Selon le journaliste, le Président de la République aurait fait comprendre, au leader de IRA, Biram Dah Abeid, qu’il « quitterait le pouvoir », dès la fin de son mandat en cours. Il n’en fallait pas davantage pour que la machine médiatique s’emballât : Lassana Camara, journaliste mauritanien résident à Paris, reprend le scoop sur Instagram, vers 7h du matin.
A 11h, l’information circulait, à Paris. Quelqu’un du ministère français des affaires étrangères et européennes m’en a parlé. Peer de Jong, un ami de la Mauritanie, répercute la nouvelle sur sa page LinkedIn. Nous sommes déjà midi et, à Nouakchott, les screenshot commencent à saturer le WhatsApp local (j’ai reçu les captures 37 fois!).
Le paroxysme fut atteint lorsque Mohamed El Moctar Chinguiti publia un tweet, sur sa page suivie par près de 600.000 followers. Il y reprend les deux captures (celles de Lassana Camara et Peer de Jong).
Chinghitti y salue la clairvoyance de Ghazouani et le qualifie de nouveau Siwar Deheb, le Général soudanais qui avait pris le pouvoir afin de le remettre aux civils, en une année de transition.
A 14h, nous étions déjà dans l’ambiance de campagne, certains en affutaient leur programme. D’autres réfléchissaient à l’emplacement du QG et semblaient prompts à souhaiter la démission de Ghazouani, afin de permettre la tenue d’une présidentielle anticipée. Tant de malentendu et de bruit, à cause d’une fake news ! Tout de suite, j’ai compris que nous sommes face à un bad buzz. J’ai rappelé Peer et Lassana qui ont, immédiatement, réagi, en supprimant la publication. De Jong est allé même jusqu’à écrire un démenti. Les deux m’expliquaient, en termes identiques, avoir lu la nouvelle sous la signature d’un journaliste fiable. De bonne foi, ils l’exploitèrent.
Le danger de ce genre de rumeur réside justement dans l’impossibilité, pour les autorités, de donner une réponse : Un démenti signifierait que Ghazouani est candidat à un autre quinquennat. En revanche, se murer dans le silence accorderait un vernis de vérité à la rumeur.
Saisissant le piège communicationnel où une telle supputation enfermerait le pouvoir, tous ceux qui ont un quelconque intérêt à brouiller le message du gouvernement (en particulier les pro Aziz) s’activèrent à propager les captures d’écran, via WhatsApp. Les candidats putatifs, à leur tête les islamistes, semblaient impatients de mener la campagne présidentielle 2024.
Or, celle-ci est encore loin. La candidature ou non de Ghazouani n’est tout simplement pas à l’ordre du jour. Evoquer le sujet, aussi en amont de l’échéance, c’est ce qu’en hassaniya, l’on nomme « Khroujou » ou hors-sujet.
Bien essayé, mais raté.
Hacen Lebatt