Des fuites provenant de la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur certains dossiers sulfureux suscitant de fortes présomptions de malversations et de concussion font état d’une lutte sans merci entre les parlementaires.
Certains semblent plutôt soucieux de l’instruction effective des dossiers alors que d’autres tentent d’orienter les affaires impliquant leurs amis dans le sens de la protection de ces derniers quel que soit leur niveau d’implication. Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on et des tiraillements sont, en effet, apparus entre certains membres de la commission.
Le dossier qui semble susciter la lutte la plus âpre est celui de l’énergie après les déclarations de l’ancien directeur général de la Somelec qui n’a pas voulu porter seul le chapeau.
El Merkhi a déclaré devant la commission parlementaire que le marché de la ligne haute tension Nouakchott/Nouadhibou, attribué de gré à gré à la société indienne Kalpataru pour 110 millions de dollars (42 milliards MRO), l’a été par le seul fait du ministre de l’énergie, Mohamed Ould Abdel Vetah. Et les faits lui donnent raison.
En effet, cette affaire a été menée de bout en bout par cet enfant gâté du pouvoir d’Ould Abdel Aziz qui, par des contacts personnels et exclusifs, l’a menée à terme en moins de 48 heures malgré la complexité technique du projet et la nécessaire prise en compte de toutes les dispositions contractuelles garantissant les intérêts de la partie mauritanienne. Des études et négociations qui prennent généralement plusieurs mois. Dans un pays normal, serait-on tenté de dire, où l’intérêt personnel ne prime pas sur celui de la collectivité.
Célérité et ubiquité
C’est ainsi qu’on apprend à la lecture des courriers échangés entre le ministre et ses partenaires indiens dans cette affaire que tout est allé très vite. Le 6 février 2017, Kalpataru envoie un mail au ministre dans lequel elle lui exprime toute sa « gratitude » ainsi qu’à « son Excellence le président (de la République NDLR) pour avoir trouvé une solution au problème ».
La société, dont la discrétion n’est apparemment pas le fort, informe le ministre qu’elle met à sa disposition une partie des services des sous-traitants locaux pour le génie civil et autres installations et services. Si ce n’est pas de la corruption, ça en a l’air en tout cas. Sinon comment une société étrangère, qui vient de gagner un marché, peut proposer à un ministre en fonction des services aussi généreux s’il ne lui a accordé aucune facilité ?
Toujours dans ce mail, dont Le Calame détient une copie, Kalpataru pose ses conditions pour le marché (Financement, taux d’intérêt, avance de démarrage) et demande que le mémorandum d’entente soit signé dans les 30 jours pour que la banque indienne Eximb Bank puisse débloquer le financement.
Le lendemain, 07 février 2017, le ministre, qui ne veut pas perdre de temps, envoie la requête de financement à la banque et ordonne le même jour la signature du mémorandum ouvrant la procédure de la signature du marché. Quelques heures après, la banque envoie son accord. Un record de célérité digne du Guiness Book. Et aussi d’ubiquité. Le président de la société indienne, NK. Kaushal, qui a envoyé le mail au ministre le 6 février depuis New Delhi, s’est retrouvé par miracle à Nouakchott le lendemain pour signer le mémorandum d’entente.
Ce qui prouve que tout a été convenu à l’avance et à tous les niveaux de l’Etat. Et on viendra nous dire après qu’Aziz fut le champion de la lutte contre la gabegie.
Le 11 mai 2020
Ben Abdalla
Source : Le Calame (Mauritanie)