des coups d’Etat.

Les incompréhensions et les tiraillements ont finalement acculé le Président à démettre par un décret pris, le 6 août 2008, dans des conditions particulières les principaux Généraux qui lui tenaient tête. Sont concernés par cet acte : le Général Mohamed OULD ABDEL AZIZ, chef d’Etat Major Particulier, le Général Mohamed OULD CHEIKH MOHAMED AHMED, chef d’Etat Major de l’Armée nationale, le Général Mohamed OULD CHEIKH OULD EL HADI, directeur général de la Sureté Nationale et le Général Félix NEGRY, Chef d’Etat Major de la Garde Nationale.

En réaction à cette mesure, ceux-ci mobilisent, aussitôt, leurs troupes et mettent fin le même jour au pouvoir dirigé par le Président Civil par un communiqué lu aux antennes de la radio et de la télévision nationale, par lequel, en même temps, un nouveau Comité Militaire dénommé « Haut Conseil d’Etat » est créé sous la Présidence du Général Mohamed OULD ABDEL AZIZ.

A suivre …