La « jurisprudence Mitterrand » est évidemment, abondamment invoquée ici en Mauritanie, par les partisans de l’ ancien Chef de l’ Etat M. Ould Abdel Aziz, qui fait l’objet d’une demande d’audition de la part de la commission parlementaire en exercice.
Mitterrand sollicité par son prédécesseur, avait demandé à ce dernier de ne pas répondre à la demande d’ audition. Mais outre le fait qu’elle est française, cette « jurisprudence » est de portée juridique toute relative.
Elle provenait d’un Chef de l’Etat en exercice et donc directement et personnellement intéressée par la portée de sa propre réponse. S’il avait répondu positivement à la question posée par l’ ancien Président Giscard d’ Estaing, il était évident que cela pouvait lui être appliqué à son tour! On peut donc sans peine, voir en quoi cet avis de Mitterrand était entaché d’un manifeste conflit d’intérêt.
Il est remarquable de constater que depuis lors, cette simple opinion entouré d’un halo mystique en raison évidemment du géant politique de qui elle émane, est loin de faire l’unanimité parmi les spécialistes français du droit constitutionnel. La question étant aujourd’hui posée à l’occasion de la covid19, de savoir si le Président Macron lui même pouvait être entendu par une commission parlementaire pour la gestion de la pandémie, le Professeur D. Rousseau ( auteur de manuels devenus classiques de droit constitutionnel) répond sans ambages « qu’Aucun article de la constitution n’interdit la possibilité pour le président d’ être convoqué par la commission d’ enquête ».
Le Professeur D. Maus, Président émérite de l’ Association française de droit constitutionnel précise que rien ne s’oppose à ce que M. Macron, à la demande de la commission ou de sa propre initiative, soit entendu par cette dernière.
L’ actuelle présidente de cette auguste association, la Professeure de droit public, Anne Levade va dans le même sens. Et d’ autres et d’ autres. On voit donc que le « précédent Mitterrand » ne doit pas être survalorisé outre mesure! Pour ce qui concerne la Mauritanie, la même question de logique juridique se pose: rien ne s’oppose à ce qu’un Président de la République soit entendu par une commission d’enquête parlementaire qui n’ est nullement une instance devant laquelle sa responsabilité puisse être de quelque façon que ce soit engagée.
Il s’ agit de donner de son plein gré un éclairage sur des faits et des situations de nature à aider le parlement à mener ses activités. Une commission d’ enquête parlementaire n’ est ni une instance judiciaire, ni une instance administrative vis à vis desquelles ou devant lesquelles cette responsabilité présidentielle pourrait être mise en cause.
Il peut refuser bien évidemment. Mais ce ne serait pas de bonne augure surtout si les dossiers en examen sont de nature à entacher la fonction présidentielle elle même…
Lô Gourmo Abdoul