Ce rebondissement intervient une semaine après l’annonce du Parquet Général, représenté par le pôle anticorruption, du rapport de la commission d’enquête parlementaire, promettant de mener les instructions «avec rigueur et sérieux, de manière neutre et impartiale, en conformité avec les règles de procédure pénale ».
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Retentissement de la cloche politique.
8 mois après l’issue du différend sur la «référence», l’ancien président s’est relativement éclipsé de la scène médiatique et politique, se contentant de suivre avec un mutisme total, la progression des investigations relatives aux dossiers se rapportant à sa période de gouvernance, jusqu’à la remise de la commission d’enquête parlementaire de son rapport final au Parlement, lequel l’a transféré à la justice, sans que Ould Abdel Aziz manifeste une quelconque prise de position.
Le début de l’enquête préliminaire au niveau de la police chargée des crimes économiques et financiers, qui s’est très vite saisie du fil conduisant au «vif du sujet », a été marqué par l’arrestation de celle-ci de proches de l’homme et l’audition de sa fille et de son époux.
C’est précisément à ce stade, que Ould Abdel Aziz a commencé à rompre le silence, inaugurant une semaine pleine d’activités politiques, dont la tenue de nombreuses réunions à son domicile avec d’anciens responsables, qui ont rejoint l’un des partis avant sa fermeture par le ministère de l’Intérieur.
Il a rendu également visite à une autre formation politique et annoncé la tenue prochaine d’une conférence de presse.
Ses proches ont publié aussi un communiqué de presse avant de démentir plus tard son authenticité.
Ce son de la cloche politique, qui a retenti dans les arrêts de jeu ,a poussé certains à l’inscrire dans le cadre d’une tentative de détourner l’attention sur le vif du sujet, qui s’est avéré non seulement d’ordre financier, mais dissimilant au contraire des dimensions sécuritaires dont les détails n’ont pas encore été révélés et liées à la tentative de Ould Abdel Aziz de procéder à ce que la sureté trouve être une « menace à la sécurité » dans le pays.
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Une corruption de l’ampleur des «réalisations»
Le mot le plus souvent prononcé par les partisans d’Ould Abdel Aziz, au cours des 11 années qu’il a passées à la présidence, est peut-être les «réalisations de Mohamed Ould Abdel Aziz», qui a dirigé le pays entre 2008 et 2019 et qui était dans le cercle étroit du pouvoir depuis 2005.
Cet homme fort qui fait l’objet, sur la base du rapport de la commission d’enquête parlementaire d’accusations se rapportant à 10 dossiers conclus sous sa gouvernance dont 8 comportent des violations qui se hissent au niveau de crimes de corruption selon la loi mauritanienne, en plus de son accusation pour les abus se rapportant au territoire national, en dédiant une île mauritanienne à l’un des dirigeants arabes.
Le Parlement semble avoir choisi de classer cette dernière accusation dans les charges liées à la haute trahison et qui sont de la compétence de la Haute Cour de justice, dont la loi organique a été adoptée à la fin de juillet dernier et qui devra être formée au cours de la prochaine session de l’Assemblée nationale.
Le Parlement a par contre transféré au ministre de la justice, les dossiers relatifs à la corruption et aux privilèges injustifiés dans le domaine des marchés publics, le détournement des biens publics; la perception d’intérêts illégaux et les délits stipulés dans la loi anticorruption et autres lois mauritaniennes.
Il s’agit de crimes passibles , en cas de condamnation, de peines allant jusqu’à 20 ans de prison en plus de la confiscation des biens, selon les textes juridiques.
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L’échec de la première mission .. après la présidence
Ould Abdel Aziz s’est habitué, avant même son arrivée au pouvoir, lors du coup d’État militaire opéré à l’aube du 6 aout 2008, à être un élément essentiel de la prise de décision en Mauritanie, ce qui lui a permis d’être au centre du putsch qui avait renversé l’ancien président, Maaouiya Ould Sid’Ahmed Ould Taya.
Lorsqu’il a remis le pouvoir à l’actuel président, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, Ould Abdel Aziz a voulu rester présent dans le centre de décision dans le pays, même après avoir «remis» le pouvoir à son successeur élu.
Il s’est précipité dans cet objectif, lorsqu’il a voulu mettre une OPA sur l’Union Pour la République (UPR), le parti au pouvoir et sur sa Majorité parlementaire en novembre dernier, mais il avait échoué dans cette manœuvre, après la tenue de l’UPR de son Congrès général et l’élection de nouvelles instances dirigeantes exclusivement loyalistes au président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani.
Mais Ould Abdel Aziz qui n’a pas admis le fait accompli, a organisé une conférence de presse au cours de laquelle il a émis plusieurs messages négatifs sur le parti et le nouveau régime, contestant une enquête sur son règne et défiant l’ouverture d’une enquête parlementaire sur sa période de gouvernance, laquelle a eu bel et bien lieu, avant de se transformer en une instruction judiciaire.
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L’affaire de Ould Abdel Aziz sera tranchée suivant des scénarios, dont les plus marquants sont:
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Le scénario judiciaire
La poursuite de la procédure judiciaire habituelle, ce qui signifie qu’il peut être emprisonné pendant une longue période.
Les autorités peuvent opter dans ce cas à son transfert dans une prison éloignée, afin de préserver le calme et la quiétude publique.
Un scénario qui n’est pas le premier du genre, puisqu’il avait été imposé par le passé à de nombreux présidents mauritaniens arrêtés à la suite de coups d’État militaires.
Cette hypothèse se trouve renforcée par certains indicateurs dont la pression populaire et politique sur la nécessité d’accorder la plénitude au pouvoir judiciaire pour jouer son rôle loin de toute ingérence de l’Exécutif dans le sujet.
Ce qui s’est réalisé d’ailleurs à travers l’enquête parlementaire.
Le président a également affirmé dans une déclaration qu’il n’y aura pas de tolérance zéro avec la corruption ou les corrompus.
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Le scénario du dénouement
Cette hypothèse est possible à travers la recherche d’une issue plus souple, permettant à l’ancien président d’éviter la prison en échange de la restitution de tous ou partie des biens publics et de faire définitivement ses adieux à la vie politique.
Un scénario souhaité par certaines parties extérieures pour jouer le rôle de médiateur entre l’homme et le pouvoir et qui, en dépit de l’exigüité d’indicateurs le créditant pour le moment, n’est pas impossible, eu égard au souci accordé par l’actuel pouvoir à l’apaisement, mais qui pourrait n’être envisageable qu’à la fin des phases judiciaires ou de certaines d’entre elles.
Le règlement est désormais une voie suivie dans certains Etats avec les anciens responsables accusés de corruption, à l’instar de l’Egypte et qui est évoqué actuellement en Tunisie.
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Scénario de l’issue judiciaire
Les procédures judiciaires doivent suivre leur cours naturel dans ce cas de figure, tant pour ce qui concerne les instructions que les procès, d’autant plus qu’il existe paradoxalement des cercles au sein de pouvoir et également dans l’opposition, selon lesquels, l’ancien président ne manifeste pas des «bonnes intentions», d’où la nécessité de fléchir sa position, tout d’abord à travers la condamnation.
De nombreux autres pensent que les indicateurs privilégiant cette piste sont disponibles, quoique le pouvoir judiciaire n’a pas encore dit son dernier mot.
Ce scénario signifie, au cas où il se produirait, la poursuite du processus judiciaire jusqu’au bout et la mise à exécution effective de ses conclusions, avant d’examiner ultérieurement les solutions possibles.
Ce qui signifie au moindre des cas une fin politique incontournable de l’ancien président, eu égard à la condamnation judiciaire et de l’anéantissement de la puissance et du prestige de l’homme ; ces facteurs très présents dans la légitimité politique d’Aziz dont personne n’ose s’opposer à la volonté ni aux ordres et qui s’estime capable de tenir face aux difficultés.
Quoi qu’il en soit, l’entrée en fin d’après midi de l’ancien président à la Direction Générale de la Sureté Nationale, constitue une nouvelle étape dans la politique de ce pays, abstraction faite de tout éventuel résultat de cette mesure sans précédent.
Source : Essahraa (Mauritanie)